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CRISE FINANCIERE ET FRANC CFA

Quelle est l’origine de la crise actuelle ?

 Je souhaite distinguer la crise américaine de celle de l’Europe. Les pays avancés vivaient au dessus de leurs moyens en attirant l’épargne du reste du monde. La principale différence est que la crise américaine est liée aux mauvais crédits immobiliers «subprime loans» et la crise européenne provient de prêts aux Etats incapables de rembourser leur dette (Portugal, Irlande, Grèce, Espagne) en raison du laxisme budgétaire. Aux Etats Unis et en Europe, la crise financière internationale a abouti à une crise de la dette publique en raison de la décision des gouvernements de sauver le système financier et stimuler la croissance. Les pays les plus vulnérables sont ceux dont l’économie reposait sur des financements extérieurs pour financer les besoins domestiques. En raison de l’interdépendance des marchés, lorsque les pays prêteurs sont entrés en crise, les sources de financement se sont taries. Aux Etats Unis, les autorités ont pris le taureau par les cornes tandis qu’en Europe, personne ne veut «mutualiser les pertes» en payant pour les autres.

 Aux Etats Unis, la crise trouve ses origines dans la politique de taux d’intérêts faibles mise en œuvre pour relancer l’économie à partir de 2001. Elle a alimenté la spéculation boursière et immobilière pendant près de 7 ans. Profitant d’une politique monétaire laxiste, les ménages américains, -y compris ceux n’ayant pas les ressources nécessaires- se sont endettés à tour de bras pour réaliser le «rêve américain», celui d’accéder à la propriété immobilière. Les Banques ont également financé de manière frénétique des rachats d’entreprises (OPA) sans tenir compte de la situation réelle des entreprises. Les banques ont fait preuve de légèreté parce qu’elles n’avaient pas l’obligation de garder les crédits immobiliers dans leurs bilans. Elles structuraient ces crédits immobiliers-quelle que soit la qualité des emprunteurs- pour émettre des titres qu’elles revendaient aux investisseurs du monde entier (fonds de pension, compagnies d’assurance, gestionnaires de portefeuilles, etc) souhaitant faire fructifier leur épargne. Les banques enregistraient une grande partie de ces risques en engagements hors bilan pour convaincre les organes de supervision que les risques qu’elles prenaient étaient en adéquation avec les fonds propres.

De leur côté, les compagnies d’assurance comme AIG garantissaient les investisseurs contre le risque de non-paiement de la part des entreprises émettant des emprunts sur les marchés financiers. Les agences de notation financière (Standard and Poor’s, Moody’s, Fitch) en charge d’aider les investisseurs à apprécier les risques renforçaient la confiance dans le système en attribuant d’excellentes notations aux titres émis, en contrepartie de commissions juteuses. C’est par ces mécanismes que le virus a été injecté dans le système. Lorsque la banque centrale américaine (FED) a commencé à relever progressivement les taux d’intérêt, la crise immobilière a commencé à se faire sentir dès 2006, suivie de la crise financière déclenchée en 2008 par la faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers. On s’est rendu compte que le système reposait sur un château de cartes. Les banques avaient vendu des produits toxiques. Les banques et les compagnies d’assurance avaient pris des risques démesurés par rapport à leurs fonds propres.

 En effet, le système financier était devenu un casino à grande échelle. La bulle devait éclater tôt ou tard. Juste quelques exemples pour illustrer mon propos. Entre 1928 et 1982, l’indice de la bourse américaine (Dow Jones) a enregistré une croissance de 300%. Entre 1982 et 2005, le Dow Jones a connu une croissance de 1600% alors que les bénéfices des entreprises qui sous-tendent les valeurs boursières n’augmentaient que de 300% sur cette période. Le même phénomène s’est produit dans le secteur immobilier. Entre 1980 et 2001, l’immobilier a augmenté au même rythme que l’inflation. De 2001 à 2005, l’immobilier augmentait de 20 à 50% par an dans certaines régions alors que le revenu des ménages n’augmentait que de 10% sur la période et que de nombreux ménages avaient contracté des emprunts à taux variables. L’Amérique a ainsi créé en l’espace de quelques années une richesse artificielle de près de 2.400 milliards de dollars à travers le crédit et le refinancement immobilier, ainsi qu’un système de prêt à la consommation qui permettait aux ménages d’emprunter de l’argent pour les vacances ou l’achat d’une voiture sur la base d’un crédit représentant une ponction sur la valeur de leur maison «equity loan». En raison de la faiblesse des taux d’intérêt, les ménages américains se sont surendettés. Le ratio de la dette par rapport aux revenus est passé de 75% à 125% entre 1990 et 2010.

