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Akere T. Muna : L’opposition a échoué par égoïsme… Où est passé l’argent détourné ?

Posted by Admin on Sep 30th, 2010 and filed under Politique. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. Both comments and pings are currently closed.

On sait que dans certains pays, cette société là se mobilise. On a vu le cas au Mali pour la candidature de Toumani Touré…
Exact. Ecoute : ce que je fais maintenant m’intéresse beaucoup. C’est la fierté de tout Camerounais de se voir octroyer des élections présidentielles et, d’ailleurs, je dirai que c’est très flatteur. Mais pour le moment, rassurez-vous, je suis de la société civile. Je suis interpellé au niveau de l’Ecosoc. Je suis interpellé au niveau de l’Union panafricaine des avocats, de Transparency global, du Fmi, du Maep. Donc, je vous dirai que j’ai une vie trop pleine. Est ce que je suis candidat à l’élection de 2011? Non je ne suis pas candidat.

Vous êtes né en 1952, précédé par une immense couverture d’histoire, comme celle de la figure de votre père Salomon Tadeng Muna, ancien vice président de la république, ancien vice président de l’Assemblée nationale. Comment de Muna que vous êtes on devient Akere ?
C’est difficile, je ne sais même pas si c’est possible. Mais, comme disait mon père, faites bien ce que vous faites. C’est ce que j’essaie de faire. Faire, faire de mon mieux. Et je pense que si je pouvais avoir 1% des valeurs de mon père, je sais que je serais très loin. Je ne peux jamais l’égaler. Je peux prendre sa vie comme guide et, sa vie me marque jusqu’à ce jour.

Au point où vous lui avez consacré une fondation ?
Effectivement, il y a deux personnes qui on marqué ma vie. Mon père et mon feu frère Daniel. Ce sont des figures qui marquent ma vie à ce jour. Donc, est ce que je peux devenir Akere ? Les enjeux changent avec le temps. Quand je commence à faire la lutte contre la corruption pour le compte de Transparency international, je suis guidé par des règles d’éthique de mon père. Mais les enjeux sont différents. Il n’y avait pas d’Union africaine et donc d’Ecosoc. Il y a beaucoup des gens à l’étranger qui connaissent Akere Muna sans connaître ni mon frère, ni mon père. Donc c’est déjà ça.

Vous vous êtes frayé un chemin. On a souvent coutume de dire que quand vous alliez au lycée de Buéa, votre père vous refusait de rouler  dans ses voitures…

Exact ! Il y avait plus de 15 voitures. Mon père était à l’époque Premier ministre et il est devenu vice président, et je n’avais pas le droit de commander les voitures d’Etat pour m’amener à l’école. J’y allais à pieds. Il nous disait : « Ce sont des voitures de Premier ministre. Quand vous serez Premier ministre, vous pourrez rouler dans ces voitures là ». J’attends encore de voir, mais pour le moment, je roule dans une voiture que moi-même je me suis achetée.

Ce qu’on a appelé gouvernance des années plus tard est-il en partie lié avec la séparation des biens publics et la fortune privée ?

Exactement ! C’est quelque chose que mon père insistait dessus. Sur ce qui lui revenait de par ses fonctions de 1er ministre. C’est quelque chose que j’ai vécu toute ma vie. A l’époque, ceux qui ont fait le collège bilingue d’Application comme moi, il y avait une bourse qui était octroyée presque automatiquement. C’était peut être 21 000 Fcfa par trimestre. Je n’ai pas vu le seul franc de cette bourse, parce que mon père s’était organisé pour que d’autres orphelins puissent avoir cette bourse là. Donc, dès  que l’argent arrivait, il allait vers cette famille. Mais j’ai toujours vu cette séparation là entre les biens publics et la fortune privée. C’est ça qui m’anime jusqu’à nos jours. Ce qui m’attriste, c’est que de plus en plus des gens confondent le trésor de l’Etat avec leurs poches personnelles. C’est désolant.

Vous m’avez vu venir puisqu’on parle de corruption, je ne vais pas vous dire que vous êtes monsieur corruption. Ca peut prêter à équivoque. Mais est-ce que vous seriez monsieur corruption ?

Je préfère qu’on m’appelle patriote parce que je pense que la meilleure façon de progresser c’est de chercher le bien du plus grand nombre. Il y a des axes : la santé, la lutte contre la corruption. Je dis souvent que si vous voulez aider le plus grand nombre dans un pays, c’est presque biblique, pour ceux qui sont chrétiens, je le dis souvent Jésus a jugé, donc la justice. Il a enseigné,  donc l’éducation. Il a soigné, donc la santé. Si vous vous occupez de ces trois secteurs là, je crois que vous êtes en train de faire progresser un pays et d’attendre le plus grand nombre.

Et la corruption doit être transversale ?

Oui, transversale parce qu’on la retrouve dans l’éducation, la justice, la santé.

Vous avez été initiateur d’un groupe qui a réfléchi à la mise sur pieds au Cameroun d’une section de Tranparency international, laquelle Ong avait classé le Cameroun deux fois successivement champion du monde de la corruption 1998-1999. Est ce que c’était un  trophée usurpé ?

Je ne sais pas ; mais c’était quand je fais la transmission de mon dernier mandat de bâtonnier pour Peter Heigen, on l’invitait, il ne venait pas et puis, j’ai dis au Premier ministre de l’époque Musongue. Je lui ai dit que je vais inviter Peter Heigen. Il m’a demandé si je suis sûr ; moi j’ai accepté.

Avait-il des raisons de douter ?

Apparemment, l’Etat avait fait des démarches. Il n’avait pas voulu venir.

Généreuse façon quant même pour l’Etat, dont le gouvernement par sarcasme avait déjà condamné Tranparency international ?

