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Libérés du gourou de famille

Posted by Admin on Dec 20th, 2009 and filed under Lifestyle. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. Both comments and pings are currently closed.

Des aristos bordelais, sous influence depuis huit ans, ont été «exfiltrés» d’Oxford. Une véritable opération commando.

Par didier arnaud|20 Décembre 2009| Libération.fr

Photo non datée des Védrines. (© AFP Jean-Pierre Muller)

Les Védrines sont de sortie. Mais pas pour une promenade de santé. Ces aristocrates bordelais ont quitté depuis le début de la semaine la prison mentale où les avait enfermés un gourou pour retrouver leur Sud-Ouest natal. Après huit ans de délire, ils paraissent dévastés, ruinés, fatigués, en pleurs. Les onze membres de la famille Védrines vivaient depuis 2001 sous l’emprise de Thierry Tilly. Trois générations manipulées par un seul homme. De la grand-mère Guillemette, 97 ans, au petit-fils Guillaume, 32 ans. Reclus au début dans une bastide du Lot-et-Garonne, à Monflanquin (Libération du 24/12/2003), puis disparus en Angleterre ils avaient dégringolé l’échelle sociale pour vivre de petits boulots. Ils ont été récupérés cette semaine à Oxford, notamment dans une maison blanche à bow-windows. L’«exfiltration» s’est réalisée à la manière d’une opération commando, avec un psychanalyste, un criminologue et un chauffeur. «Nous les avons réveillés»,a expliqué, laconique, l’avocat Daniel Picotin, qui a initié l’expédition visant à les remettre doucement en contact avec le réel. «Ils tombent du ciel. C’est très lourd, ils réalisent qu’ils n’ont plus rien, et pour certains qu’ils ne sont plus rien, que vont-ils devenir ?» s’interroge une amie de longue date.

«Torture». Un long sommeil, un cauchemar. Depuis 2001, les Védrines ne reconnaissaient plus rien, ni leurs proches qui tentaient de les ramener à la raison. La raison les avait quittés. En huit ans, ils ont vidé leurs comptes en banque, vendu leurs biens, un château, des appartements, pour un total d’environ quatre millions d’euros. «Tout y est passé, explique Me Picotin. Les bijoux, l’argenterie, les meubles. Il ne reste rien.» Thierry Tilly, leur gourou présumé interpellé le 29 octobre en Suisse, a été mis en examen depuis pour «escroquerie abus de faiblesse, extorsion de fonds, séquestration avec actes de torture et de barbarie». En prison à Gradignan (Gironde), il exerçait encore le contrôle de ses ouailles. Comment ? «On est entrés par effraction dans leur cerveau», explique Jean Marchand, mari de Christine, une des victimes. Médicaments, mise à l’écart de ceux qui le contredisaient, enfermement, l’instruction devrait permettre d’établir la panoplie des moyens utilisés par Tilly. Un personnage «poisseux, collant, sans envergure, qui n’a aucun charisme» pour Jean Marchand.

«A la Hitchcock». Pourtant, Thierry Tilly, 45 ans, a réussi à fabriquer cette séparation – si souvent à l’œuvre dans les logiques sectaires – entre les Védrines et le monde extérieur. Il apprend à cette famille très comme il faut à se méfier de tous les gens accusés d’être dangereux. «Des francs-maçons, des homosexuels», mais aussi des journalistes. Il leur conseille d’être agressifs avec le monde extérieur. Il séduit celles et ceux qui sont sous son influence. Exige qu’ils renient leurs proches. Jean Marchand a le mieux expérimenté cette mise à l’écart. En mars 2008, son fils François, 30 ans, qui vit dans un pavillon de banlieue à Oxford, lui lance : «Dégage, on ne veut plus te voir.» Récemment, alors qu’il tente de la récupérer, son épouse lui dit : «Je suis plus heureuse ici que je ne l’ai jamais été avec toi.» Sa femme, encore, affirme à des journalistes venus l’interroger en caméra cachée : «C’est Jean Marchand qui a inventé cette histoire à la Hitchcock.»

Hitchcock, est-ce Tilly ? Le présumé gourou s’est appuyé sur un des membres clés de la famille, Ghislaine Védrines. Selon Marchand, il réussit à lui faire raconter comment fonctionne la famille, quelles sont ses dissensions. Selon une autre source, il a aussi réussi à les convaincre de «placer» leur argent sur des comptes particuliers et à vendre leurs biens. Tilly leur a fait croire que leur famille avait été «élue» depuis des siècles, qu’ils étaient des gens hors normes, qu’il fallait retrouver la «mémoire» de leur patronyme, de leurs origines. Qu’ils risquaient la mort s’ils ne suivaient pas ses préceptes. Pour que Christine de Védrines retrouve la mémoire familiale, il l’a carrément torturée. Empêchée de dormir, les lobes d’oreilles tirés durant la nuit, assise pendant des heures sur une chaise, interdite d’aller aux toilettes. Tilly aurait même utilisé un des membres de la famille pour infliger des violences. «On leur a volé leur libre arbitre», explique Jean Marchand. Après son exfiltration en 2008, Philippe de Védrines a questionné ses libérateurs : «Comment? Je suis parti et je ne suis pas mort ?»

