L’armée américaine au secours des militaires camerounais
Lutte contre la piraterie maritime. Plus de 150 militaires camerounais ont suivi plusieurs modules spécialement conçus par les Américains pour renforcer leurs capacités.
Dans une salle spécialement aménagée à la Base navale de Douala, le décor avait l’allure d’une cérémonie de guerre, pendant toute une semaine. Surtout que dans les eaux du Wouri, à un jet de pierre de là, des patrouilleurs de la marine nationale camerounaise se donnaient en spectacle. Autour d’une même table, assis côte à côte, le général de division Sali Mohamadou, commandant de la 2ème région militaire interarmées, et le capitaine de Vaisseau David Rollo, officier supérieur venu du commandement des forces navales américaines pour l’Afrique, basé à Naples en Italie, tiennent la vedette. Dans la même salle, des éléments des forces de défense du Cameroun, du Gabon et du Congo sont là, dans le cadre des activités baptisées Africa Partnership Station (Aps), initiées par les Etats-Unis d’Amérique.
Formation
Cette formation qui a débuté le 7 juin dernier, fait partie d’un vaste programme qui a vu des manœuvres récurrentes des forces américaines au large des côtes camerounaises ces dernières années. Plusieurs bâtiments américains mouillant au large du Cameroun, ou à Douala et Limbe, ont déjà embarqué à bord, des soldats camerounais pour des missions régionales et sous-régionales. Il ne s’agit pas, pour les américains, à apprendre l’art de la guerre aux Africains en général et aux Camerounais en particulier, mais « notre objectif est de renforcer les capacités des armées africaines dans le volet sécurité maritime », avait indiqué au Jour, le général Ward, commandant des forces américaines pour l’Afrique (Africom).
Pour témoigner de la réalité du renforcement desdites capacités, des officiers supérieurs de l’armée sénégalaise font partie des moniteurs venus à Douala instruire les stagiaires camerounais, gabonais et congolais. « Si les Sénégalais sont aujourd’hui des formateurs, c’est grâce à la formation qu’ils ont eux-mêmes suivi dans le cadre de l’Africa Partnership Station », a indiqué le capitaine de Vaisseau David Rollo. En effet, les forces sénégalaises sont constamment présentes dans les missions Aps, à bord des navires américains. Le général de division Mohamadou Sali en se félicitant à l’avance de la haute importance de ces formations, a donné ordre à ses hommes de suivre les cours dans la discipline, et d’être assidus.
La formation 2011 était une fois de plus axée sur la sécurité maritime. Selon les instructeurs américains, les questions liées à la sécurité et la sureté maritimes dans le golfe de Guinée en général, et les eaux territoriales du Cameroun en particulier, la maintenance des petits bateaux, le pilotage des petits bateaux, le repérage et la fouille des petits bateaux, les visites d’abordage et de saisie, ont constitué le gros de la formation. Les visites d’abordage et de saisie concernent principalement les fouilles à l’effet de retrouver des armes et munitions, et bien sûr, un moyen essentiel de traque du trafic maritime des drogues. Un module qui vient à point nommé, étant donné que des trafiquants nigérians de la drogue venue du Brésil, ont choisi les eaux camerounaises comme voie de passage, après débarquement à l’aéroport international de Douala.
Santé militaire
Le volet santé militaire n’était pas en reste dans ce déploiement des militaires américains. Après la base navale de Douala, c’est l’hôpital militaire de la même ville qui a accueilli les Américains. Des séances portant sur l’assistance aux blessés de guerre se sont tenues. Tout comme le personnel de santé militaire a été formé à la maintenance du matériel médical et du matériel biomédical. Il y a ensuite eu des activités de génie militaire consistant essentiellement à la construction des dalles dans l’enceinte de l’hôpital militaire. Ces mêmes actions ont déjà été menées par le passé, dans des hôpitaux de Limbé. Selon les militaires américains, « l’interaction avec les communautés fait partie des missions de Aps ». En effet, lors du déplacement des navires dans le cadre de ses activités en Afrique, les forces américaines embarquent du matériel aussi bien militaire que civil. Ont peut citer outre les équipements médicaux et biomédicaux, les moteurs hors-bords et les pièces détachées pour moteurs de petits bateaux.
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“Fière de retourner à la maison”
Capitaine Onege Bateagborsangaya. D’origine camerounaise, elle parle de son expérience dans l’armée américaine.
Contrairement à vos camarades ici présents ici à Douala, vous êtes d’origine camerounaise. Est-ce que cela a une incidence sur votre participation à la formation ?