A l’époque,  c’est le problème qu’on a aujourd’hui. Certaines personnes qui pensent  démontrer leur patriotisme ou leur attachement à son dirigeant en tirant à tout bout de champ sans analyse. Des fois, on peut critiquer de façon constructive pour aider. Ils n’ont pas vu la crédibilité de Transparency international. Ils ont voulu tuer le messager. Ils se sont trompés là. Peter Heigen est arrivé au Cameroun, je lui avais dit que je veux qu’il vienne pour  parler de tout, de blanchiment d’argent, de corruption. Nous avons tenu plusieurs réunions. Ils m’ont donc désigné pour créer ce chapitre. C’est arrivé quasiment par accident. Parce que c’est à la conférence de presse que j’apprends avec tout le monde que je dois commencer les démarches. Et c’est comme ça que je l’ai commencé. C’est difficile. On m’a taxé d’opposant, on m’a rendu la vie difficile à mon cabinet.

Vous dites difficile, vous avez dit quelque part que vous avez perdu des clients ?

J’ai perdu beaucoup de  clients à l’étranger. On disait : «il est contre les intérêts du gouvernement, alors changez de cabinet». J’ai perdu beaucoup de clients. Je me suis dit qu’à la longue, on verra. Quelques amis sont venus me dire de faire gaffe ; je me rappelle que nous avions une conférence de presse  programmée au Hilton ; le préfet est  passé demander qu’on ferme. Et c’est ça la grandeur d’un Premier ministre comme Musongue : Je l’ai appelé ; il a dit que ce n’est pas possible ; il a donné des instructions et puis on a rouvert la salle qu’on avait fermée. Maintenant, quand je vois les pancartes, je vois dans les ministères on parle de corruption, moi ça m’amuse.

Est-ce que les deux trophées du Cameroun en matière de corruption, en 1998 et 1999, ont été usurpés?

Al’époque, il y a avait  98 ou 99 pays. Je pense que la réaction des uns et des autres a ressemblé un peu à la réaction d’un voleur attrapé. Au marché, lorsqu’on attrape un voleur, il est le premier à courir et à crier au voleur. On a l’impression d’avoir dévisagé certains et il fallait que ceux-ci réagissent en prenant le Cameroun comme prétexte. Quand on dit que le Cameroun est un pays corrompu, en fait, on vise certaines personnes qui donnent ce nom à ce pays. Quand on regarde l’impunité des uns et des autres, et c’est encore visible aujourd’hui, c’était mérité

Puisqu’on parle de Transparency international et de ses rapports, vous avez sans doute connu la polémique autour de l’index de perception. Il s’est est trouvé au sein du régime des gens pour critiquer, pour dénoncer le caractère peu scientifique de cet index. Que répondez-vous?

Cet index de perception est critiqué partout dans le monde. Les pays qui sont bien classés disent que c’est bien. Ceux qui sont mal classés disent le contraire. L’importance c’est de savoir que c’est un miroir qui vous permet de savoir quelle est votre image.

C’est un miroir déformant?

Un miroir déformant… Je me rappelle du cas du Rwanda qui n’a pas accepté son classement. C’est un pays qui fait absolument tout pour lutter contre la corruption. J’ai rencontré le président Kagame qui m’a dit : « Monsieur le vice président, il y a zéro tolérance ici . Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas la corruption. Si on vous prend c’est tant pis pour vous. C’est tout ce que je peux faire. C’est-à-dire m’assurer qu’il y a zéro tolérance à la corruption. Il y a des gens téméraires qui vont toujours s’y essayer ». C’est ce que le président Kagame m’a dit. Et pareillement, je peux poser la même question : est-ce que c’est un danger aujourd’hui de faire de la corruption au Cameroun ? La réponse est que ce n’est pas encore un danger. Qu’est ce que j’entends par danger ? C’est que vous puissiez fermer les yeux et traverser une route de pleine circulation. Ca c’est un danger. Les gens aujourd’hui pensent que la lutte contre la corruption se limite au niveau des discours.

Vous, vous pensez quoi ?

Je pense que c’est une façon de vivre, c’est une prise de conscience des conséquences de la corruption sur le pays, sur l’avenir des jeunes, sur l’avenir de tout un pays. C’est même un signe de patriotisme que de lutter contre la corruption. On ne peut pas penser que ça s’arrête au niveau des discours et continuer à faciliter le pillage du pays. Remplir vos poches, aligner villas sur villas. Entre 1998 et 2010, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Le gouvernement camerounais a agi entre temps vers deux directions. Je voudrais qu’on s’arrête sur ces deux directions. La première, c’est une forme d’inflation institutionnelle. On a créé plusieurs institutions dont l’Anif, la Conac , la Chambre des comptes qui sont venus s’ajouter au Conseil supérieur de l’Etat. Vous continuez de dire que ce n’est pas assez parce que, peut être, s’agit-il au moins de rendre opérationnelle, la déclaration des biens prévus à l’article 66 de la constitution.

Est-ce que vous maintenez en 2010 cette perception et cette conviction ?

Complètement. Chaque médicament qu’on prescrit doit avoir un objectif clair. Donc, je pense que ce surdosage que nous avons dans les institutions relève plus du paraître que d’autres choses. Ce n’est pas ça le problème. Est-ce que la vie des gens évolue au mieux parce qu’on lutte contre la corruption ? Je ne pense pas. Est-ce qu’on a pu sauver x ou y montant parce qu’on lutte contre la corruption ? Je dirai non. C’est ça le problème. Quel est le but visé par la lutte ? Je pense qu’on a toujours cette mentalité de lutter contre le détournement. C’est vrai mais la corruption par ceux qui nous prennent de l’argent, de votre poche et de la mienne, pour un service affecte plus les citoyens. Ce n’est pas dans la cagnotte étatique là, si vous êtes douanier, inspecteur des impôts ou  je ne sais quoi, et vous prenez de l’argent à l’usager et ça, ça affecte. De ce côté là je pense qu’on avance par balbutiement. Parce qu’il y a encore des gens dans ce pays dont le style de vie n’a rien à voir avec le prétendu revenu qu’ils doivent avoir.

