Yaoundé : entre hantise et attentisme

Ce jeudi 9 Septembre 2010, le marché de Mokolo à Yaoundé grouille de monde. Cette situation peut se justifier par les préparatifs de la fête du ramadan qui a lieu le lendemain vendredi 10 septembre. Au lieu dit « Montée du marché », la propreté n’est pas au rendez-vous. Des vendeuses de légumes et fruits se sont installées près des bacs à ordures. A coté coule une eau souillée. Malgré le décor peu reluisant, elles ont déposé leurs marchandises sur des papiers plastiques ou ce qui en reste posés à même le sol. Les vendeurs d’eau dont on ignore la provenance, rincent leurs gobelets dans un seau sans les avoir au préalable lavé avec du savon. Le geste est machinal. On entend juste le « plouc » que fait le gobelet trempé dans le seau d’eau. Non loin de là, pris du désir de se désaltérer, deux jeunes hommes s’arrêtent devant une vendeuse de jus de gingembre. Laquelle pour les rassurer lance un : « on rince toujours nos bouteilles » tout en pointant des bouteilles contenant de l’eau. Les grillades et les pâtisseries sont exposées sur des pousse-pousse à la merci de la poussière et des mouches qui ne se privent pas du plaisir offert gratuitement. Au niveau des boucheries, les gigots de viande sont posés à même le sol.

Autre lieu dans la même ville. Au quartier Nkomkana. Ici, les marres d’eaux servent de poubelles. Et non loin de là, des enfants s’amusent. Au quartier Briqueterie qui offre quasiment le même visage, la plupart des habitants consomment l’eau des puits. « Ça nous aide beaucoup. On n’a pas de tuyau de la SNEC ici. Et on ne peut pas acheter de l’eau minérale chaque jour. Le litre coûte 400 Fcfa », explique une riveraine, rencontrée au « carrefour du soya ». Prend-t-elle soin de stériliser cette eau avant de la boire ? La réponse fuse : « on n’a pas de problème avec notre eau. Sinon on aurait mal au ventre tout le temps ». Près de la pharmacie « Elobi », des vendeurs épluchent des ananas, de la papaye. Des fruits qu’ils rincent dans une même cuvette avant de les exposer dans leur pousse-pousse tout près d’un hangar de pièces détachées. Cet environnement insalubre ne semble décourager pas toutes les personnes qui viennent s’y approvisionner.

Appréhensions

Dans certains endroits par contre, la psychose semble s’être installée. On ne fait pas un pas s’en entendre une réflexion sur la probable propension de cette maladie dans la ville. A Essos, samedi 11 septembre 2010, Mme Moungan reçoit des amis. Son fils Emma a la charge du nettoyage des pastèques qui vont servir de dessert. Alors que l’adolescent les lave, sa cadette lui fait remarquer qu’il y a du choléra dans l’air et lui suggère d’utiliser de l’eau de javel pour désinfecter les fruits. Surtout que leur maman s’est approvisionnée au marché du Mfoundi, pas très réputé pour la propreté qui y règne en dépit des efforts d’Hysacam et de la Communauté urbaine Yaoundé. Dans certaines conversations, l’inquiétude est suscitée par la période liée à la reprise des cours dans nos établissements scolaires. « Si c’était encore les vacances, je pourrais contrôler mes enfants. Mais sachant comment ces derniers se comportent à l’école, comment ils se partagent leurs repas, j’ai trop peur », confie dame Abena. Qui raconte qu’au lendemain de l’alerte « je me suis rendue à l’école de ma fille pour voir comment cela se passe. Si des dispositions ont été prises. Ah là là, je ne vous dis pas. Ils n’ont pas de toilettes, les robinets sont à sec », hurle-t-elle. Avant de conclure : « si cette maladie entre vraiment ici, nous sommes morts ». Dans une ville où l’accès à l’eau potable n’est pas la chose la mieux partagée, où de nombreux habitants vivent dans la précarité, ça craint en effet.

Nadège Christelle BOWA Et Salmat Sagui DJAMIL|Lundi 13 septembre 2010 | Le Messager|