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Daniel Abwa* : Um Nyobé et Ahmadou Ahidjo méritent d’être érigés en héros nationaux

Posted by Admin on Apr 8th, 2010 and filed under Featured, Politique. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. Both comments and pings are currently closed.

Écrit par Jacques Bessala Manga| Jeudi, 08 Avril 2010| Le Jour |

Vous venez de publier un ouvrage au moment où plusieurs pays africains commémorent le cinquantenaire de leur indépendance ? Est-ce le prétexte pertinent de ce nouvel ouvrage sur le nationalisme camerounais ?

Non ! Je vais d’emblée lever une équivoque et préciser une chose. la célébration de ce que vous appelez cinquantenaire des indépendances africaines n’a pas motivé la publication de cet ouvrage. Il s’agit d’une simple coïncidence. C’est le fruit d’une réflexion de l’historien qui a pensé qu’il était bon de retracer l’évolution du nationalisme camerounais. C’est une invitation qui m’avait été adressée à une époque qui date déjà, quand même, pour aller donner des enseignements à l’Ecole des hautes études de Paris, qui m’a inspiré l’idée de cet ouvrage. Mon collègue Elikia Mbokolo m’avait invité à aller donner un cours à ses étudiants, sur le Cameroun sous l’Union des populations du Cameroun. C’est ce qui m’a véritablement amené à penser que l’histoire de notre pays ne saurait se réduire à l’Upc. La volonté nationaliste camerounaise est antérieure à l’Upc. Il ne me semblait pas pertinent de réduire le nationalisme camerounais sous le seul prisme de l’Upc. On pouvait le remonter jusqu’à la période où les populations qui habitaient sur le territoire de ce qui est devenu Cameroun par la suite ont été au contact des étrangers, les Blancs notamment.

A quel moment précis peut-on situer ce qui s’appelle maintenant le nationalisme camerounais ?

Quand j’étais étudiant, il y avait un enseignement que nous recevions, qu’on appelait les mouvements de nationalité en Europe. Il s’agissait de revendications identitaires, qui demandaient une reconnaissance d’un peuple à travers, soit la religion, la langue, soit la volonté de vouloir appartenir à un groupe, comme ce fut le cas de la France. Cette idée qui manifeste réellement la revendication identitaire m’a poussé à penser que notre pays a été créé par une décision qui nous est étrangère. C’est une analyse partielle, voire biaisée, car, même si la part des Occidentaux dans la mise en place de la nation camerounaise est indéniable, on ne peut pas nier non plus qu’avant l’arrivée des Occidentaux, le territoire du Cameroun existait, et des hommes y vivaient. Les Occidentaux ont certes inspiré le nom. Mon analyse voudrait qu’on puisse établir la revendication nationale, c’est-à-dire que, montrer que depuis le premier contact avec les étrangers les populations du Cameroun ont toujours manifesté leur attachement à un territoire, et ont toujours exigé que des droits leur soient reconnus sur ce territoire-là. C’est, de mon point de vue, l’élément essentiel qui justifie et fonde le nationalisme camerounais.

On peut ancrer le nationalisme camerounais à quelle période, selon vous ?

C’est depuis la signature du Traité germano-douala en 1884. La tendance a voulu que l’on prête à ceux qui ont signé le Traité germano-douala l’idée d’avoir «vendu » le pays. Il faut néanmoins situer le traité dans le contexte de cette époque. Les chefs douala qui ont signé le traité étaient conscients du rapport de forces de l’époque, qui ne leur était pas favorable. Mais ils avaient pris le soin de faire figurer dans le texte des clauses qui préservaient leurs intérêts. Ils ont émis un certain nombre de réserves, ils ont abandonné une partie de leurs droits sur le territoire, mais, l’occupant allemand ne devait pas se considérer en terrain conquis. Ils ont clairement manifesté leur désir, dès 1884, de ne pas aliéner totalement leur territoire, mais ils acceptaient l’apport de l’étranger sur leur territoire. On peut donc valablement penser qu’il faut voir les fondements du nationalisme camerounais dans cette attitude des chefs Douala, qui ont exprimé leur attachement à leur territoire. Ils l’ont fait plus ou moins violemment, mais ils l’ont fait avec les arguments qui étaient ceux de leur époque.