Comme dans le secteur de la justice ?

On peut les retrouver dans le secteur de la justice, mais je pense qu’ils sont partout où les gens ont ce pouvoir, une parcelle de pouvoir qui peut se commercialiser.
Alors, il y a une loi en 2006 qui essaie  de baliser la voie à l’application de l’article 66. Mais cette loi, elle-même, est truffée de renvois aux prérogatives réglementaires qui reviennent au Président de la république.

Qu’est-ce qui fait que les autorités soient réticentes ?

Je pense que tant qu’on n’a pas créé une véritable commission indépendante pour diriger, créer, proposer la politique, un arsenal juridique…, on ne va pas avancer. Parce que les mêmes gens qui doivent faire ces textes sont les mêmes gens qui sont indexés. Comme dit un dicton, « on ne peut pas demander au poisson de se braiser, ou d’aller acheter l’hameçon.» Ils vont faire des textes en trompe l’oeil et vont neutraliser le texte.

Qu’est-ce que vous verriez concrètement dans  un texte de lutte contre la corruption ?
D’abord l’acte de naissance de l’institution doit être une loi qui permet de répondre devant le parlement. Deuxièmement, une loi qui garantit leur indépendance. Ça  veut dire qu’on peut les nommer, mais les démettre doit relever d’une procédure assez spéciale. Il faudrait que ceux qu’on nomme soient des gens qui sont connus, qui peuvent faire ce travail. Ce n’est pas très facile. Dans une lettre d’intention adressée au Fmi, le premier ministre de l’époque Ephraim Inoni disait déjà qu’il était difficile de trouver des personnes totalement crédibles pour assumer de telles fonctions. Ça dépend d’où il regardait. On voit ce qu’on voit par rapport à son champ de vision. Il y a plein de Camerounais qui aiment ce pays, qui peuvent beaucoup faire. On les retrouve dans les églises… Ce sont des gens qui ont une réputation à protéger.

Avez-vous des noms ?

Non, je ne vais pas donner des noms. Mais je sais qu’il y en a beaucoup. J’ai vu des Camerounais épris de leur pays, qui sont prêts à faire des choses bien pour leur pays. Je peux citer  des noms de personnes qui ne sont plus là. Monsieur Remy Mbaya, monsieur Marcel  Nguini. Ce sont des gens qui peuvent diriger des grandes commissions. Je suis sûr qu’il y a de jeunes professeurs d’université vaillants qui sont conscient de cela. Je pense que c’est très faisable. Mais ce n’est pas suffisant. Il faut qu’il y ait  autour de tout cela l’atmosphère qui fait de ce qui s’engage dans cette voie là, des personnes indexées ça c’est à l’actif du président de la république. C’est qu’il a fait ce que moi depuis que je lutte contre la corruption je n’ai pas vu dans un pays africain. Se lever un matin et de faire arrêter au moins 80% de personnes de son ethnie.

J’en arrivais justement puisqu’il s’agit du deuxième volet des actions de lutte contre la corruption…

Les actions menées par les pouvoirs publics  se résument à ces arrestations. Il y en a qui sont récentes, qui datent de 2006 et il y en a qui ont commencé en 97. Celles de 97, peut être la plus spectaculaire, est celle de Titus Edzoa, l’ancien médecin et confident du président de la république, et  ancien secrétaire générale  à la présidence de la république.

Vous avez été son avocat et vous disiez au moment que vous le défendiez que vous aviez trouvé vide le dossier que vous avez transmis au tribunal. Vous vous êtes dits, il était seul, il fallait attendre. Est-ce qu’en 2010, avec le recul, est-ce que c’était une bonne décision ?

Ecoutez, la justice tranche ce qui est devant elle. J’ai plaidé ce dossier sur la forme et sur le fond. Ce dossier spécifique, je le dis encore, je n’ai pas été par ce que j’y ai trouvé. En clair, je veux dire que je ne pense pas que les éléments étaient réunis pour moi, avocat, j’ai été laissé sur ma faim.

Quinze ans de prison ferme tout de même…

Je ne suis pas le président du tribunal. Je respecte le verdict et les décisions des institutions de mon pays. Mais, en tant que citoyen, et comme avocat qui a eu ce dossier, j’ai eu la même réticence  que  lorsque j’ai regardé le dossier de Mohamed Abacha au Nigeria. De ce qu’on l’accusait, le dossier était léger.

Passons immédiatement en 1999. Il y a cette arrestation de Mounchipou dans ce qu’on a appelé Mounchipougate et l’arrestation de Engo dans ce qu’on a appelé Engogate. Et puis 2006 arrive avec d’autres arrestations qui sont spectaculaires. Elles sont lourdes, elles sont massives. Elles se situent dans un laps de temps très étroit. Que visaient les autorités ?

Je ne suis pas dans la tête du président, mais je pense qu’il a fait ce qu’il fallait faire. Donner un message politique par un geste politique qui devait être accompagné par une volonté politique de lutte contre les détournements et la corruption. Que vous soyez un parent, de mon ethnie, un grand militant, toutes ces catégories là, vous n’êtes pas à l’abri.

Et c’était le début de la fin de l’impunité ?

