Affaire Bibi Ngota: Me Nouga : «Le pouvoir exécutif ne doit pas donner des injonctions au pouvoir judiciaire»

Me Nouga : «Le pouvoir exécutif ne doit pas donner des injonctions au pouvoir judiciaire»
L’avocat au barreau du Cameroun commente la mise au point du vice-Premier ministre dans l’affaire du décès de Bibi Ngota.

Que vous suggère le rapport d’enquête présenté hier par le vice-Premier ministre dans l’affaire du décès de Bibi Ngota?

Je dois vous dire que je ne souhaite pas gêner les actions du vice-Premier ministre chargé de la Justice, qui a entrepris de rendre public ce rapport. Je suppose qu’il a de bonnes raisons pour le faire maintenant, alors que l’instruction est en cours. Je pense que cela relève des exigences de service public qui m’échappent. Mais l’avocat que je suis ne peut ne pas ressentir une gêne, notamment parce que l’information judiciaire n’est pas encore bouclée. Je crains que vos articles commentant cette mise au point ne puissent violer le secret de l’information judiciaire et partant constituer des commentaires tendancieux. C’est pourquoi je me réserve de faire d’amples commentaires sur cette affaire, pour laquelle je suis constitué pour un des inculpés.

Le vice-Premier ministre a justifié sa démarche par « un devoir démocratique de restituer toute la vérité des faits »…

L’institution judiciaire est celle qui est habilitée à révéler la vérité institutionnelle définitive lorsqu’il y a infraction ou crime. Et nous devons tous participer à ce que cette vérité judiciaire soit accomplie dans le respect des lois, y compris la loi qui protège le secret de l’information judiciaire. Peut-être que le vice-Premier ministre a des exigences qui m’échappent, pour livrer à la presse des informations touchant un dossier en cours d’information judiciaire

Dans le rapport, il est précisé que le secrétaire général de la présidence de la République a demandé au délégué général à la Sûreté nationale d’identifier Harris Mintya, de l’entendre sur les faits de faux et « de le déférer au parquet compétent ». Un commentaire ?

Nous avons toujours dénoncé la trop grande emprise du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire. Et à notre avis, si le secrétaire général de la présidence de la République peut instruire le parquet d’une information judiciaire, il devrait s’abstenir d’inculper à la place du juge d’instruction. Cette instruction ressemble beaucoup à une inculpation parce qu’elle indique l’infraction pour laquelle l’information judiciaire doit être menée. Le pouvoir exécutif ne doit pas donner des injonctions au pouvoir judiciaire, en respect du principe de la séparation des pouvoirs.

Comment comprenez-vous la décision de rendre public un rapport d’enquête partiel?

A mon sens, pour préserver le secret de l’information judiciaire, toute information relative à ce dossier devait rester confidentielle. Cependant, puisqu’il s’agissait pour le vice-Premier ministre de dire la vérité sur la mort de Bibi Ngota, laquelle mort n’est pas l’objet d’une procédure judiciaire pour l’instant, l’on peut comprendre sa démarche. Mais je vous en prie, ne me faites pas trop parler de cette affaire. On en reparlera peut-être plus tard, au bon moment.

par Claude Tadjon |15 Septembre 2010|Le Jour|