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Set’ difficile pour Samuel Eto’o Telecom SA

La marque du capitaine des Lions indomptables Set’Mobile a du mal à décoller quatre mois après son lancement. Les populations n’y adhèrent pas car ses tarifs ne sont pas attractifs par rapport à l’offre du marché. Des démissions et licenciements plombent la sérénité de l’entreprise actuellement sans directeur général. L’équation du redécollage reste complexe. Enquête et témoignages.

Il aime bien qu’on l’appelle Alex Rue des Manguiers. Ce jeune homme a choisi ce sobriquet en raison du quartier Koumassi et de la rue où il officie. Il travaille dans une boutique en face de la clinique Koumassi. En plus de la vente de produits de première nécessité, cette boutique propose également les crédits de communication de tous les opérateurs offrant les services de téléphonie mobile, y compris de Set’Mobile. Un opérateur mobile de téléphonie virtuelle (Mvno) qui n’utilise pas ses propres installations, mais ceux d’Orange, son partenaire. Alex est donc le voisin le plus proche du siège social d’Eto’o Telecom SA, car l’immeuble Elizabeth qui abrite la compagnie du capitaine des Lions indomptables est à deux pas de là. Il suffit juste de traverser la route pour entrer dans la boutique.

Au lieu de service d’Alex, la vente des cartes de recharge Set’Mobile et les transferts de crédit de communication vers cet opérateur ont dégringolé. Les clients sont rares. Ce vendredi 16 novembre 2012, à 15h30, Alex affirme que seuls trois personnes sont venues solliciter un transfert de crédit vers Set’Mobile. Parmi ces clients, deux employés de l’entreprise. Il ne compte pas ceux qui ont sollicité Mtn ou Orange.

Alex utilise une autre image révélatrice des problèmes que rencontre son voisin et des difficultés qu’il a à vendre les produits de Set’Mobile. « Vous rencontrez une belle fille que vous amenez à la maison, mais très vite, vous vous rendez compte qu’elle ne sait pas faire la cuisine, ni la lessive. Cela devient un problème. C’est un peu ce qui s’est passé avec Set’Mobile », compare le macho. Le jeune vendeur raconte en effet qu’au départ, beaucoup des personnes étaient intéressées par Set’Mobile, mais une fois abonnées, elles ne voyaient plus les avantages par rapport aux offres existantes (Orange et Mtn). Ce qui a fait en sorte que les populations ne sollicitent plus trop le crédit Set’Mobile.

Tarifs non attractifs

Avant son lancement, Set’Mobile avait annoncé qu’elle allait offrir les meilleurs tarifs de communication aux Camerounais. A son lancement, Set’Mobile a proposé la minute d’appel à 70 FCfa. Ce qui n’était pas trop mal, mais Orange et Mtn proposaient déjà des forfaits réguliers à 50 FCfa ou 60 FCfa la minute. Quelques mois plus tard, la compagnie a encore baissé ses tarifs à 50 FCfa. Là encore, les Camerounais ne se sont pas toujours intéressés, car Mtn et Orange avaient déjà institué des options qui permettaient à leurs différents abonnés de communiquer à 50 FCfa la minute, parfois moins. Donc, les tarifs de Set’Mobile restent plus chers par rapport à ce que propose les opérateurs existants. Seul avantage, son slogan : « Set’ici et c’est pour nous »

Autre illustration de cette situation, Set’Mobile vend une carte Sim à 1000 FCfa avec un forfait de 10 minutes d’appel et 10 sms. Son partenaire Orange, qui lui revend du crédit en grande quantité, propose une carte Sim à 1000 FCfa avec 1000 FCfa de crédit et 50 sms. Certains revendeurs à Yaoundé proposent d’ailleurs la carte Sim d’Orange à 300 FCfa. De son côté, Mtn Cameroon offre une carte Sim à 500 FCfa. En déboursant 1000 FCfa, les clients de Mtn bénéficient d’un bonus de 1000 FCfa et de cinq sms gratuits.

Conséquence, il est difficile pour des clients de quitter Mtn ou Orange pour Set’Mobile. « Je n’ai pas encore vu une personne qui a abandonné sa puce Orange ou Mtn au profit de celle de Set’Mobile. Personnellement, je n’ai pas de puce Set’Mobile et mes nombreux amis ne l’ont pas également. Or, je suis le voisin direct de Set’Mobile », confie Alex. Set’Mobile peine donc à décoller, car la situation est identique dans plusieurs quartiers de Douala. L’entreprise revendique quelques 200 000 abonnés mais plusieurs parmi eux ont déjà abandonné leur puce.