Je ne sais pas mais, en tout cas, c’était un message politique, difficile à faire pour un homme politique. Je vous dis, que se soit au Kenya, peut être au Rwanda, la Tunisie, je vous assure que dans ces pays là, jamais on ne verra quelqu’un poser des actes contre un grand nombre de responsables. Je pense que ça participe d’un message politique qu’il fallait véhiculer.

Et puis, on a  vu que dans cette configuration là, à un moment donné, on parle d’équilibre régional. C’est très camerounais ça. On est allé chercher des représentants entre guillemets de chaque province. Là aussi ça a brouillé le message politique ?

Je ne sais pas si ça a brouillé le message. Le problème est que le président a agi. C’est ce système qui a des intérêts et des conflits, c’est ça la politique. Il y a des gens qui se protègent les uns et les autres, qui ont des intérêts et donc ce qui remontent à la surface, passent par un tamis politique donc. C’est très possible et peut être très vrai. Mais la question que je me pose au finish est celle ci : Est-ce que les gens qu’on a mis en prison sont coupables de quelque chose ?

Et la réponse est…

Bon on attend les décisions des tribunaux.

Akere Muna, vous parliez  tout à l’heure de la dimension politique des sanctions ou du moins des procédures judiciaires en cours. Vous vous disiez quelles étaient les parts de responsabilité éventuellement puisque les tribunaux ne les ont pas encore établies ?

Parce que j’ai traité ces dossiers, j’ai été avocat. On va y revenir, quand en 1997 l’affaire Titus Edzoa éclate, on sait quand même qu’il a démissionné du gouvernement et qu’il s’est présenté comme candidat à l’élection présidentielle de 1997. Et cette procédure se déclenche…D’où il y a un procès en instrumentalisation de la gouvernance à des fins politiques.

Est-ce qu’il y a eu, de votre point de vue, une part de politique, et quelle était-elle ? Est-ce qu’il y a eu un poids pour ce qui est de l’image de la gouvernance, et quel était cette image ?

Ecoutez ! Quand j’ai pris ce dossier, je n’ai pas du tout usé de cet argument du contexte politique.

Et comme citoyen…

Comme citoyen, je vais vous renvoyer à ce que j’ai dit tout à l’heure. Voyez-vous, il suffit que dans certaines circonstances, on vous épingle comme étant opposant, quelqu’un étant opposé à l’Etat et qui veut nuire les intérêts du président ou de sa famille. Des zélés prennent le relais, ils pensent qu’il leur revient de montrer leur fidélité en posant toutes sortes d’actes. Donc ce n’est pas exclu.

A ce moment là, il appartiendrait à celui à qui on présente ce type de dossier de pouvoir savoir ce qu’il en est…

Justement, je dirais que je suis arrivé dans cette affaire lorsque Titus Edzoa était déjà incarcéré. Donc, je ne sais pas. J’ai eu un dossier que j’ai plaidé. Mais, je dis que en regardant mon propre vécu : « Est ce que vous dites qu’il y a des gens qui pensent qu’ils ont pour mission de rendre la vie difficile à des personnes qu’ils perçoivent comme des adversaires politiques? » Moi-même, une ou deux fois, j’ai été interpellé en revenant de l’étranger à cette période là. Notamment à Douala, on m’a interpellé, on m’a mis au bureau de poste et on m’a dit : « d’où vous venez ? » J’ai dit : «  voilà mon billet. Je viens de Londres ». On m’a demandé mon frère. J’ai dit : «  Mon frère Bernard, il  est majeur. Vous le cherchez, vous ne me demandez pas là où il est ? En ce qui me concerne, je vais, je viens comme je veux ». Donc, il y a des trucs comme ça. Je ne pense pas qu’on peut dire que ça vient de très loin. Des gens qui puissent démontrer qu’ils ont posé un acte.

Est-ce que ce sentiment traverse l’ensemble des procédures ou certaines procédures qu’on a mises rapidement en place ?

D’une façon assez retournée, on voyait qu’on arrête des gens avec fracas, avec du bruit tout autour. Je suppose qu’il y a des magistrats qui pensent que c’est la politique de l’Etat, qu’on arrête ces gens, qu’on les enferme. Donc quand ils ont ces dossiers sensibles, ils sont quelque peu gênés. Ils se disent : qu’est-ce que je fais ?. Il faut dire que ceux qui sont jugés n’ont pas la chance par le simple fait que cette histoire démarre au moment où nous sommes en transition juridique. En même temps, les avocats sont en train de se frayer leurs chemins. En même temps, les magistrats travaillent dans la grande confusion. Et des fois, quand je vois ces procédures, ça ne ressemble à rien. Parce que l’interprétation qu’on fait des textes ne correspond pas à l’interprétation des textes dans le système anglophone. On est en train de créer un système hybride qui va peut être s’asseoir à la longue.

Est-ce que vous avez eu l’impression qu’il y a des adversaires politiques qui étaient liquidés à travers ces opérations sous le couvert de la gouvernance ?

Ce sont des gens qui viennent du même régime. Adversaires politiques de qui ?

Mais de ceux qui veulent rester au pouvoir…

C’est leur cuisine intérne ;  ils se connaissent. Ils savent qui est adversaire et qui ne l’est pas. Si on vous prend un ministre d’un régime précis, qu’on le fout en taule, il est adversaire politique de qui ? Je ne sais pas. Peut être ça participe de leurs guéguerres intérieures.

