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Que savez-vous de “L’anticonformiste” de l’album “NOIR” de Georges Minyem ?

Posted by Admin on May 14th, 2010 and filed under Culture. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

JJ Dikongue| Vendredi 14 Mai 2010 | La Tribune2lartiste|

Comment naît l’idée de cette chanson ?

Vous m’avez demandé de vous parler d’une de mes chansons et votre choix s’est porté sur l’anticonformiste qui est l’une des chansons phares de mon 2ème album « Noir » paru en France en 2005 en Côte d’Ivoire en 2007 et jamais au Cameroun. Votre choix me plaît car j’aimerais bien parler d’une autre chanson que du « Solitaire » que les Camerounais connaissent depuis plus de 20 ans et qu’ils ont redécouverte à l’occasion de la sortie de l’album « Le solitaire » en 2000.

A vrai dire, quand je dis que l’anticonformiste est une chanson clé de cet album, j’insiste sur le fait que cet album a failli porter le nom de cette chanson là car elle me semblait représenter l’esprit que j’entendais insuffler à cet album « Noir », à savoir un regard assez sombre sur la société et le monde dans lequel nous rentrions aux débuts des années 2000.

L’anticonformisme est d’abord un état d’esprit, c’est le refus de la violence symbolique d’Etat pour illustrer une certaine aptitude à la liberté des individus qui bien souvent subissent le joug d’une classe pas toujours très rationnelle dans ses choix. Et pour cause !

Les chansons tirent souvent leur force d’un vécu ou d’une situation observée. Quand j’ai composé cette chanson en 2000, plusieurs phénomènes m’interpellaient.

Sur le plan personnel, je traversais une période difficile qu’on appelle le chômage. Le chômage est en soi, l’expression d’une violence sociale. Quand celle-ci a pour ferment la discrimination raciale, alors, l’injustice du chômage est encore plus durement vécue. Je dis souvent aux personnes qui arrivent en France depuis 10 environ qu’ils ont de la chance. Nous qui vivons ici depuis plus de 20 ans, nous avons tout subi : le mépris, les insultes, les chasses au faciès, les discriminations de toutes sortes, les violences muettes, les expulsions musclées, toutes sortes de maltraitances que l’on fait subir à des personnes indésirables.

Dans ces moments-là, on se demande pourquoi on est indésirable et on ne comprend pas toujours que l’autre (l’européen qu’on dira « de souche ») a une image déformée de nous. Bien souvent, ce que nous pensons de l’autre est lié à la déformation de nos référentiels par le cadre social dans lequel on a grandi. Et lorsque notre bagage intellectuel nous confine, malgré l’excellence dans des positions subalternes, alors, l’on commence à s’interroger sur la perception que les autres ont de nous.

Pendant ce temps, les factures s’accumulent et les huissiers de justice se jettent sur vous comme des vautours. Quand ils sont partis et qu’on s’est fait violence pour ne pas les étrangler, alors, on devient rebelle. On s’affranchit d’un ensemble de conventions sociales qui sont des leurres, des slogans tels que l’égalitarisme, la méritocratie et toutes les violences d’Etat qui n’ont pour but que de maintenir l’ordre social, le statu quo : c’est là qu’on devient anticonformiste !

L’incarnation de la souffrance dans cette chanson prend la forme d’une femme qui à force d’avoir toujours respecté les règles, les normes sociétales s’est trouvée victime de cette aliénation de sa liberté. En d’autres termes, les lois que nous avons érigées pour nous prémunir de l’anarchie créent très souvent de l’injustice et de l’iniquité dans notre rapport à la société. Combien de fois n’avons-nous assisté, impuissants à l’impunité de certaines personnalités qui par leur position sociale justement se devaient de donner l’exemple ? Ou à des passe-droits, alors même qu’ils devraient incarner l’égalité sociale dans une république ? Au sein d’une démocratie moderne ? Combien de fois n’avons-nous pas assisté, dépités à des exclusions perpétrées par des huissiers munis de titres exécutoires afin d’exercer une violence sous le sceau de l’Etat ? A des soldats massacrant impunément des populations avec pour caution une hiérarchie corrompue ? Tous ces actes sont des conventions humaines à la base, qui créent de la violence symbolique, physique, institutionnelle sur des personnes que par définition, un Etat est censé protéger. Etre anticonformiste, c’est s’opposer à cette violence institutionnelle, c’est laisser parler son cœur plutôt que des textes de loi !