 Le cycle de l’argent facile a pris fin avec la crise financière de 2008 liée à la correction de la bulle boursière et immobilière. Plus 16.400 milliards de dollars de richesses des ménages se sont envolés en éclats à travers la chute des placements boursiers, la perte des fonds de retraite, la baisse des prix de l’immobilier et des salaires. Il convient de souligner que la croissance américaine repose à 70% sur la consommation des ménages. La crise financière s’est transformée ainsi en crise économique avec la chute de la consommation et de l’investissement. Elle a également aggravé la crise de la dette publique à travers les plans de stimulation de l’économie et du sauvetage des banques. Sous l’Administration Obama, la dette publique américaine a augmenté de 3.700 milliards de dollars. Elle dépasse dorénavant plus 15.000 milliards de dollars soit plus de 100% du PIB.

 Quelles sont les perspectives aux Etats Unis ?

 Les Etats Unis s’en sortent mieux que l’Europe parce qu’ils ont deux atouts majeurs. Ils ont la monnaie internationale de réserve et contrairement à l’Europe ou à la zone franc, ils peuvent utiliser tous les instruments de la politique économique pour juguler la crise. La politique monétaire et budgétaire est orientée vers le soutien de l’activité et de l’emploi à travers des programmes de relance, la baisse des taux d’intérêt, l’injection de liquidités dans l’économie et le rachat des titres toxiques des banques pour éviter l’effondrement du secteur financier.

 Néanmoins, les Etats Unis risquent d’entrer en récession compte tenu des contraintes internes et externes. Sur le plan interne, étant donné que 70% de la croissance repose sur la consommation des ménages, aucune relance n’est possible sans un coup d’arrêt à la crise immobilière. Dans le plan d’aide de 800 milliards de dollars au secteur financier, l’Administration américaine aurait dû imposer des conditionnalités aux banques pour restructurer les crédits immobiliers et modifier le système d’incitations qui leur permet de gagner plus d’argent par des saisies-immobilières. En ce qui concerne le plan emploi, outre les blocages au Congrès, le lancement d’un programme de modernisation des infrastructures aura du mal à générer à temps des emplois et des revenus pour juguler la crise en raison du décalage entre l’adoption des mesures et leur mise en œuvre. Sur le plan extérieur, l’Amérique ne saurait compter sur une Europe qui entre en crise. A court terme, l’Asie ne saurait servir de locomotive à la reprise mondiale, en raison d’un modèle de développement orienté vers les exportations.

 Qu’en est-il de la crise en Europe ?

La crise de l’Euro constitue un accident qui attendait le moment opportun pour se produire car la construction de l’Euro est aussi aberrante que celle du franc CFA. Elle rappelle le parcours d’un homme qui décide de marcher sur la tête et qui ne peut être sauvé de ses propres turpitudes.

 L’Euro était mal conçu dès le départ

La monnaie unique était condamnée dès le départ car le projet a été mal conçu pour les raisons suivantes: (i) la création de la monnaie unique avec une banque centrale commune et des politiques budgétaires divergentes, en l’absence de prêteur en dernier ressort comme dans un système fédéral; (ii) un Pacte de Stabilité malléable en fonction des intérêts des grands pays de l’Union et (iii) l’absence de politique commune d’endettement auprès des marchés financiers pour mutualiser les risques. Dans ces conditions, lorsque les pays rencontrent des difficultés financières et que les marchés ne veulent plus leur prêter de l’argent, ils doivent avoir recours au FMI au même titre que les pays de la zone franc.

