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Hommage: Um Nyobe, 52 ans après

Posted by Admin on Sep 14th, 2010 and filed under Featured. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. Both comments and pings are currently closed.

Upc : Les oubliés des Cinquantenaires

Aujourd’hui encore, les jeunes générations de Camerounais ignorent tout ou presque de Ruben Um Nyobè, cet homme pour qui «l’indépendance et la réunification du Cameroun passaient avant sa propre vie». Un homme qui a été «abattu comme une bête sauvage», selon les propres termes d’Ahmadou Ahidjo.

Profanée, défigurée et ensevelie sous plusieurs mètres cubes de béton, la dépouille du «Mpodol» n’a toujours pas trouvé la paix. En attendant que l’Etat du Cameroun lui organise les obsèques nationales qu’il mérite et lui érige des monuments, Mutations livre ici le récit de sa vie trépidante et le film de sa mort brutale. Cinquante deux ans après.

En cette matinée du 13 septembre 1958, Ruben Um Nyobè et ses 6 ou 7 accompagnateurs savent que la milice coloniale française n’est plus loin de Mamédel, leur «Grand Maquis» (quartier général), à quelques dizaines de kilomètres de Boumnyebel. Ils se sentent acculés, certains sont même quelque peu affolés. Ils sont cependant loin d’imaginer que cette journée sera la dernière de leur existence. Le «ngambi» (grand prêtre) de la bande, Mayi Matip, a été formel: «la journée sera bonne». Comme il se trompe! En fait, depuis la fin du mois d’août 1958, la pression s’accroît autour du secrétaire général (Sg) de l’Union des populations du Cameroun (Upc). Il est cerné de toutes parts. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle son entourage et lui ont nuitamment quitté leur quartier général pour se rendre dans le «maquis» d’Alexandre Mbend.

Sous un rocher, les fugitifs observent une halte, le temps de reprendre des forces. Atteint de paludisme, Um Nyobè est fébrile. On lui propose de se coucher, mais il refuse. Subitement, une forte pluie s’abat sur la forêt. Et comme un double présage, le jeune fils du leader nationaliste se met aussi à pleurer au même moment. Vers 11h30, le groupe entend le crépitement des balles qui explosent en amont de la colline dont l’une des anfractuosités lui sert de refuge. Puis, tel que le rapporte Achille Mbembe dans son livre «La naissance du maquis dans le sud Cameroun», «une patrouille [se dirige] vers le rocher abritant Um». Aidée en cela par les empreintes de pas des fugitifs et des guides et prisonniers autochtones. Mais, peut-être aussi, par un traître tapi parmi les derniers accompagnateurs du tribun.

Est-ce Théodore Mayi Matip, comme le subodorent certains? En tout cas, une coïncidence pour le moins troublante fonde à le soupçonner. Peu de temps avant que ne retentissent les premières salves au sommet de la montagne, cet homme, qui deviendra quelques mois plus loin député et ministre, sort de leur abri, vraisemblablement pour aller satisfaire un besoin naturel. «Y devra-t-il d’avoir échappé au massacre qui arrive?», s’interroge Achille Mbembe, spécialiste de la décolonisation du Cameroun français. Pierre Yem Mback, le proche collaborateur du secrétaire général de l’Upc, pressait d’ailleurs celui-ci, depuis quelque temps, d’éloigner certains proches dont il pressentait la duplicité. M. Mayi Matip en faisait-il partie? M. Yem Mback a emporté son secret dans la tombe.

Paul Abdoulaye
«Assis sur les pierres», relate A. Mbembe, Um Nyobè «entend un bruit de pas. Il s’inquiète, se met debout». Son fidèle secrétaire, Pierre Yem Mback, fait de même. A peine l’idéologue de l’Upc a-t-il signalé la présence de la milice coloniale, «qu’un métis ouvre le feu et tire». M. Yem Mback est le premier à tomber. Abattu à bout portant. Sans sommation. «Sous le crépitement des balles qui se déchaînent», restitue l’historien, «les femmes, Ruth et Poha, tombent». Désormais, c’est le «sauve-qui-peut». Um Nyobè reste cependant debout, comme statufié par le carnage qui se déroule sous ses yeux.
Faut-il rappeler qu’aucune arme ni aucun combattant ne faisait partie de l’expédition du dirigeant? Il s’y était toujours opposé, malgré l’insistance de l’aile armée de l’Upc. Il pensait que son «intégrité morale» (même le colonel Lamberton qui dirigeait la pacification de la Sanaga Maritime le reconnaîtra) serait «le meilleur bouclier face aux armes à feu de ses ennemis».

Paul Abdoulaye démontrera sa méprise. Alors que l’ancien syndicaliste tente de s’enfuir, ce soldat tchadien d’origine Sara «le met en joue et tire». «Les balles l’atteignent dans le dos. Il s’écroule et, après de profondes souffrances, s’éteint».
Pourquoi ne pas avoir simplement rattrapé l’homme fébrile qu’était alors Um Nyobè à cet instant-là? Abel Eyinga, historien et juriste camerounais, croit savoir pourquoi. Charles Okala, ministre du premier gouvernement Ahidjo en février 1958, lui aurait confié en 1961 que «la décision de procéder à l’élimination physique de Ruben Um Nyobè avait été prise, en sa présence, dans la petite ville de Batschenga, au cours d’une réunion à 3: Ahmadou Ahidjo, Moussa Yaya Sarkifada et lui, Charles Okala». Enoh Meyomesse va plus loin, en accusant, sans détours, le gouvernement Ahidjo d’être le commanditaire de cet assassinat.