«Spaghettis». A Bordeaux, le juge d’instruction, Stéphane Lorentz suit le dossier. Il y travaille «jour et nuit», selon la secrétaire générale du parquet qui affiche une réserve déconcertante. «Il faudrait savoir si la manipulation mentale est bien prouvée», assène Agnès Auboin. La magistrate ne comprend pas que des gens d’un «niveau intellectuel» tel qu’il y en a dans cette famille «aient pu croire un discours sur la théorie du complot, des francs-maçons, que le monde entier était ligué contre eux». Le dossier a longtemps patiné. Les plaintes déposées par Jean Marchand ont été classées sans suite en 2001. Il a fallu que Christine de Védrines «sorte» puis témoigne, en mars 2008, grâce à l’aide et la lucidité de son patron, un traiteur français installé à Oxford. Les choses se sont accélérées à ce moment-là. Et les «exfiltrations» se sont alors succédé. Ce qui fait dire à une source, caustique, qui les connaît bien : «Cette famille, c’est comme des spaghettis. Quand on en tire un il y a tout le paquet qui vient.»

Malgré les «libérations», la justice peine. Ainsi, en avril, Stéphane Lorentz devait se rendre en Grande-Bretagne procéder à des investigations, mais des problèmes techniques de procédure l’empêchèrent d’emprunter le tunnel sous la Manche.

Me Picotin n’est pas avare de mots pour dénoncer la lenteur de la justice dans ce dossier.«Quand il s’est agi de condamner le quotidien Sud-Ouest[qui le premier a sorti l’affaire, ndlr] pour atteinte à la vie privée, la justice a été présente en accordant 24 000 euros aux manipulés de Monflanquin», déclarait l’avocat dans une interview au même journal. Avant de conclure : «Il y a fort à parier que cet argent a fini sur les comptes bancaires du gourou dans un paradis fiscal.»

Déclassement. Aujourd’hui, les anciens reclus ne sont guère diserts. Ils ne veulent pas parler. Ils souhaitent surtout que leur nom ne soit pas «sali» par cette histoire. Me Picotin s’associe à cette démarche. Invitant les journalistes le jour où il en a besoin. Les déclarant importuns le lendemain. Les Védrines veulent avant tout éviter qu’on les raille, que l’on ne leur dise plus qu’ils se sont tout bonnement fait avoir par un escroc. Du col Claudine au pudding pour Christine, devenue commis de cuisine à Oxford. De la clinique réputée à la tondeuse à gazon, pour Charles-Henri, le gynéco en vue et colistier de Juppé aux municipales, devenu jardinier en Angleterre. A Bordeaux, l’histoire fait jaser. Dans les milieux feutrés, on rit sous cape, on se délecte de ce feuilleton qui intéresse même les plumes d’outre-Atlantique. Vanity Fair a dépêché tout spécialement un journaliste pour enquêter quatre mois sur cette histoire. «La société française n’a pas les instruments juridiques pour se protéger de ce genre de personnes, les gourous», déplore Jean Marchand.

Le juge a entendu Thierry Tilly qui est intarissable. Il «charge» la famille, se dit «innocent» de tout. Il risque les assises et la perpétuité pour tout ce qu’il a fait. Etait-il seul ? Des témoins l’ont vu se comporter «comme un petit garçon» devant un homme qui semblait lui donner des ordres. Tilly, à la solde d’une tierce personne ? Questions sans réponses.

Comme reste sans voix cet avocat parisien, ex-défenseur de Ghislaine de Védrines quand elle était à Oxford. En juin, on le retrouvait comme avocat associé dans le procès de la scientologie. «Je ne crois pas au hasard», dit Jean Marchand, qui pourrait hésiter entre rire et larmes depuis qu’il a appris la «libération» de sa femme et de sa fille Guillemette qu’il croyait disparue. Récemment, il confiait à Libération qu’il appréhendait la perspective d’un huitième Noël sans sa famille. «Ce qui vient de se passer n’est pas un dénouement, un verrou a sauté, mais ce n’est qu’une étape.» Il reste à cette famille à se reconstruire et à laver devant la justice cet honneur bafoué par un escroc. Ce n’est pas anodin dans une ville comme Bordeaux.

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