 En raison de la monnaie commune, les pays perdent l’autonomie de la politique monétaire lorsqu’il faut soutenir leurs économies. La Banque centrale fixe la politique monétaire par rapport aux contraintes des pays leaders comme l’Allemagne dont le principal objectif est de juguler l’inflation. Dans ce système, les pays faibles bénéficient de taux d’intérêt bas et d’un accès facile aux marchés des capitaux. En contrepartie, en cas de crise, ces pays sont exposés aux risques de fuites de capitaux vers les pays les plus vertueux. Les pays les plus performants comme l’Allemagne bénéficient d’un vaste marché et d’un stimulus à l’exportation en raison de la sous-évaluation de leur monnaie car celle-ci ne reflète pas les surplus qu’ils ont accumulés dans le commerce mondial. Contrairement aux Etats Unis, les pays membres ne peuvent ni émettre de la monnaie, ni faire unilatéralement racheter leur dette par la Banque centrale pour lutter contre la crise. Etant donné qu’il n’ya pas d’Etat fédéral, les pays les plus puissants comme l’Allemagne et la France refusent de servir de payeur en dernier ressort comme le fait le gouvernement américain par rapport aux 50 Etats membres. Par conséquent, les pays en crise doivent s’adresser au FMI.

 Par ailleurs, le Pacte de Stabilité et de Croissance qui aurait pu servir de soupape de sécurité a volé en éclat lorsque les pays les plus puissants l’ont violé pour soutenir leurs économies pendant la crise financière. Ce pacte imposait un plafond de 3% du PIB pour le déficit budgétaire et 60% du PIB pour la dette publique.

 La zone euro porte également des germes d’éclatement car la monnaie commune avec des risques-pays individualisés pour l’accès aux marchés financiers est insoutenable à long terme. En effet, un pays disposant de sa propre monnaie (Etats Unis, Royaume Uni, Japon, etc), peut demander à la Banque centrale d’émettre de la monnaie pour payer la dette. Prenons l’exemple du Japon. Lorsque les investisseurs ont des doutes sur la capacité de remboursement du gouvernement Japonais, ils revendent les titres des emprunts émis par ce pays (obligations du Trésor Japonais). Ce qui augmente le taux de refinancement du gouvernement Japonais. En outre, les investisseurs vendent également la monnaie Japonaise (le Yen) pour avoir des dollars qu’ils vont réinvestir ailleurs. Cette vente de Yen provoque une baisse de la valeur de la monnaie Japonaise et cette dépréciation du Yen stimule les exportations car les produits Japonais deviennent moins chers à l’étranger. En raison de la hausse des exportations, le Japon augmente la croissance économique ainsi que les recettes fiscales et la capacité à rembourser la dette.

 Ce mécanisme ne joue pas pour les pays de la zone euro. En effet, lorsque les investisseurs ont des doutes sur la capacité de remboursement du gouvernement Grec, ils vendent la dette émise par l’Etat Grec (emprunts obligataires). Ce qui fait baisser la valeur de ces titres et augmenter les taux d’intérêt auxquels la Grèce doit se refinancer car les investisseurs demandent un prix plus élevé pour risquer leur argent sur la dette Grecque. Après avoir vendu les titres Grecs, les investisseurs ont la possibilité de placer leur argent dans les pays les plus vertueux comme l’Allemagne et la Hollande. Donc la Grèce est pénalisée à plusieurs égards car elle emprunte à 6,7% contre 1,8% pour l’Allemagne, elle ne peut pas dévaluer sa monnaie pour relancer l’économie et enregistre en plus une fuite de capitaux. Si la Grèce n’arrive plus à se refinancer aux taux imposés par les marchés financiers, le FMI et la BCE doivent lui fournir des liquidités en contrepartie de Programmes d’Ajustement pour éviter l’aggravation de la crise par des mécanismes de contagion. Si plusieurs pays membres de l’euro se retrouvent dans la même situation que la Grèce, il y a un risque d’implosion de la zone.