Le politologue et homme politique confirme au passage une anecdote répandue. Ahmadou Ahidjo aurait jubilé en apprenant l’exécution du leader Upciste. En tournée à Ntui, dans l’actuel département du Mbam et Kim, le premier ministre du Cameroun français aurait réclamé le silence au cours du banquet, qui était donné en son honneur, pour prononcer cet éloge funèbre… : «Um Nyobè vient d’être abattu comme une bête sauvage, en pleine forêt. Etant donné la joie qui m’habite, je m’apprêtais déjà à partir mais je vais encore rester avec vous. Et je demande à l’orchestre de jouer ses meilleurs morceaux, et au maître d’hôtel, de nous servir (…) du champagne».

Dans les fanfaronnades officielles qui suivront, un chroniqueur de La Presse du Cameroun, ancêtre de Cameroon Tribune, s’illustre particulièrement. Il s’agit d’Iwiyé Kala Lobè. «Tu nous a donné le désespoir et la désolation. Tu t’étais pris pour un prophète et tu te déifiais devant une masse fanatisée», pérore-t-il peu avant l’assassinat. Et après: «le dieu qui s’était trompé est mort (…) d’une mort sans gloire», conclut-il, sentencieusement.
Mais un homme au moins, parmi les contradicteurs d’Um Nyobè, semble avoir eu quelques remords après les faits. C’est le Haut commissaire de la République française au Cameroun: Xavier Torre (1958-1960). Car, comment expliquer le fait qu’il ait demandé un congé spécial et surtout, quitté définitivement le monde colonial après son retour à Paris? L’historien camerounais Daniel Abwa rapporte, du reste, que «le Cameroun fut son unique poste de commandement».

Répression
Ruben Um Nyobè naît vers 1913 à Song Mpek. «Un petit village perdu dans la forêt près de Mboumnyebel». Son père, Nyobè Nsounga, était «grand prêtre des sociétés initiatiques basaà», et sa mère, Ngo Um Nonos, cultivatrice, indique A. Mbembe. Il reçoit une double éducation: presbytérienne et traditionnelle. Toute sa vie, il en restera marqué. Vers 1929, le jeune Um obtient son Certificat de fin d’études primaires. Au terme de 2 années au service de l’enseignement protestant, il est reçu au concours d’entrée à l’Ecole normale de Foulassi, près de Sangmelima.
C’est dans cette école protestante qu’il s’élèvera pour la première fois contre l’ordre colonial. Tout juste âgé de 19 ans, il organise «un mouvement de protestation contre la piètre nourriture de la cantine scolaire», rapporte encore le célèbre historien. Avant cela, il avait été «sans cesse repris à cause de son esprit raisonneur et contradicteur», poursuit l’intellectuel. Pour tous ces faits, il sera exclu de l’institution en 1932. Malgré tout, l’impétueux jeune homme obtiendra son diplôme de «moniteur indigène» l’année suivante, en candidat libre. Il enseigne dans les écoles protestantes de 1933 à 1935.

Reçu au concours des commis des services civils et financiers, il se distingue par ses talents d’organisateur et son honnêteté à toute épreuve. Le «Mpodol» («porte-parole» en basaà), poursuit son instruction scolaire en autodidacte. C’est de cette façon qu’il obtiendra le baccalauréat en 1939. Le fin stratège et le tribun charismatique qu’il deviendra par la suite, il le doit à ses nombreuses lectures et à sa formation syndicale à partir de 1943. Cette dernière est l’œuvre d’un cégétiste français, Gaston Donnat, qui avait organisé à Yaoundé des «Cercles d’études sociales».
Il sera, par ailleurs, élu Sg de l’Union des syndicats confédérés du Cameroun en 1947. Avant cela, il milite au sein de la Jeucafra dès 1939 et participe à la création du Racam en avril 1947. Et en novembre 1948, il devient le 3è Sg de l’Upc. A en croire Yves Mintoogue, doctorant en histoire, «Um Nyobè aurait dû devenir le 1er président du Cameroun». Contrairement à une idée reçue, ce légaliste ne croyait pas en la solution militaire, ne serait-ce qu’au regard du rapport de force, défavorable pour l’Upc. A preuve, la médiation de Mgr Thomas Mongo.

«Certains avaient rêvé [de l’indépendance], ont combattu pour l’obtenir et y ont sacrifié leur vie», relevait Paul Biya le 31 décembre dernier. Il eut été utile qu’il prononçât des noms dont celui d’Um Nyobé. Thomas Deltombe, journaliste au Monde diplomatique, écrivait récemment que le message du «Mpodol» reste «d’une brûlante actualité dans un pays bâillonné par un pouvoir corrompu et une pauvreté entretenue où les émeutes sociales et politiques sont, encore aujourd’hui, systématiquement réprimées. Un pays qui devra, pour reprendre les termes d’Achille Mbembe après la répression des émeutes de février 2008, savoir «réveiller le potentiel insurrectionnel» que Ruben Um Nyobè en son temps avait su allumer».
Une enquête de Lazare Kolyang et Brice T. Sigankwé (Stagiaire) |14 Septembre 2010|Mutations|

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