Cinema: Pas de film sur la Sosucam

Censure. Le commissaire de la sécurité publique de Mbandjock a stoppé le tournage du documentaire mené par deux réalisateurs français sur le conflit entre les riverains et cette société.

A quelques heures du retour à Paris prévu ce soir à bord d’un vol Air France, Vincent Mercier et Mélanie Barreau de l’Ong Alliance Ciné se considèrent désormais comme « persona non grata » au Cameroun.

Après l’interdiction le 11 avril par le préfet du Mfoundi, du festival international du film des droits de l’homme, dont les réalisateurs français sont les promoteurs, c’est pour le tournage d’un film sur « l’accaparement des terres par la  Sosucam » que  les cinéastes connaissent des ennuis.
Arrivés à Yaoundé le 6 avril dernier, Mercier et Barreau ont eu fort à faire avec la ministre de la Culture, Ama Tutu Muna, le préfet du Mfoundi, Jean Claude Tsila, et depuis le 22 avril, des industriels s’y sont ajoutés. En l’occurrence Louis Yinda, président directeur général de la Société sucrière du Cameroun (Sosucam).

Le 22 avril à Mbandjock, localité située dans le département de la haute-Sanaga, région du Centre, les deux réalisateurs ont été stoppés par la police vers 6h du matin, pendant qu’ils étaient en train de prendre des images au lieu de rassemblement des coupeurs de cannes. Le commissaire de police Zingui qui a dirigé l’opération de leur mise en garde à vue qui s’en est suivi, leur présente d’abord une plainte de la Sosucam. La société accuse les cinéastes de « tentative d’espionnage économique » et d’ « atteinte à l’ordre public ». Ensuite, il leur est reproché de ne pas avoir d’autorisation de tournage. Vincent Mercier présente un reçu de paiement de la somme de 25000 Fcfa versée à la direction de la cinématographie du Mincult qui confère ainsi une autorisation provisoire. Rien n’y fait, les deux individus et leur accompagnteurs passeront 12h au commissariat de Mbandjock, notamment de 7 à 19h. Au terme d’une nuit « offerte » par la Sosucam à l’auberge municipal et sous la surveillance d’un policier qui y a mené la garde, Mélanie et Vincent ont été conduits le lendemain auprès du procureur de Nanga-Eboko. Ce dernier procède à leur « relaxation », estimant qu’il n’a pas de raison fondée de les garder, d’après les explications de Mercier au reporter du Jour, qui s’est rendu hier et avant hier dans leur hôtel du quartier Jouvence. Il nous apprend toutefois que la bande de tournage a été  retenue.  Les caméras et les passeports leur ont été remis par la suite.

La genèse du projet
Le projet de tournage d’un documentaire sur le conflit entre les populations locales de Mbandjock et la Sosucam qui occupe 30000 hectares des terres de cette localité, remonte à six mois à en croire Vincent Mercier. L’idée survient lorsqu’en Novembre 2010, une Ong française  « Les amis de la terre » décerne à la Sosucam le prix Pinocchio (En France, ce prix est décerné chaque année  et à une valeur ironique et dérisoire dans le sens où ce sont des antis récompenses, qui, pour le cas de la Sosucam veut traduire qu’ « elle ment sur son caractère humaniste et écologique »). Vincent Mercier veut en savoir plus et se rapproche du comité de développement de Ndo (Coden), une localité à 15 km de Mbandjock. Les populations de ce groupement se plaignent de l’ « accaparement des terres par la Sosucam sans contrepartie ». Mercier veut mettre l’ « affaire en image » dans un documentaire. Mais, de façon, « ni partisane ni complaisante, et en toute équité ». Le 5 avril, il envoie un mail à 11h44 à Lorraine Villegrain, directrice de développement de la société mondiale de développement de l’industrie agro alimentaire (Somdiaa), par ailleurs société mère de la Sosucam, pour une autorisation de tourner. Elle répond le même jour à 13h05, en ces termes : « nous sommes prêts à collaborer et à vous ouvrir les portes de la Sosucam lors de votre séjour au Cameroun. Nous allons demander à la Sosucam de vous réserver le meilleur accueil. Quant à notre rencontre à Paris, c’est avec plaisir que je vous recevrais à votre retour du Cameroun ». Dans un autre mail datant du 18 avril, à 17h09 madame Villegrain confirme un  entretien avec Louis Yinda, qui accepte de se prêter au jeu. Ce dernier décommande le 19 avril faisant savoir à que les réalisateurs sont « persona non grata auprès des autorités camerounaises ». Villegrain le fait avoir par mail à Mercier, mais l’accord pour tourner à la Sosucam reste intact. L’entretien avec Yinda  est par contre annulé.

Hier, une confrontation était prévue à Mbandjock avec les dirigeants de la Sosucam. Mercier et sa collaboratrice ont refusé de s’y rendre, de peur de subir « le préjudice moral  et psychologique de la dernière fois ». Ils ont tout de même remis une procuration à Yves Zoa secrétaire général du Coden.

Au moment où nous nous séparions sur le perron de l’hôtel où ils résidaient au quartier Jouvence, Mercier était rouge de colère. Les cinéastes n’envisagent pas de porter plainte. De Paris, ils comptent plutôt continuer à mener les négociations, d’une part pour parvenir à réaliser ce film et d’autre part  pour tenir le festival du film des droits de l’homme d’ici Novembre 2011. « L’idéal serait de le faire après l’élection présidentielle » estime Mercier. Avant, ils vont souffler quelque peu.

Eitel Elessa Mbassi| 28 Avril 2011| Le Jour|

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