Pourquoi le sentiment de trahison continue-t-il alors de prospérer lorsqu’on évoque ces accords germano-douala ?

Vous savez qu’il y avait un rapport de forces qui était assez inégal. Une présence militaire étrangère s’est installée sur notre territoire à cette époque-là. Et tous ceux qui ont participé à l’établissement de la puissance étrangère étaient considérés comme des traitres. Mais il faut comprendre le contexte qui prévalait. Les peules qui habitaient le territoire du Cameroun avaient des différends entre eux. Ils ont pensé recourir à l’étranger pour les aider à résoudre le problème qui les opposait. Malheureusement, l’étranger a outrepassé le cadre de la collaboration que les populations autochtones lui avaient concédé, aidés qu’ils l’étaient par la puissance de ses forces armées. C’est d’ailleurs la cause des premières guerres de résistance. Les populations camerounaises ont refusé d’aliéner leur liberté et leur patrimoine, et sont entrées en conflit armé avec l’occupant allemand.

Au sujet de ces guerres de résistance, certains ont estimé qu’elles n’étaient pas assez vigoureuses. Ce qui semble créditer le déni de nationalisme qui prospère dans une certaine opinion. Qu’en dites-vous ?

Je ne partage pas ce point de vue. La résistance en Afrique en général a été confrontée à plusieurs facteurs qui variaient d’un territoire à l’autre. Figurez-vous que l’Afrique sortait d’une longue traite négrière qui a déporté le meilleur de la population qui aurait pu constituer une armée de résistance. Les forces étaient, tout juste, en pleine reconstitution. Dans un autre sens, les armées européennes avaient avec elles la puissance de leurs armes à feu. Ce qui n’était pas le cas des forces africaines. Si vous ajoutez à tout cela le fait que les populations africaines ont été dressées les unes contre les autres. Les soldats européens étaient de simples encadreurs, mais le gros des combattants était constitué de soldats autochtones aux ordres de l’étranger. Les Africains n’ont pas pu prendre l’occupant comme ennemi commun. Il n’y a pas eu d’unité dans la résistance. Chacun a essayé d’agir dans son petit coin, pactisant parfois avec l’occupant, mais il n’y avait pas d’action concertée. Dans les années 1913, le plus célèbre des résistants camerounais, Douala Manga Bell, le premier Camerounais qui a amorcé le mouvement de résistance à l’échelle de ce qui se dessinait comme le territoire du Cameroun, avait commencé à envoyer des émissaires pour organiser la résistance de façon collective. Mal lui en a pris. Il a été simplement pendu, lâché par d’autres Camerounais qui, non seulement, n’ont pas aidé son initiative à prospérer, mais ne se sont pas rendus solidaires de la cause nationaliste que défendait Douala Manga Bell. Les résistances ont été vaincues militairement, mais aussi, il y a eu des collaborations internes qui ont aidé l’occupant allemand.

A propos de collaboration. Il y a des acteurs de notre histoire qui ont aidé les Allemands à s’implanter, mais qui sont souvent présentés comme héros. Pourquoi cette confusion entre ceux qui ont combattu l’occupant et ceux qui l’ont aidé à s’implanter ?