Y compris pour l’alternance…

Ecoutez ! Je pense que c’est à eux de voir. Pour la simple raison qu’il y a une expression en pidgin que mon père aimait toujours utiliser. A l’époque, il disait: « Sick way go do coco i go do coffee ». La maladie qui a tué le cacao va tuer le café. C’est-à-dire que, ces gens sont dans un système où ils pensent qu’on monte sur le cadavre des autres. L’ascension participe de la destruction des autres. Mais ils ne savent pas qu’un jour, tu trouveras plus fort que toi. Ce sera ton tour. Il y a des gens  qui en font leur façon de gravir des échelons. Donc quand je vois tout ça de loin, moi ça m’amuse. Vraiment, le système est ainsi fait où on dénature. Il y a la délation, il y a toute sortes de choses.  C’est triste. C’est malheureux. Mais, je pense que ce qui me préoccupe maintenant c’est comment améliorer la vie du plus grand nombre. Les gens qui sont dans leur chapitre en train de réfléchir à comment ils feront pour construire leur vingtième villa, comment ils vont entrer au gouvernement où comment y rester ou faire sortir l’autre frère qui est de son village….

J’aimerais qu’on s’arrête un moment sur un dossier parmi ceux qui sont dans le cadre de l’Opération épervier, celui qu’on a appelé Albatros. Vous n’étiez pas très probablement commis à une phase. Je rappelle qu’il y a eu à la 1ère  phase, c’est-à-dire au moment où la décision est prise, d’acheter un avion présidentiel étant donné que le parc actuel était en défection. Eh bien, il y a le fonds  monétaire en face, les autorités trouvent le moyen, probablement instruit par quelques éminences au sein du régime, de faire endosser la responsabilité de l’acquisition d’un avion par la Camair, alors sous Yves Michel Fotso. Quelques 45 milliards de Fcfa envoyés finalement par le truchement de la société Gia. Et finalement pas de trace. Vous vous avez dans la discrétion, essayé de suivre les traces de cet argent en 2010, qu’est-ce que vous pouvez dire et qu’est-ce que vous vous abstenez de dire ?

Je ne peux rien dire. J’ai été commis comme avocat dans ce dossier.

On sait où est passé cet argent ?

Je ne peux rien dire puisque j’étais avocat dans ce dossier. Je ne peux pas me mettre à violer le code pénal. J’étais avocat dans le dossier. J’étais aux Etats-Unis, j’étais ici, j’ai eu à donner des conseils juridiques sur ce dossier. Je ne peux vraiment rien dire, vous me connaissez très bien. Si je pouvais parler, je le ferais. Après 32 ans d’avocature, je peux au moins essayer de respecter la déontologie et la loi de la déontologie.

Il y a dans tous les cas, dans toutes ces affaires, que ce soit le Port autonome de Douala avec Siyam Siewe et Edouard Etonde Kotto, le Chantier naval avec Forjindam, la Santé publique avec Urbain Olanguena, les Finances avec Polycarpe Abah Abah ou l’affaire Albatros, il y a un certain nombre de préoccupations que ces affaires révèlent. C’est par exemple le rythme des procédures. Avez-vous l’impression que c’est un rythme acceptable ?
Je pense qu’avec ce qu’on appelle en anglais « right side », avec un regard de quelqu’un qui n’est pas sur le feu de l’action et regardant après coup, je pense qu’on aurait dû préparer les instances devant lesquelles on allait juger cela. Je pense même que, vu l’impact économique, si on essaie de totaliser les chiffres de tous ces procès, la nature de cela aurait commandé à ce qu’il y ait une instance spéciale créée. Ça s’apparente à un génocide économique créé pour ces affaires là.

Faute de l’avenir fait ?

On est dans une série d’affaires qui doit respecter la nouvelle procédure qui demande des témoins qui demande des pièces à l’original. C’est assez complexe et compliqué.

C’est un rythme bon ? Lent ?
C’est un rythme qui va être très lent. Et on dit en anglais « justice layed, justice denied», la justice retardée, la justice refusée. Donc, quand on commence à durer, on commence à se demander quelle leçon on va tirer de là. Quand on dit qu’on a arrêté un ministre, les gens disent que c’est bien tandis qu’au début, c’était quelque chose de surprenant. Maintenant, les gens sont habitués à ça.

C’est devenu banal ?

Banal. C’est banalisé.

Ça manque d’impact ?

Ça veut dire que l’impact, ce punch que le président voulait donner dès le départ, cette fraction risque de se perdre. Et pour cause, je suis de votre ligne d’interview que les gens pensent toujours que vraiment, au Cameroun, si on détourne, on ne vous fait rien. Si on vous prend c’est parce qu’il y a de la politique. Et ça trahit la façon de penser des gens.

L’autorité aurait peut être bonne grâce de réfléchir à cela. À l’impact de ces mesures, de ces procès ?

Si moi j’avais à donner un conseil dès le départ, on devrait commencer par des grandes commissions d’enquêtes publiques où les gens mis en cause vont avoir un avocat, où la procédure est plus légère. Et quand on a fini cette phase publique, les gens ont même le loisir d’avouer ou non (…) et qu’on sorte le rapport, on décide sur qui on va traduire devant les tribunaux. Ça aurait eu l’avantage de nous soigner, nous faire apprendre. Et à cela, j’aurais pris ce chemin. Bon ! On a à un certain moment, évolué vers le ministre du Contrôle supérieur de l’Etat. Quelqu’un que j’admire et que respecte ; j’ai eu à discuter avec lui plusieurs fois, il parle avec conviction.

Vous avez le même respect pour ses cadres qui sont envoyés dans des missions ?

Je n’ai pas eu à traiter avec ces cadres là. J’ai lu certaines choses dans la presse qui m’inquiètent. Mais je vais vous dire : le ministre lui-même, j’ai eu à discuter avec lui de ces affaires. Je trouve que c’est un homme convaincu.

