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Christopher Fomunyoh: «D’autres lettres de Marafa feront prospérer la transparence»

Le politologue et directeur Afrique du National democratic institute for International Affairs (Ndi), qui est un «think tank» américain lié au parti démocrate dans la promotion de la démocratie dans le monde, explique les raisons de sa présence aux côtés de Marafa Hamidou Yaya à son procès et revient sur la politique nationale, de même que l’entrée en politique du professeur Kamto. Le grand voyageur à travers le continent africain, au point d’en devenir les yeux et les oreilles de l’administration Obama au sujet des questions de démocratie, livre en exclusivité au Messager, les ressorts de son court séjour au pays natal.

Vous étiez au tribunal de grande instance du Mfoundi à Yaoundé le 9 août 2012 lors du procès de Marafa Hamidou Yaya. Vous avez échangé avec l’ex- ministre d’Etat. Etiez-vous venu lui apporter votre soutien?

J’ai tenu à suivre ce procès et à être présent à l’audience pour observer de près le fonctionnement de notre système judiciaire. Comme la plupart de mes compatriotes, je suis moi aussi intéressé par le contenu de ce procès, compte tenu de l’importance des personnalités mises en cause, et de la nature des faits qui leur sont reprochés. Il était donc tout à fait logique que je prenne le temps d’aller à l’audience pour écouter non seulement les charges retenues contre les intéressés, mais aussi leur version des faits à travers leurs propres dépositions et témoignages. Comme tout Camerounais démocrate, mon espoir est de voir un aboutissement équitable et juste pour le Cameroun ainsi que pour les intéressés.

D’aucuns peuvent considérer cette présence comme le renforcement de l’idée d’un procès politique. Surtout qu’à la veille de la dernière présidentielle, une partie de l’opinion vous présentait tous les deux comme des candidats de l’Occident. Qu’en dites-vous?

On ne peut pas empêcher les gens de tirer certaines conclusions, même si celles-ci ne correspondent pas à ma manière de penser et d’appréhender les choses. Maintenant que le dossier a été instruit et confié aux instances judicaires, l’idéal serait de veiller à ce que la Justice puisse faire son travail en toute indépendance et en toute objectivité.

Vous avez lu les lettre ouvertes de Marafa Hamidou Yaya. Quel jugement en faites-vous?

A la publication de ces lettres, j’avais déjà eu à saluer le courage de Marafa Hamidou Yaya d’avoir osé mettre sur la place publique les disfonctionnements de l’appareil étatique de notre pays. Ainsi le Camerounais ordinaire a pu évaluer, à travers ce cas concret, ces disfonctionnements dans la prise de décision au plus haut niveau. On peut constater que l’opinion publique a été davantage éclairée sur certains dossiers importants dont le traitement était resté opaque et obscur pendant des décennies. D’autres publications de ce genre feront prospérer davantage la transparence dans la gestion des affaires publiques et permettront un éveil de la société civile. Bien sûr tout cela est propice à la démocratie.

Comment le politologue que vous êtes apprécie le grand déballage d’un ex haut dignitaire du régime Biya et du Rdpc?

Pour quelqu’un dont la réputation a été entachée par des poursuites judicaires et autres accusations, on ne peut pas l’empêcher de jouir de sa liberté d’expression. Sous d’autres cieux, ce genre de révélation contribue à attirer l’attention du public, y compris de ceux qui gouvernent, sur la nécessité d’une plus grande responsabilité dans la gestion des deniers publics. Il est tout à fait heureux de remarquer que certaines critiques faites par Marafa rejoignent les points de vue que moi-même et bien d’autres avons exprimés pendant les deux dernières décennies sur la mal gouvernance sous Biya. En même temps, il est regrettable de constater que toutes les personnes mises en cause dans les écrits de Marafa et dans le dossier Epervier sont, elles-mêmes, des dignitaires du régime et du parti au pouvoir. En bon patriote, je ne peux m’empêcher de me demander comment nous en sommes arrivés à ce stade et comment nous avons pu penser un seul instant que le Cameroun pouvait être bien gouverné avec à sa tête des personnalités sur lesquelles pèsent autant de suspicions.

Marafa est devenu très populaire après son activité épistolaire. Comment peut-on interpréter ce phénomène dans le contexte camerounais?

Comme nous n’avons pas de sondage d’opinion, il est difficile de quantifier le degré de popularité de différentes personnalités. Mais, à juger par les publications de la presse et le nombre de personnes qui se présentent au tribunal à chaque audience, on dirait qu’il y a un engouement dans la société civile camerounaise pour connaitre la vérité sur certaines affaires qui ont marqué l’histoire de notre pays, comme le dossier Albatros. Il n’est pas exclu que pour certains de nos compatriotes, Marafa ayant servi le régime Biya au plus haut rang pendant 17 ans, ces révélations sur les ambigüités du système puissent enrichir leur réflexion sur l’avenir du pays et sur l’éventuelle transition vers une démocratie véritable.

Quelle impression a votre institut qui œuvre pour la transparence et la bonne gouvernance à travers le monde, de cette actualité de l’Opération Epervier au Cameroun?