Il faut, comme je vous l’ai déjà dit, remettre toutes ces choses dans le contexte de l’époque. Il y en a qui ont pris les armes pour refuser l’annexion de notre territoire par l’occupant. Des noms sont connus, à l’instar de Nguelemendouka, Mbartoua dans la zone de l’Est, Manimben Tombi, Somo ma Mbock, tous les Ngila dans la zone du Centre, Mahaman Lamou du lamidat de Tibati, etc. qui ont résisté. Mais cette résistance, qui n’était pas coordonnée, a amené certains Camerounais à penser que tant que l’occupant n’était pas dans leur région, ils pouvaient lui apporter leur contribution, sans avoir l’impression de porter un tort à leurs frères de peau. Ils ont donc combattu leurs frères de peau aux côtés de l’occupant allemand. Est-ce que leur attitude les assimile à des traîtres ? De prime abord, on peut le penser, parce qu’ils ont porté des armes contre leurs frères. Mais, est-ce qu’ils sentaient qu’ils ont affaire avec leurs frères ? Rien n’est évident. Là, se pose un questionnement, qui n’enlève en rien la vérité historique d’avoir pris partie contre les indigènes locaux qui leur ressemblaient, d’avoir préféré traiter avec le Blanc.

Ceux des autochtones qui ont combattu leurs frères Noirs peuvent-ils, pour une raison ou une autre, être considérés, au même titre que les résistants, comme des nationalistes ?

Non. On ne peut pas les mettre dans le même panier. Celui qui a pris ses armes pour protéger son territoire ne peut pas être considéré au même titre que celui qui a pris ses armes contre ses frères. Ils sont fondamentalement différents. Seuls ceux qui ont pris leurs armes pour défendre leur territoire, ceux qui ont refusé l’annexion, méritent d’entre au panthéon dans notre pays. Je crois que le nationaliste, c’est celui qui a résisté. Je vais vous prendre l’histoire d’un pays qui nous est très proche, la France. En France, entre le général De Gaulle et le maréchal Pétain, il n’y a pas photo. Pour les Français, il est clair que, pour le maréchal Pétain qui a collaboré, il n’y a pas de symboles qui rappellent son souvenir. Par contre, pour le général De Gaulle qui a résisté après l’invasion de son pays par les Allemands, je ne sais pas s’il y a beaucoup de villages qui n’aient pas de place, de rue dédiées à l’homme du 18 juin 1940. C’est une réalité commune à tous les peuples du monde. Ceux qui ont défendu la nation sont célébrés, et on les considère volontiers comme des nationalistes. Les autres qui ont collaboré avec l’ennemi, sont considérés comme collaborateurs, voire comme traîtres.

Qui doit être considéré comme nationaliste dans le contexte camerounais ?

Quand les Camerounais commencent à penser qu’ils doivent bouter hors de leur territoire les étrangers qui veulent les déposséder de leurs terres, qui veulent les maintenir sous le joug colonial, il est évident que le sentiment nationaliste est naissant. Mais, le Cameroun a une particularité, c’est qu’il est facile de dresser les uns contre les autres. Les actes posés par les résistants ont été combattus par d’autres populations autochtones. On n’a jamais su parler d’une même voix. On a toujours su opposer des Camerounais aux Camerounais, parfois pour des objectifs qui ne sont pas camerounais. Il y a des Camerounais qui n’ont pas partagé ce sentiment nationaliste, et qui ont posé des actes qui n’ont pas été à la hauteur de la grandeur de notre pays. C’est une réalité historique qu’il faut rappeler et accepter malgré nous. Ici, comme ailleurs, on connaît des rois fainéants, qui participent de leur histoire. On ne peut pas les bannir de l’histoire de ce pays, même s’ils n’y ont pas participé de façon positive. Mais, il faut donner à chacun la place qui a été sienne. Il faut dire qu’untel a collaboré, et qu’untel autre a résisté. Malheureusement, depuis la période coloniale, on a fait croire aux Camerounais, et aux Africains en général, que la tendance et la grandeur sont à la collaboration. C’est vrai que, dans la collaboration, le bénéfice pour l’individu est évident, mais globalement, la nation et le peuple y perdent énormément.

Quelle différente fondamentale entre les deux périodes du nationalisme camerounais?