Avez-vous attiré son attention sur le fait qu’il y a quand même des dossiers dans ses services qui présentent des curiosités. Quand on accuse quelqu’un du détournement de 4 milliards de Fcfa, et qu’au final, on en soit à peu prêt à 700 millions, cet écart rend-il compte de la compétence?

Je pense que certaines  de ces affaires ont pris cette tournure à cause du problème d’information qu’il y a dans ce pays. On a un problème sur les textes, même sur l’information la plus banale. Ce qui fait que vous pouvez commencer une enquête sans la version qu’il vous faut et on vous accable, on vous accable, on vous accable. Et en fin de compte, on ne vous demande pas ce qui se passe. Si vous voulez, je vais vous raconter une anecdote. Il s’agit de cet homme qui a un chien Berger et sa femme avec qui ils sont très bien. Ils ont un bébé, maintenant et leur attention est dévolue sur ce bébé. Et on regarde les écarts de jalousie du chien, mais il ne prête pas attention. Un jour,  le monsieur rentre du travail, il voit donc ce chien avec la bouche pleine de sang. Il sort son pistolet et tire sur le chien. Il coure vite dans la chambre du bébé ; il voit le bébé endormi et à côté du lit du bébé, un grand serpent qui a été tué par le chien. Moralité, il ne faut pas juger les gens dans la précipitation. Je pense que les gens dans certains cas sont allés plus vite que les preuves parce qu’il fallait des signaux politiques. Quand vous êtes président de la république et quand vous impulsez un système comme celui-ci, vous êtes obligé de vous fier à ce que vos collaborateurs vous disent.

Alors, sur ces affaires, le Cameroun joue pleinement son image à l’international. On l’a vu, les bailleurs de fonds restent préoccupés…

Je pense que comme message politique, ça a joué sur son image, mais par la suite, on est resté sur sa faim. Parce que vous et moi posons la même question : où est passé l’argent ? C’est la grande question…

Tout le monde se demande comment récupérer ces sommes d’argent dont on a dit à un moment donné qu’elles étaient folles. Mais qu’on constate que dans certaines procédures, elles ne représentent pas grand-chose?

Où est l’argent ? Je pense que ce qu’on doit faire, et ce qu’on fait à Tranparency international, c’est un examen systémique. On a un système qui a permis cela. C’est le même système qui fonctionne. A quand donc l’examen systémique ? Il y a certaines choses qu’on peut encore faire facilement. J’ai entendu dire par exemple que pour la coupe du monde passée dernièrement, les gens ont touché de l’argent en trop. Je ne sais pas si c’est vrai. On parle de trop perçu. Ça me fait rigoler. Comment on a pu budgétiser  que les gens iraient jusqu’en finale. Je ne connais pas bien l’histoire mais ce que j’ai cru entendre, et si c’est vrai que les gens ont pu recevoir de l’argent pour une période aussi grande, je dis encore qu’il y a certaines choses qu’on peut faire rapidement du jour au lendemain : les cartes de crédit. Si vous allez en mission, on vous donne une carte de crédit, si vous partez à l’étranger les jours de mission où vous êtes resté, on peut repérer. Vous ne transportez pas de centaines d’euro dans les sacs. Quand vous revenez la comptabilité est facile, on peut le faire.

Je parlais tout à l’heure d’image du Cameroun qui se joue à travers tout cela. Il y a un paradoxe camerounais, vous qui avez été copté dans le panel d’éminentes personnalités du Maep, le mécanisme pour juger les pairs africains…

Le Cameroun a souscrit au Maep parmi les tous premiers pays.

Pourtant ce même Cameroun rechigne à se faire évaluer par les pairs. Qu’est-ce qui est en cause ?

C’est pour ça que je pense qu’il faut des structures qui répondent d’un autre chapitre. Voyez-vous, quand tout est géré, le côté éthique et moral est géré par les mêmes personnes indexées, on va toujours tomber dans le même traquenard. Ça veut dire que les gens qui ont une réticence pour des choses que je trouve complètement banals.

Vous qui êtes membre du Maep et Camerounais comment gérez-vous ce paradoxe ?

C’est gênant, parce que lors des réunions, on vise des pays, on dit Cameroon founding member. Mais je dois dire que nous sommes à jour de nos cotisations.

Qu’est-ce qui est le plus important ? Etre à jour ou se faire évaluer ?

L’examen des pairs qui a été lancé est une idée, un idéal et je pense que quand on y a souscrit, c’est parce qu’on accepte l’idée, et c’est ça qui est important.

Y a-t-il un comité au Cameroun ?

Je ne sais pas s’il y a un comité national qui a été créé ou lancé parce que c’est le début du processus.

On parlait de bailleurs de fonds tout à l’heure en évoquant des questions d’image. Est-ce que vous vous êtes préoccupé ou informé que ces bailleurs de fonds continuent de manière inlassable à se préoccuper de la question de la lutte contre la corruption au Cameroun ?

Exact ! Exact ! C’est une préoccupation. C’est même quelque chose qui joue contre nous parce que le Cameroun a réussi malheureusement par se faire connaître comme un pays qui affiche ce qu’il n’est pas. Il y a un trafic d’image au Cameroun. On croit toujours que tout est dans l’image sans bâtir ce qui doit produire l’image. Il y a des gens au Cameroun spécialistes dans cela. Je ne veux pas parler de publicités mensongères, mais il y a des gens qui pensent que tout est dans l’image qu’on présente mais ils ne savent pas que cette image qu’on doit présenter, c’est vraiment parce qu’on a posé des actes qui vont améliorer la vie des uns et des autres. C’est par ça qu’il faut partir.