 La crise actuelle des PIIGE (Portugal, Irlande, Italie, Grèce, Espagne)

 Les pays du Sud de l’Europe frappés par la crise partagent des caractéristiques communes : un niveau d’endettement élevé du gouvernement ou des crédits immobiliers insoutenables accordés par les banques, une absence de compétitivité par rapport à l’Europe du Nord, notamment du fait de coûts salariaux élevés et des besoins de financement élevés auprès des marchés financiers pour faire face au service de la dette. Face à la crise, ils ne peuvent ni avoir un soutien illimité de la BCE, ni dévaluer leur monnaie. Ils doivent par conséquent appliquer des politiques d’austérité (Ajustement Structurel) à travers la hausse des impôts, la réduction du train de vie de l’Etat et les privatisations pour rembourser la dette. Cette politique réduit la croissance et transforme la crise de la dette en crise économique à travers la baisse du niveau d’activité, la hausse du chômage ainsi que la baisse des recettes fiscales qui par ricochet réduit davantage la capacité de l’Etat à faire face au service de la dette. Cette dynamique crée un cercle vicieux de surendettement, de rééchelonnement et d’allègement de la dette similaire aux mécanismes du Club de Paris et de l’Initiative PPTE.

Les situations nationales sont cependant différentes. Le Portugal est plus proche de l’Italie que de l’Irlande avec une croissance endémique de l’ordre de 0,7% sur la décennie écoulée, une économie peu compétitive reposant sur la dette extérieure pour soutenir artificiellement un mode de vie comparable aux voisins européens. Pour maintenir leur train de vie, les Portugais devaient en permanence mettre en œuvre des programmes d’austérité pour rassurer les marchés financiers sur leur capacité de remboursement. Après le rejet du plan d’austérité et la démission du gouvernement en 2011, les agences de notation ont dégradé la note du Portugal, les investisseurs ont perdu confiance et les taux de refinancement de la dette Portugaise sont passés de 5.8% à 8%. Ce qui rend impossible tout refinancement pour un pays dont la croissance est de 0,7%. Le Portugal a donc été obligé de signer un programme avec le FMI et l’Union Européenne qui sera difficile à mettre en œuvre, compte tenu des difficultés à réduire le déficit budgétaire de 9,1% du PIB à 3% en 2013 en période de crise.

En Italie, la crise provient de l’endettement insoutenable de l’Etat (118% du PIB) depuis les années 1990. L’Italie souffre d’un vieillissement de la population, d’une croissance atone de 0.75% en moyenne au cours des 15 dernières années, de coûts salariaux élevés et d’un niveau d’inflation supérieurs au Nord de l’Europe. Elle doit emprunter en permanence sur les marchés financiers pour faire face au service de la dette. Avec un écart de taux d’intérêt de 6,7% contre 1,8% en Allemagne, les marchés financiers doutent de la capacité de l’Italie à continuer à lever des fonds pour rembourser sa dette en raison d’une croissance économique inférieure aux taux de refinancement sur les marchés et des politiques d’austérité qui vont davantage réduire la croissance économique. Les craintes ont d’autant plus fortes que le Fonds de Stabilisation Financière Européen ne dispose que de 1.000 milliards d’euros pour aider les pays en crise alors que la dette de l’Italie s’élève à 1843 milliards.

 En Grèce, la dette est de 357 milliards de dollars soit 120% du PIB. Depuis son entrée dans l’euro, la Grèce a emprunté massivement pour financer le déficit budgétaire et celui de la balance des paiements. La crise provient de l’endettement insoutenable de l’Etat alimenté par la crise de confiance sur les comptes publics, une forte évasion fiscale, une économie peu compétitive en raison du poids de la fonction publique, des prestations sociales et de coûts salariaux supérieurs à l’Europe du Nord. Les investisseurs ont perdu confiance dans la sincérité des comptes publics lorsqu’ils ont découvert en 2009 que le déficit budgétaire estimé par les autorités à 13,6% du PIB était en réalité de 15.4%. Les taux d’intérêt sur la dette Grecque se sont envolés. Après avoir essayé de mettre en œuvre son propre programme d’austérité, la Grèce a été obligée d’accepter l’assistance du FMI et de l’Union Européenne de 155 milliards de dollars en 2010.