Comment vous la matérialiser

En 2000, je faisais la promotion du « solitaire » tout en cherchant une maison de disques pour la distribution à Paris. Or, je vivais à Lyon. J’ai donc du monter régulièrement à Paris déposer des exemplaires dans les maisons de disques, majors et indépendants confondus. Personne ne voulait me distribuer. J’avais déjà connu les mêmes difficultés au Cameroun. Et puis, Next Music a décidé de signer une licence avec moi. Mais ici encore, ils venaient de connaître un rachat (puisque c’était Sonodisc auparavant) et l’ancienne équipe de Karakos avait été licenciée. Je ne m’entendais pas avec la nouvelle équipe qui a plombé la promo de mon album.

Pendant ce temps, l’album cartonnait au Cameroun et connaissait un énorme succès populaire. C’est là que le CCF de Yaoundé a décidé de me faire venir en concert. Toutes les modalités furent arrêtées : cachet de l’artiste, des musiciens, hébergement…Restait le billet d’avion : plutôt que de prendre en charge le billet d’avion, le directeur de l’époque a décidé qu’il en obtiendrait un à titre gracieux auprès de la CAMAIR ou d’Air France. Il n’y est jamais parvenu et le concert qui était prévu pour le mois d’avril 2000 a été annulé ; il n’eut plus lieu et on se brouilla d’ailleurs lui et moi.

En 2001, j’ai donc décidé de rentrer de nouveau en studio par respect pour mon public qui attendait un nouvel album et j’ai commencé à Lyon. Mais les choses avaient changé : je ne trouvais plus de bons ingénieurs de sons à Lyon pour faire mon album. Pourtant cet album, je voulais le sortir pour mon public du Cameroun qui n’avait pas eu la chance de me voir en concert. Alors, comme le travail m’emmenait à Paris, j’ai repris les studios à Paris grâce notamment à mon ami d’enfance, le bassiste Richard Epesse avec qui j’ai commencé les programmations de l’album « Noir » dans ma « chambre de bonne » du 17è arrdt à l’époque. Nous passions beaucoup de temps ensemble et travaillions des journées entières. J’en garde des souvenirs de franche rigolade et de camaraderie y compris avec son épouse Anna Ngo Mang qui nous assistait quelques fois. Ensuite, j’ai fait la connaissance de Ray Oliver, à travers Ebeny Ngamby (qui assure d’ailleurs les chœurs dans l’album) et c’est lui qui m’a fait rencontrer Dominique Sablier qui avait un petit studio place de Clichy.

Dans quelles conditions la chanson a été enregistrée

Avec Dom, nous nous sommes immédiatement compris et appréciés. Et nous avons passé plus de 10 heures par jour, enfermés dans le sous-sol de l’école de danse où nous nous trouvions, à rechercher le son, le meilleur pour l’album. Je dois à la vérité de reconnaître que cet album a été le plus abouti sur le plan technique que j’aie produit à ce jour.

Il faut dire que Dom connaissait la musique africaine et avait travaillé avec le groupe Touré Kunda et d’autres musiciens africains, ce qui le prédisposait à une meilleure connaissance de l’esprit des chansons, un mélange d’acoustique avec des roots africaines à base de percussions et de sons originaux. De plus, c’était un excellent pianiste et il a trouvé des orchestrations et des univers qui en donnaient une singularité. Nous avons travaillé sur cet album de 10 titres durant plusieurs mois, compte tenu des frais de studio qui étaient chers et dont je m’acquittais tout seul.

Le batteur Ray Oliver a été d’une grande amitié et s’est impliqué sur le plan des idées, de la réalisation ; il a aussi assuré la batterie sur tous les titres qui en requéraient.

J’aimerais ici souligner que cet album s’est fait avec des vrais instruments, joués par des vrais musiciens et non par des simples programmations. Je précise cela car je le voulais authentique avec un son particulier. Mais de telles exigences ont un prix dont le retour sur investissement ne s’est jamais réalisé.