Revendeurs de crédit

Nombreux sont les « call-boxeurs  (vendeurs de crédits de communication) des quartiers de la ville de Douala qui ne font pas de bénéfices avec la vente des produits Set’Mobile. A Yaoundé, la situation n’est pas très différente.

A l’avenue Kennedy, lieu par excellence de vente des téléphone portables à Yaoundé, juste quelques revendeuses de cartes Sim affirment proposer celles de Set’Mobile. Fini les périodes où l’on voyait ici des groupes de jeunes commerciaux de Set’Mobile proposant aux nouveaux détenteurs de téléphone portable un abonnement.

Amélie, une revendeuse de crédit raconte. « J’ai arrêté de proposer les transferts et cartes Sim de Set’Mobile parce que cela ne me rapportait pas grand-chose. Vous prenez 5000 FCfa de crédit pour gagner après la vente 250 FCfa. Mais, le problème, c’est qu’il faut trois semaines pour écouler les 5000 FCfa de crédit que vous avez pris, parce que les gens ne sollicitent pas Set’Mobile. Or, avec Orange ou Mtn, vous pouvez écoulez 5000 F.Cfa en moins d’une demi journée. Idem pour les cartes Sim », raconte-t-elle.

L’exemple de Free en France

Et pourtant, ailleurs, en France notamment, l’arrivée de Free Mobile, partenaire de France Telecom, a fait bouger le marché de la téléphonie mobile entraînant une baisse substantielle des prix des communications. Plus encore, Free Mobile a aspiré les abonnés de France Telecom-Orange. Au premier trimestre 2012, lors du lancement de Free, Orange a perdu 615 000 clients mobiles et 155 000 au second trimestre au profit de Free.

Pourquoi Set’Mobile n’a pas marché au Cameroun comme Free Mobile en France ? De nombreux experts pensent que tout est parti de la base de négociation du partenariat de Set’Mobile avec son partenaire Orange Cameroun.

Chroniqueur à Radio Equinoxe, Jean Vincent Tchienehom qui prédisait déjà un échec pour l’entreprise d’Eto’o Fils avant le lancement de ses activités le 21 juillet 2012 affirme que Set’Mobile a été floué par Orange dans la négociation de sa convention. Dans une de ses chroniques, il affirme sans ambages que « Eto’o a été trompé par Orange ; il s’est fait avoir. Il a très mal négocié les  tarifs. On n’a pas besoin de sortir de HEC pour comprendre  qu’il aurait fallu par exemple qu’il achète la minute à Orange à  30 FCfa, ce qui lui aurait permis de la vendre à son client à 40 soit 20 FCfa de moins que Orange ».

Le Dg remplacé

Au ministère des Postes et des Télécommunications, certaines personnes évoquent un problème de management, d’insuffisances sur le plan marketing et laissent entendre que les dirigeants de Set’Mobile n’avaient pas assez d’expériences dans le secteur des télécommunications pour diriger une telle entreprise. « Tout a été mal ficelé avec Orange dès le départ », indique notre source. « C’est vrai que Charles Gueret était un ancien d’Orange, mais qui, chez Set’Mobile, a réellement travaillé dans le secteur des télécoms ? Actuellement, il n’y a personne à la direction de Set’Mobile qui a une véritable connaissance dans le domaine des télécoms », constate notre interlocuteur.

Lors d’un conseil d’administration le 5 septembre dernier, le Pca Samuel Eto’o avait remplacé son directeur général, le Français Charles Gueret par Jean-Bosco Massoma, le directeur administratif et financier, qui assure désormais l’intérim. Les raisons de son départ ne sont pas officiellement connues. Mais, Gueret lui-même avait déclaré qu’il allait désormais travailler pour le développement d’Eto’o Telecom SA à l’international.

La situation au sein de l’entreprise n’est pas non plus sereine. L’entreprise est sans directeur général. L’on a enregistré six départs en moins de trois mois d’existence. Des démissions comme celui de Patrick Epée, le directeur de la communication ou encore des licenciements.

Concurrence déloyale ?

Au-delà de cette situation, les offres des concurrents de Set’Mobile, notamment celles de son partenaire Orange, davantage compétitives, donnent des insomnies à l’entreprise. A l’Agence de régulation des télécommunications (Art), l’on affirme qu’il n’y a pas de concurrence déloyale. Le chef de la cellule de la communication de l’ART, François de Sales Enyegue explique : « Il faut avoir des instruments juridiques pour qualifier les prix d’Orange Cameroun de concurrence déloyale. L’ART s’occupe du respect des conventions signées entre les opérateurs. Est-ce que Eto’o Telecom SA s’est plaint à l’ART d’une concurrence déloyale ? Pourquoi Eto’o Telecom SA ne s’est pas plaint face aux offres d’Orange ? Parce que ses juristes et ses conseils n’ont pas d’arguments juridiques lui permettant de se plaindre. Parce que son contrat avec Orange a été mal ficelé. Il a laissé des failles qu’Orange exploite. Est-ce que Set’Mobile a demandé à Orange, dans le contrat, de ne pas fixer ses tarifs de communications en deçà d’un montant précis pour que cela n’ait pas une incidence sur ses ventes. Si tel était le cas, Eto’o Telecom SA pouvait se rapprocher de l’ART et dire « voici dans notre convention, nous avons convenu qu’Orange ne pouvait pas aller en deçà de tel montant. Or, sur le terrain, il le fait et cela plombe nos activités. A ce niveau, l’Art pouvait réagir. »