Le Ndi n’a pas vocation à prendre position sur l’opération en cours. Néanmoins, cette opération confirme l’appréciation de l’institut et des autres structures de promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance, sur le fait que la corruption et les détournements de deniers publics constituent des freins au développement économique et politique de tout pays. Il est évident que si les recommandations des institutions comme Transparency international avaient été prises au sérieux dans les années 1990, nous n’en serions pas là aujourd’hui avec une quarantaine de personnalités, y compris des ministres et des directeurs généraux de sociétés, en prison ou en attente de jugement, sans compter les investigations qui sont en cours.

Est-ce que cette perception s’étale également sur l’évaluation du processus politique au Cameroun par les Etats-Unis?

Ça va de soi. La preuve en est que Freedom House, dans ses rapports annuels sur les libertés et les droits humains à travers le monde, ne cesse de classer le Cameroun parmi les pays les plus en recul par rapport à la vitalité des institutions politiques. La Fondation Mo Ibrahim, dans son index de gouvernance, arrive d’ailleurs à la même conclusion. Vous n’avez qu’à regarder le bilan des différentes élections organisées au Cameroun à l’ère du multipartisme et toutes les controverses autour, qui par ailleurs tendent à rendre impossible l’alternance par la voie des urnes. Notre pays enregistre également de grosses carences quant à la liberté d’association et à la liberté de penser et de s’exprimer. Que dire, par exemple, des étudiants de l’Université de Yaoundé qui sont condamnés à des peines d’emprisonnement pour avoir seulement pensé organiser une manifestation pour demander le départ d’un recteur, qui pourtant a été relevé de ses fonctions? Que dire encore de la gestion très maladroite des manifestations des partis politiques ou des syndicats, etc. Sûrement que tous ces manquements ne nous font pas honneur, mais c’est un héritage que nous serons obligés de gérer. Il faudra une approche différente à l’exercice du pouvoir politique pour éviter à notre beau pays de sombrer dans la médiocrité en ce qui concerne les espaces de liberté.

Tout récemment la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, lors d’un discours à l’Université Cheikh Anta Diop à Dakar, au Sénégal, a fustigé le rôle de la Chine en Afrique. Que pensez-vous de ses critiques?

Ma compréhension des remarques de la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, est qu’elle tenait à souligner qu’un bon partenariat ne devrait pas se soucier uniquement des intérêts économiques immédiats, sans tenir compte des valeurs universelles telles que la démocratie et les droits de l’Homme. Par ailleurs, je constate que les critiques sur la percée actuelle de la Chine en Afrique se font de plus en plus entendre parmi les Africains eux-mêmes qui évoquent la non-transparence des accords passés entre la Chine et certains gouvernements africains. On reproche aux Chinois le non-transfert de technologie et leurs préférences pour les projets clé-en-main. On leur reproche également la non-utilisation de la main d’œuvre locale alors que dans la plupart des pays africains le taux de chômage est très élevé. La compétition farouche des Chinois avec la petite industrie locale inquiète également car elle risque de priver les entrepreneurs nationaux des opportunités d’émergence, etc. Sans une modification de cette approche un peu mesquine, l’Afrique perdra à long terme tout ce qui peut paraître avantageux dans l’immédiat dans sa relation avec la Chine. Cela devient de plus en plus évident, et on ne devrait pas attendre la déclaration d’Hillary Clinton pour le comprendre. A nous donc d’œuvrer à rectifier ce déséquilibre flagrant avec la Chine, comme avec d’autres partenaires aussi.

Revenons à l’actualité sur le plan national. On annonce un mouvement conduit par le Professeur Maurice Kamto, ex- ministre, démissionnaire de l’avant dernier gouvernement de Paul Biya. Êtes-vous prêts à y prendre part?

Je connais Maurice Kamto depuis les années 70 lorsque nous étions ensemble à la faculté de Droit et sciences économiques à l’Université de Yaoundé. J’apprécie aujourd’hui qu’il ait fait le choix de se démarquer du régime Biya bien qu’il ait occupé des fonctions ministérielles pendant sept ans. Je croix que toute initiative visant à redonner l’espoir et à rassembler les Camerounais autour d’une réflexion sur un changement démocratique et paisible est à saluer. Cela dit, pour l’instant, ma participation n’est pas d’actualité.

Alors, êtes-vous porteur d’un projet politique personnel pour le Cameroun? Si oui, lequel?

J’avais déjà eu à élucider ce point lors d’une déclaration faite à Douala le 13 septembre 2011. Je continue à penser que l’avenir du Cameroun se déterminera par une démarche collective et que chacun de nous apportera sa contribution et son expertise le moment venu. Au vu des défis tels que la jeunesse désœuvrée, les défis économiques et sociaux-politiques auxquels notre pays est confronté, la faiblesse ou la fragilité des institutions de gouvernance, la polarisation excessive du débat politique qui menace l’unité nationale, et l’isolement du Cameroun sur la scène internationale, je ne pourrais pas me dérober aux devoirs d’un citoyen responsable et patriotique. Par amour pour ma patrie, je n’aurai pas d’autres choix

Le Messager | 17 Aout 2012 |

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