Ensuite, tout le reste s’en est suivi : mixage, mastering, fabrication entièrement financés par Georges Minyem. Je n’ai pris aucun kopek à qui que ce soit et j’ai payé tous les musiciens qui y ont collaboré. J’ai ensuite fait réaliser des clips par un jeune Camerounais Serge Taffou Happi qui a bien fait son travail. Ces clips ont été expédiés au Cameroun et sont passés sur Canal 2 (dont j’ai reçu le directeur Fotso chez moi à Paris), Equinoxe, etc.…

Qu’est-ce qu’on ignore de cette chanson ?

D’abord, que c’est une ancienne de mes chansons que j’ai reprise et améliorée. Pour tout vous dire, quand je partais du Cameroun il y a 20 ans, j’avais enregistré des maquettes que j’utilisais pour tourner mes clips. Les clips que j’ai tournés au Cameroun dans les années 80 se sont toujours faits grâce à des maquettes que j’enregistrais avec le bassiste Frédéric Doumbè sur son petit 8 pistes. Je ne m’intéressais pas à la production de disques à l’époque. La musique ne m’apparaissait pas comme suffisamment lucrative pour que j’investisse dedans. En quittant le Cameroun, j’avais laissé une de ces maquettes à ma fiancée de l’époque qui s’en est débarrassée quelques années plus tard après que nous ayons rompu. C’est ainsi que mon frère Corneille l’a récupérée par hasard et me l’a remise. J’ai ainsi pu redécouvrir des anciennes chansons dont l’anticonformiste.Cependant, j’ai toujours apporté un soin particulier à mes textes et à mes compositions musicales. Je me considère d’ailleurs comme un mélodiste d’abord.

Durant toutes ces années, j’ai continué à composer et ma guitare a été mon premier achat à mon arrivée en France. Elle m’a aidé à payer ma chambre d’étudiant, à me nourrir et me vêtir, notamment à Besançon où j’ai fait la connaissance en 1991 d’un jeune chanteur camerounais qui « se cherchait » : Henri Dikongue. Sans cette guitare, je n’aurais pu tenir. Je chantais 2 fois au minimum par semaine dans les bars, les cabarets, ce qui me rapportait suffisamment pour que je tienne et continue d’étudier. Comment puis-je dénigrer la musique ? Comment puis-je ignorer la force de ce don du ciel qu’est le talent chez l’homme et l’intellectuel que je suis devenu ? C’est aussi par respect pour cette musique que j’entends professionnaliser la musique chez nous, au Cameroun.

En fait, nous avons été les précurseurs d’un double genre musical : la chanson à texte et l’acoustique.Avant nous, les Francis Bebey ont montré la voie de l’acoustique, Eboa Lottin, Charles Lembé…après il ya eu Ottou Marcellin, Koko Ateba, mais il y a en a eu bien d’autres : Georges Minyem, Alex David Longang, Juvénal Towa, André Njikam, Bo Chinje, Claude Ndam, etc…Beaucoup sont méconnus du grand public, mais ceux qui le sont un peu plus ont donné une orientation au début des années 80 à toute une classe d’artistes acoustiques qui pourtant ne les citent jamais dans leurs interviews, préférant se référer à Bona et je trouve cela marrant. Quel est le musicien camerounais qui vous inspire ? Richard Bona. C’est le refrain que j’entends bien souvent. Non point que Bona ne soit pas un grand artiste, il ne s’agit pas de cela. C’est plutôt l’effet de mode qui consiste à méconnaître toute l’influence des autres qui ont été les précurseurs du genre acoustique au Cameroun pour se revendiquer de l’unique influence de Bona. De mon point de vue, c’est idiot. C’était mon coup de gueule de fin d’interview et c’est aussi cela être anticonformiste, c’est-à-dire refuser le conformisme ambiant, la bienpensance ambiante, la normalité apparente des choses pour les mettre en perspective et les analyser avec lucidité. Moi j’ai reçu toutes ces influences et même celle du makossa et de l’assiko autant que du blues, du rythm’n blues, de la chanson française, de la variété et c’est toutes ces sensibilités qui font mon éclectisme musical.

Bien à vous.

Vous pouvez en savoir plus en visitant www.tribune2lartiste.com

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