Mtn et Orange, grossistes

Pour ce cadre de l’Art, Set’Mobile s’est lancé dans un secteur assez délicat qui ne pardonne pas aux aventuriers. Des dizaines de sociétés de service à valeur ajoutée comme Eto’o Telecom SA ont des autorisations, mais ont de la peine à commencer à cause de ces problèmes de partenariats avec Orange, Mtn ou Camtel. Les opérateurs ayant installé leurs infrastructures ne sont pas prêts à perdre des clients au profit de leurs partenaires.

La réalité, c’est que Eto’o vient bousculer les Orange Partners. Ces partenaires d’Orange qui achètent les crédits de communication en gros pour les céder à des revendeurs de crédit de communication. Au Cameroun, les opérateurs de téléphonie mobile revendent du crédit en gros à des partenaires qui sont, pour la plupart, des amis et personnes qu’ils connaissent bien. Ceux-ci les remettent à la disposition des « call-boxeurs » et gagnent d’énormes profits. « Les Orange Partners ont certainement fait pression sur Orange pour qu’il baisse ses tarifs auprès d’eux, parce que Set’Mobile vient avec force avec ses tarifs », reconnaît François de Sales Enyegue. A titre illustratif, c’est un peu comme si les Brasseries du Cameroun vendaient une bouteille de bière dans les bars à 300 FCfa et qu’elles créaient des boutiques à côté pour revendre ses bouteilles de bière à 250 FCfa. Ces partenaires constituent un frein pour l’essor des sociétés de service à valeur ajoutée comme Set’Mobile, car Orange et Mtn sont à la fois détaillants et grossistes.

Stratégies de relance

Parmi les solutions pour relancer Eto’o Telecom SA et offrir des prix meilleurs, chacun y va de sa proposition. La direction de l’entreprise ne souhaite pas s’exprimer à ce sujet, attendant le nouveau DG. « En décembre, un nouveau directeur général sera désigné et vous pourrez lui poser la question sur la stratégie à mettre en place », affirme Georges Dooh Collins, le directeur général adjoint d’Eto’o Telecom SA.

L’une des premières solutions, c’est la révision de la convention de Set’Mobile avec Orange. « L’important est d’être absolument moins cher  que Orange. Sans cela, très honnêtement, je ne vois pas pourquoi un client  d’Orange préfèrerait la copie à l’original en quittant Orange pour aller chez Set. On ne voit ce genre de marché de dupes qu’au Cameroun, un pays  bizarre ou rien ne se passe comme  ailleurs », commente Jean-Vincent Tchienehom. L’ART se dit même prête à assister Eto’o Telecom si elle veut s’y engager. « Si Eto’o Telecom a des moyens, qu’il révise sa convention avec Orange. Il peut nous solliciter en termes d’arbitrage », propose François de Sales Enyegue.

Autre solution, signer une autre convention plus avantageuse avec Mtn Cameroon ou Camtel. George Fougue, revendeur de crédit de communication à Yaoundé au lieu-dit Carrefour Intendance propose, quant à lui, que Set’Mobile commence par donner beaucoup d’avantages et de bonus aux « call-boxeurs » qui sont en contact direct avec les clients. « Set’Mobile devait nous donner beaucoup de bonus, afin que nous puissions en profiter et en faire bénéficier les clients. Orange et Mtn ont procédé de la sorte. Ces compagnies nous avaient donné d’énormes bonus, et les clients en profitaient aussi. Ainsi, il pourrait avoir une bonne base d’abonnés fidèles. Par jour, on pourrait avoir plus de clients pour les transferts de crédit de communication ou encore les appels. Car, actuellement, je peux passer un mois sans que personne ne me demande un crédit Set’Mobile », affirme-t-il.

Autant des solutions à envisager par l’entreprise du capitaine des Lions indomptables si elle veut survivre. La réalité actuelle de Set’Mobile est évidente. Eto’o Telecom SA doit changer de stratégie ou sombrer./.

Beaugas-Orain Djoyum | 12 Janvier 2013 | TIC Mag.

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