 En Espagne, la crise n’est pas liée au surendettement du gouvernement. Le niveau de la dette publique est inférieur à celui de l’Allemagne ou de la France. La crise espagnole provient de l’éclatement de la bulle immobilière. Entre 2004 et 2008, les prix de l’immobilier ont augmenté de 44%. Les salaires ont augmenté de 36% entre 1999 et 2008 contre 3% en Allemagne. Comme en Irlande, les banques ont pris des risques considérables pour soutenir la flambée de l’immobilier. Lorsque la bulle a éclaté, la croissance s’est ralentie et le chômage a atteint un niveau record de 21,5% en 2011. Le pays est aujourd’hui affecté par l’effet de ciseaux avec d’une part des recettes fiscales en baisse en raison de la crise et d’autre part la hausse des dépenses publiques liée au sauvetage des banques, aux déficits colossaux des régions et aux dépenses sociales dans un contexte de rigidité monétaire et salariale. Par conséquent, les besoins de financement sont énormes. Les finances publiques sont passées d’un surplus de 2% du PIB en 2007 à un déficit de 9,3% en 2010. Les dettes des banques et du Trésor arrivant à échéance en 2012 représentent 335 milliards d’euros, et pour cela l’Espagne pourrait avoir besoin d’une aide de 100 milliards. Compte tenu de la crise de confiance sur la capacité de l’Espagne à faire face à ses engagements, les taux d’intérêt sur la dette espagnole sur 10 ans sont passés à 6,3% contre 1,8% pour l’Allemagne.

 Quelles sont les options de sortie de crise dans la zone euro?

 Les options existent au niveau de la zone euro et des pays en crise. Au niveau de la zone, les pays membres pourraient évoluer vers un système fédéral à l’américaine avec un payeur en dernier ressort ou vers la mise en place d’un Fonds Monétaire Européen avec un système de vote à la majorité qualifiée comme au FMI (un dollar, une voix) et lancer des emprunts communautaires pour éliminer le risque-pays. Cette mutualisation des risques requiert au préalable une plus grande convergence des politiques budgétaires. A court terme, il faut une politique économique combinant un plan d’austérité crédible pour réduire les déficits budgétaires et stabiliser la dette publique à moyen terme en complémentarité avec une politique monétaire souple pour soutenir l’activité comme le fait la Banque Centrale américaine à travers la baisse des taux d’intérêt, l’injection de liquidités et le rachat de la dette toxique. La BCE a déjà racheté les titres de la dette Grecque, Espagnole et Italienne pour soutenir ces pays. Mais les pays Germaniques estiment que la BCE n’a aucun mandat pour agir en tant que prêteur en dernier ressort. Sur le plan budgétaire, seule l’Allemagne dispose de marges de manœuvres pour emprunter et dépenser en vue de relancer la machine économique.

 Au niveau des pays en crise, plusieurs options sont disponibles. En premier lieu, ils peuvent mettre en œuvre des politiques d’austérité pour rassurer les marchés financiers sur leur capacité de remboursement. Ce choix comporte des risques de troubles sociaux en raison de la chute de la croissance et de la montée du chômage. En second lieu, ils peuvent faire défaut sur le remboursement de la dette. Ce choix pourrait entraîner une panique généralisée sur les marchés ainsi qu’un phénomène de contagion vers les pays dont les banques sont exposées à la dette des pays en crise. Un défaut de la part de pays comme l’Italie et l’Espagne aurait un effet dévastateur sur le système financier international. En dernier lieu, les pays en crise pourraient décider de quitter la zone euro pour reprendre leur autonomie monétaire et financière. Ce serait le pire des choix pour la zone euro d’autant plus qu’aucun mécanisme n’a été prévu pour les pays souhaitant quitter l’union monétaire. Seul l’Article 50 du Traité de Lisbonne prévoit la sortie de l’Union Européenne qui entraîne de facto une sortie de l’euro. Les pays sortis de l’Union Européenne pourraient avoir le statut de la Norvège ou de la Suisse. La sortie de l’Euro pourrait entraîner à court terme une hausse de l’inflation, une baisse du niveau de vie ainsi qu’une pression sur le système financier avec la réévaluation des actifs et des contrats de crédit. En contrepartie, elle pourrait leur donner une plus grande autonomie au niveau de la politique monétaire et budgétaire et relancer la croissance.