Et nous pêchons par cela. Parmi les bailleurs de fonds internationaux, il y a le Fmi qui a rigoureusement encadré les efforts du Cameroun jusqu’à l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative Ppte. On sait ce qu’il en est advenu. J’en parle parce que vous faites parti d’un groupe consultatif pour l’Afrique sub-saharienne qui a été mise en place par le Fmi et dont l’objectif est de faire du Fmi un partenaire plus efficace et mieux compris en Afrique sub-saharienne, attentif aux besoins de la région et mieux à même de répondre. Est-ce que l’Afrique sub-saharienne a besoin du Fmi ?

Ne serait-ce que pour nous accompagner dans une certaine discipline. Nous avons des problèmes de discipline en matière financière. Ca se traduit par la corruption, la mauvaise gestion et autres pratiques financières de bord. Donc, nous avons besoin de cette institution pour instaurer une discipline. Aussi à l’étranger, le Fmi encadre maintenant la relance économique dans plusieurs pays, pas seulement le Cameroun. Je prends le cas de l’Afrique parce que vous posez la question, donc, nous en avons besoin.

Mais quand on voit les résultats de l’ajustement structurel, des plans…

Je pense que le Fmi et d’ailleurs Dominique Strauss-Khan, le président a dit, que ces stratégies étaient mal conçues et mal menées. Il parlait d’une base, d’une formule pour tout le monde. Maintenant ça a changé. Et par pays, on examine et on essaye de produire  une solution adaptée au pays, qui peut être accompagnée par le pays lui-même. Il y a un grand changement de vision de ces choses là. Mais hélas, les conséquences retentissent jusqu’aujourd’hui. De ces choses là, alors quand on prend le Fmi, ceux qui vivent cela, les sans emplois, les compressés, les employés des sociétés privatisées, quand ils vivent cela, quand ils entendent Fmi, ils doivent frémir. Je comprends cela.

Qu’est-ce que vous avez dit alors depuis que vous êtes au Fmi ? Vous y êtes depuis février 2010 ?

Nous sommes entrain maintenant de réfléchir sur le cadre de ce groupe et comment on pourrait influer sur ce que fait le Fmi en s’assurant qu’il perçoive la réalité de l’Afrique sub-saharienne. Le groupe existe partout en Amérique latine et dans les autres continents.

Qu’est-ce qu’on peut attendre concrètement ?

On peut attendre d’avoir des gens sur le terrain capables de dire : « Ecoutez, à titre consultatif, ce que vous voyez, c’est pas vraiment ce qu’il y a. C’est parce que ceci cela ».

Est-ce une évolution notable ?

Je pense que c’est une évolution notable au moins on note la volonté d’écouter d’autres personnes que ces experts qui sont de passage pendant une semaine.
Des experts qui restent dans des hôtels assez souvent. Je dois quand même préciser que vous êtes nommé à ce groupe consultatif en vos qualité et titre de président du conseil économique social et culturel de l’Union Africaine…
Ce poste là attirait l’attention sur moi en même temps que le poste de l’Union panafricaine des avocats. Mais je suis à titre personnel désigné.

A la tête de l’Ecosoc, vous l’avez dit tout à l’heure, vous vous êtes d’avantage préoccupé de promouvoir la société civile. C’est un terme fourre-tout en Afrique, au Cameroun. Mais ce terme renvoie à quoi concrètement ?

Je pense que la société civile, c’est clair, elle est forte. Ce qu’elle a fait dans les pays africains pour la conscience des uns et des autres… Mais je pense qu’il faut changer cet article maintenant. Je pense qu’il faut regarder vers les milieux professionnels : les journalistes, les avocats, les médecins etc. pour créer des grands ensembles africains. Ils sont lents pour l’Union africaine. Mais imaginez-vous qu’on ait une association panafricaine des journalistes, d’avocats, de médecins qui de façon institutionnelle peuvent accompagner l’Ecosoc. Ça donne l’expertise pour nous permettre de faire un in-put au niveau de l’Union africaine. Imaginez les ingénieurs panafricains qui travaillent sur la route. Imaginez qu’il y ait des pharmaciens panafricains qui travaillent avec  nous quand on parle des médicaments frelatés. On peut aller au delà. Vraiment, il faut maintenant trouver ces corps spécialisés. Il faut aller vers ça. C’est bien de faire le plaidoyer, c’est bien pour la société civile. Mais il faut qu’on essaie de prendre maintenant comme alliés les groupes professionnels, alliés comme tels. Sinon on va toujours être des boîtes qui enregistrent des messages venus de l’Occident.

Au Cameroun, cette société civile a ces figures. Il y en a qui sont d’authentiques débrouillards. Il y en a aussi qui sont des gens à peu prêt convaincu des causes qu’ils défendent. Quel est le regard que vous avez sur la société civile camerounaise ?

Je pense que la société civile camerounaise est assez confuse. Cela résulte aussi de la nature inachevée de notre processus politique. C’est-à-dire que nous avons des institutions qui sont en gestation. Nous avons une stratégie de lutte contre la corruption inachevée. Nous avons beaucoup de chantiers ouverts. Il y a la décentralisation qui est en chantier. Nous avons un processus électoral qui se cherche, contesté par-ci par-là. Nous avons plusieurs chantiers inachevés. Il faut le dire. Nous avons un arsenal constitutionnel  qui est à cheval entre trois constitutions. Nous avons beaucoup de chose inachevées et dans cette confusion là, je pense que la société civile navigue par-ci par-là. Les uns par intérêt, les autres par passion et ça me préoccupe.

Est-ce que ce qui vous préoccupe aussi ce n’est pas que les organisations de la société civile aient donné l’impression d’avoir pris la place des politiques, des partis politiques ?

Moi je peux dire que je n’ai pas de doute. Je pense que l’opposition au Cameroun a échoué. Je le dis et je pèse mes mots. L’opposition a échoué par égoïsme qui miroite le pouvoir qu’elle prétend fustiger.