Je dois d’abord dire que ça me fait du bien de revenir ici au Cameroun, après plusieurs années passées au Etats-Unis. Dans ma tête, je me sens américaine et fière de l’être, mais je suis également fière de revenir à la maison. C’est important pour nous, d’aider nos camarades camerounais et africains en général à renforcer leurs propres capacités, dans la cadre de l’Africa Partnership Station.
Dans le cadre de la mission en cours qui porte sur la formation à la sécurité maritime, quel est votre rôle personnel ?
La formation qui est dispensée ici à Douala se fait en plusieurs modules. Je suis officier de zone étrangère au sein de la marine américaine, au commandement des forces navales basé à Naples en Italie. J’ai une spécialisation sur l’Afrique. J’ai été choisi pour cette formation en raison de cette spécialisation sur l’Afrique. J’ai par ailleurs effectué plusieurs autres missions dans des pays africains. Je suis aviateur naval, entre autres formations, et c’est pour cela que je peux être utile ici à Douala. La mission actuelle est collective et chacun a un rôle à jouer.
Vous disiez que vous êtes officier de zone étrangère. Quel a été votre parcours dans l’armée, jusqu’à ce jour où vous arborez le grade de capitaine ?
J’ai été recruté dans la marine américaine en mai 2000 et j’ai participé à la mission « Operation Noble Eagle » a bord du Uss John F. Kennedy (Cv-67) après les attentats su 11 septembre 2011. En mars 2003, j’ai été sélectionnée pour l’école d’aspirant-officier de Pensocola en Floride. Et c’est en 2004 que j’ai été faite officier dans la marine. J’ai fait plusieurs formations en aviation, et participé à des opérations de grande envergure. J’ai notamment piloté l’avion P-3C Orion lors du plus grand exercice maritime international avec les armées d’Australie, du Japon, du Chili, de Corée, de Grande Bretagne et du Canada. En novembre 2008, je suis à l’école navale de guerre des Etats-Unis où j’ai décroché un Masters en Sécurité nationale et études stratégiques. C’est là que j’ai été choisie officier de zone étrangère avec spécialisation sur l’Afrique.
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“Mon expérience américaine”
Luc Armand Kamdem. Sous-officier spécialiste en réparations aéronautiques, il s’occupe de la traduction et de la logistique lors de la formation de Douala.
Lorsqu’en 2008, Luc Armand Kamdem quitte le Cameroun, il est un simple employé de la mairie de Douala 5ème à Bonamoussadi. Arrivé au Etats-Unis en aventure, il fait des petits jobs pour joindre les deux bouts. Du moins, jusqu’en 2009 lorsqu’il présente le concours de la marine américaine. Avec succès. Finis donc les petits boulots, et voici peut-être venu, le moment d’entamer une nouvelle vie. « Je n’y croyais pas du tout. Mais les Etats-Unis sont une terre d’opportunités où tout le monde peut réussir s’il fait preuve d’ardeur au travail ». En effet, Arman Kamdem est admis à la marine pour une formation qui s’achève en 2010. Aussitôt après, il fait d’autres formations, dont celle en maintenance aéronautique. Sa belle tenue blanche qu’il arbore est frappée de deux « V » noirs, correspondant au grade d’officier marin, 4ème grade, soit un sergent dans l’armée camerounaise. « A la seule différence que l’armée américaine est une armée de métier, et non de grades », précise un officier américain. La preuve est que l’ex employé communal à Douala est militaire américaine, membre d’une équipe de moniteurs venus renforcer les capacités de l’armée camerounaise.
Luc Armand Kamdem croit savoir qu’il est devenu militaire et citoyen américain grâce à Dieu. Mais aussitôt enrôlé dans la marine américaine, il s’est mis au travail. « C’est un travail à la fois difficile et exaltant, mais nous tenons le coup grâce à l’encadrement de qualité dont nous bénéficions auprès des chefs », dit-il. En peu de temps, il a déjà effectué plusieurs missions militaires à l’extérieur des Etats-Unis. La dernière étant cette participation à la formation des éléments de l’armée camerounaise à la sécurité maritime. Sur place à Douala, son rôle n’était pas essentiellement technique, au sens militaire à proprement parler. « Je m’occupe principalement de la logistique et de la traduction », explique-t-il. Pour cela, il a plusieurs atouts : il est Camerounais d’origine, il parle couramment le français et l’anglais, et il connait la ville de Douala, ses coins et ses recoins.
Aux côté de ses camarades américains, il a travaillé de longues heures durant, affichant toute sa fierté d’être retourné au pays natal, et jurant de toujours servir la marine, sous le drapeau américain.
Denis Nkwebo | 22 Juin 2011 | Le Jour |
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