FAUT-IL DEVALUER LE FRANC CFA ?

Pourquoi dévalue-t-on une monnaie ?

 La monnaie est un attribut de souveraineté au même titre que les autres fonctions régaliennes de l’Etat. Les pays peuvent librement choisir leur régime de change en optant soit pour un taux de change flexible fluctuant quotidiennement en fonction du marché ou pour un taux de change fixe par rapport à une monnaie de référence ou un panier de monnaies. Lorsqu’on est dans un régime de changes flexibles comme c’est le cas du dollar, on parle d’appréciation lorsque la valeur de la monnaie augmente par rapport aux autres et de dépréciation lorsque la valeur baisse. Dans un système de changes fixes, comme le Franc CFA, les Etats choisissent une valeur fixe (655 fcfa pour un euro) qui ne peut être changée que par décision des Etats de baisser la valeur de leur monnaie par exemple de 655 à 1000 fcfa pour un euro (dévaluation) ou d’augmenter sa valeur par exemple de 655 à 500 fcfa pour un euro (réévaluation).

Lorsqu’un pays choisit le régime de changes fixes comme dans la relation franc CFA-Euro, il n’a plus de politique monétaire autonome. Il perd ainsi un puissant levier pour corriger les déséquilibres commerciaux avec l’étranger ou stimuler l’activité économique. Il perd également le contrôle de la politique des taux d’intérêt pour orienter l’activité économique. Son seul objectif est de défendre la parité cfa/euro en alignant sa politique monétaire et ses taux d’intérêt ainsi que son niveau d’inflation sur ceux de la monnaie de référence (l’euro). La politique budgétaire devient son seul levier de commande qui doit être géré avec beaucoup de discipline car les pays ayant choisi le régime de changes fixes ne peuvent pas financer leurs déficits budgétaires par la création monétaire.

 Le régime de changes fixes est approprié pour les pays peu impliqués dans les marchés financiers internationaux, ayant expérimenté un niveau d’inflation déstabilisateur, effectuant l’essentiel de leurs échanges économiques avec la zone de la monnaie de référence (Union Européenne pour le franc), soumis aux mêmes chocs et contraintes économiques que les pays de la zone monétaire de référence (Euro), souhaitant abandonner leur souveraineté monétaire, pratiquant des politiques budgétaires soutenables et ayant un marché du travail flexible ainsi qu’un niveau de réserves en devises élevé pour défendre la parité de leur monnaie.

 Un pays dévalue lorsque le niveau de réserves à la Banque Centrale ne permet plus de défendre le niveau de parité choisi (655 francs cfa contre un euro). C’est le cas lorsque la baisse des prix des matières premières diminue les réserves en devises de la Banque Centrale. Il peut dévaluer pour relancer la croissance et lutter contre le chômage par exemple en décidant que dorénavant, un euro vaut 1000 francs cfa au lieu de 655 francs cfa parce que c’est à ce niveau qu’il peut défendre la parité. La dévaluation permet de baisser la valeur de la monnaie nationale. Cette baisse du franc CFA permet d’exporter plus, car les biens des pays de la zone franc valent dorénavant moins cher en euros. Elle permet également de réduire les importations, car les biens étrangers coûtent plus cher en francs CFA. Lorsqu’un pays vend plus à l’étranger qu’il n’importe de produits, cela améliore sa balance des paiements. Au niveau des finances publiques, la dévaluation permet de relancer l’activité, l’emploi ainsi que les recettes fiscales. Cependant, les effets positifs ne se font sentir que lorsque le pays dispose de capacités à l’exportation et que la hausse des prix domestiques annule pas les bénéfices de la dévaluation.

 Faut-il réévaluer ou dévaluer le franc cfa ?