Est-ce que  pour autant le pouvoir en place a réussi ?

Je suis républicain. Il y a un président de la république, il y a des ministres, il y a une cour suprême et d’autres institutions. Ça c’est clair.

Ils ont réussi ?

Je pense que le fait qu’on ait tous ces chantiers inachevés montre qu’il y a beaucoup de chose à faire. C’est ça l’importance de la 3ème voix qui est la société civile. Parce que les gens sont un peu déçus de la classe politique qui ne peut pas parler d’une seule voix,  qui ne peut pas se réunir, qui est dans un chapitre de guerre de chef.  Le seul fait qu’on énumère  plus de 200 partis politiques témoigne de cela. Je pense qu’il y a une immaturité politique au Cameroun.  On a eu le débat sur le changement de la constitution, mais personne n’avait rien dit sur la constitution de 1996, lorsqu’on mettait la close d’une façon de changer la constitution. (…) Personne n’avait rien dit parce que c’était opportunistique. On voyait 14 ans comme très loin. En tout cas on laisse comme ça mais on en est là aujourd’hui.

Est-ce que dans ces conditions là l’alternance à la tête de l’Etat en 2011 a un sens ?

Vous savez, l’alternance est un bien grand mot. L’alternance, d’autres voient par changement de président, d’autres voient par changement de régime, d’autres voient par changement de parti politique, d’autres voient par changement de mentalité, d’autres disent changement tout court. Le président Sarkozy a bien parlé de changement tout en étant dans le même parti, dans le même bord, la droite. Il a appelé le changement. Est-ce c’est là vraiment la préoccupation majeure ? Je suis plus préoccupé par le système que nous avons. Je ne suis plus préoccupé par l’homme providentiel. On nous a amené à penser qu’il faut un homme providentiel. Moi je vois qu’il faut des institutions qui soient à la hauteur du peuple camerounais. Nous sommes un peuple mature épris de leur pays.  Mais, cela étant dit, je pense que absolument, tant qu’on aura pas construit des institutions solides qui puissent nous accompagner, on pourra alterner comme on le voit en Guinée. Le problème est institutionnel. Avec des institutions affaiblies même le processus d’alternance pose problème.

Au Cameroun, ces institutions c’est aussi le cadre électoral. Est-ce que la grosse querelle d’abord sur l’Onel puis finalement Elecam a un sens ?

Je pense que tout système qui est contesté et qui prête à équivoque, n’est pas sain pour le processus électoral. Je pense qu’il faudrait plus regarder comment avoir les règles de base qui puissent mettre à l’aise tous les acteurs et c’est bien cela un problème depuis le lancement. Parce qu’il y a des gens qui pensent qu’il faudrait toujours donner sans donner. Faire sans faire, parce qu’il y a toujours à garder ou non, qui perçoivent très mal la carte politique. Moi je vois la carte politique sans ces micmacs. Nous avons un problème énorme  de crédibilité et de financement des partis politiques et de Out reach, c’est-à-dire d’extension. J’avais vu à l’époque dans le Sdf si vous faites une politique sans baliser le grand Nord, vu sa population importante, vous n’avez personne dans un bureau de vote. Eh bien ! Vous ne pouvez pas gagner. Il y a un pourcentage minimum que vous devez obtenir dans le grand Nord dans le cadre d’une élection nationale comme la présidentielle. Tant que vous n’avez pas balisé le grand Nord, si vous regardez la stratégie politique au Cameroun, vous allez bien vous rendre compte que le grand Nord est bien balisé au niveau des nominations des personnes qui viennent de là, c’est aussi simple que ça. Si vous vous contentez de foules que vous attirez dans les grandes villes et dont la moitié ne se trouve même pas sur le registre électoral, et si en même temps vous véhiculez les messages en disant au gens de ne pas aller s’inscrire, c’est du n’importe quoi.

Votre nom a circulé pour être tantôt président de l’Onel, tantôt président de Elecam, avez-vous tout refusé ?

Beuh écoutez ! A un moment donné, j’ai été approché certes mais je pense que la situation qu’on vient de décrire est assez compliquée pour moi. Il faut être un expert en politique camerounaise pour s’y aventurer. Pour le moment, je fais ce que je fais à l’international et ça me sied bien.

En attendant éventuellement que vous répondiez à des responsabilités nationales dans le cadre d’un gouvernement par exemple ?

Je ne sais si. Aujourd’hui j’ai 58 ans je ne sais donc pas si j’ai la mentalité d’avoir un patron politique ou quelconque. Je suis assez indiscipliné dans ma pensée et dans ma façon de faire. Je ne sais pas si je peux avoir un patron. Cela étant dit, je pense qu’il ne serait pas du tout patriotique pour un camerounais de refuser de servir son pays dans un cas comme un dans un autre. Mais je dis toujours que ce n’est pas forcement en tant que ministre qu’on sert le pays.

En tant que premier  ministre peut être ?

Je ne sais pas. Je ne vais pas commencer à choisir ceci ou cela. Je pense que le procès du Crédit foncier que je viens de faire à Washington, j’ai servi mon pays. J’y ai lutté contre les personnes qui ont complètement basé un procès sur la destruction de l’image du Cameroun. Leur relais camerounais qui voulait qu’il y ait un arrangement d’un procès complètement monté de toutes pièces, je les ai mis face à leur responsabilité de patriote. Le Cameroun ne perd pas 500 millions de Us Dollars dans ce procès.

Source : “La vérité en face”,
Equinoxe Tv, 26 septembre 2010,
Entretien avec  Valentin Siméon  Zinga,
retranscrit par Denis Kwebo|Le Jour|


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