En janvier 1994, le franc cfa a été dévalué en raison des déséquilibres des pays de la zone franc et de la politique du franc fort ayant contribué à l’appréciation du franc cfa et par ricochet une perte de compétitivité au niveau du commerce international. Lors de l’introduction de l’Euro en 1999, la valeur du franc CFA a été fixée à 655 pour un euro et un euro valait 1,17 dollars.

La situation est différente aujourd’hui. Il n’ya aucune urgence à dévaluer le franc CFA pour deux raisons. En premier lieu, les pays de l’euro traversent une période difficile tandis que les pays de la zone franc connaissent une croissance remarquable depuis plusieurs années. Selon le FMI, la croissance du PIB de la zone CEMAC serait de l’ordre de 5,3% en 2012, l’inflation serait autour de 2% et la capacité de paiements extérieurs serait de 7 mois, soit deux fois le niveau minimum requis de 3 mois. En clair, les performances économiques sont bonnes et le niveau d’inflation par rapport à la zone euro ne permet pas de conclure que le franc CFA est surévalué. En second lieu, la valeur de l’Euro s’inscrit dans une tendance à la baisse par rapport au dollar. Il est passé de 1,45 en d’Août 2011 à 1,35 en Novembre 2011. Cette dépréciation de l’euro par rapport au dollar implique indirectement une baisse du franc CFA par rapport à la monnaie américaine. Ceci est à l’avantage des pays de la zone franc qui peuvent exporter plus de produits dans la zone dollars sans changer de parité. Dans ces conditions, une dévaluation du franc CFA ne s’impose pas sur le plan strictement économique. Il convient néanmoins de prendre également en compte l’évolution de la monnaie de nos principaux partenaires commerciaux, y compris le Nigeria. Le danger de la dévaluation du franc CFA viendrait plutôt de l’appréciation de l’euro par rapport au dollar et non l’inverse.

 A supposer que nonobstant la réalité économique, on décide de dévaluer le franc CFA, quel en serait l’objectif ? Serait-ce parce que les pays de la zone franc ont finalement décidé de mettre en place des stratégies d’import-substitution pour relancer la base agricole et industrielle? Si c’était le cas, ont-ils réglé le problème du compte d’opérations pour disposer plus librement de leurs réserves et mettre en place un système de gouvernance plus rigoureux pour ne pas dilapider ces fonds ?

 De même, je ne saurais recommander une réévaluation de la parité du franc CFA par rapport à l’euro dans les conditions actuelles pour ne pas pénaliser l’exportation des produits africains, notamment dans l’espace européen. Une réévaluation aurait l’avantage de faire baisser le prix des importations. Mais elle aurait l’effet d’une drogue car notre défi majeur est de produire davantage et d’exporter plus pour créer des emplois. Au moment où nous avons tout à construire, où la croissance reste faible, où la balance des paiements est structurellement déficitaire, nous donnerions l’impression que nous avons résolu tous nos problèmes si nous décidons de réévaluer notre monnaie. Les priorités sont ailleurs. Compte tenu de la diversification de nos échanges, nous devons fixer la parité du franc CFA par rapport à un panier de monnaies représentatif de notre commerce extérieur et éliminer progressivement le compte d’opérations. En outre, la zone franc et la CEMAC en particulier ont le niveau d’accès au financement le plus faible du monde. Nous devons réformer profondément le secteur financier pour mieux financer nos économies et assurer le développement.

 En conclusion, un euro fort par rapport au dollar sur les marchés des changes en présence de faibles économies des pays de la zone franc (faible croissance économique, déficits budgétaires et de la balance des paiements avec endettement insoutenable) représente un risque pour la dévaluation comme en 1994. A contrario, un fort euro par rapport au dollar en présence forte économie des pays de la zone franc (forte croissance, amélioration des finances publiques et de la balance des paiements, faible niveau d’endettement) devrait en principe entraîner une réévaluation.

 Eugene Nyambal Economiste, Managing Partner GPMG, ancien Conseiller Principal au FMI et Chef de Mission à la Banque mondiale

Cameroonwebnews| 16 Décembre 2011 |




 

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