A la première période du nationalisme camerounais, la vision nationaliste se limitait à la conscience aiguë d’un territoire commun qu’il fallait défendre, chacun dans son coin. Les Douala, qui ont commencé par défendre leurs terres, ont progressivement pensé que le problème de la terre pouvait être étendu au reste du territoire camerounais. C’est peut-être là les germes de l’échec de la résistance Douala, à laquelle les autres tribus camerounaises n’ont pas adhéré. Il y avait, dans cette première phase, ce que j’appelle « protonationalisme ». Dans la seconde période du nationalisme camerounais par contre, on ne pensait plus tribu, communauté ou territoire seulement. L’idée d’un Cameroun était plus visible. On partageait déjà le sentiment d’appartenir à une même réalité historique. Le colon avait réussi à créer des entités géographiques, territoriales, politiques et administratives camerounaises. Qu’il s’agisse de la partie camerounaise administrée par l’occupant anglais, ou celle administrée plutôt par l’occupant français, il y avait des symboles qui étaient partagés par la population. Et l’un de ces désirs a été sans doute l’indépendance. Par la suite, ce fut la réunification des deux entités. Les acteurs de l’émergence de ce sentiment collectif, ceux qui se sont battus peuvent être considérés comme nationalistes. Ils ont pris le contre-pied du colon, se sont opposés à lui, par les idées et par les armes. D’autres, par contre, ont choisi d’emprunter d’autres voies pour atteindre le même but. En choisissant d’atteindre le même résultat en complicité avec le colon, selon un calendrier qui leur était dicté par le colon, d’aucuns les appellent nationalistes modérés, traîtres. Ce que le Cameroun est devenu participe aussi de leur action. Le Cameroun d’aujourd’hui est le fruit de l’action conjuguée de ceux qui ont lutté, voire payé de leur sang, et de ceux qui ont négocié. Qui est le plus méritant d’entre ceux qui ont lutté et ceux qui ont négocié, je ne saurai le dire. Mais je saurais que leur action a poussé le colon à quitter le territoire du Cameroun.

On constate que le sentiment nationaliste des Camerounais semble régresser, alors qu’il avait atteint des seuils intéressants. Pourquoi cette reculade ?

Il faut dire que les replis identitaires ont refait surface avec la réinstauration du multipartisme dans les années 90. Les leaders politiques ont pensé que chacun devait avoir son « village électoral » pour reprendre une expression chère à un des mes anciens collègues décédé. C’est chacun qui voulait constituer un pré carré, pour s’assurer les voix des populations qu’il considérait comme acquises à sa cause. Ces replis identitaires sont à mettre en parallèle avec le retour du multipartisme. Ça n’a pas aidé le pays à renforcer l’identité nationale qui existait déjà. Chacun a commencé à revendiquer un Cameroun qui serait à l’image de son village, de sa tribu, de sa communauté. C’est une évolution dommageable de l’histoire de notre pays, où on a sacrifié l’idée de l’unité nationale à l’autel du tribalisme. Le multipartisme est venu complexifier la situation. Certains partis politiques n’ont d’obédience que régionale, et ne se reconnaissent qu’à travers leur famille. Il n’y a pas d’idéologie qui soutend l’action des partis politiques depuis les années 90. C’est pourquoi le Rdpc donne l’impression d’être un parti national, comparé à tous les autres. Parce qu’il a une présence effective sur l’ensemble du territoire national, il a tendance à être dominant.

Pour revenir à l’actualité du cinquantenaire des indépendances africaines, quelle date faut-il considérer pour célébrer cet événement, compte tenu de la diversité des repères historiques du Cameroun ?

Le Cameroun est devenu indépendant le 1er janvier 1960. La communauté internationale a consigné comme telle la date d’indépendance de notre pays. Mais, seulement, à cette date du 1er janvier 1960, compte tenu des particularismes de l’histoire du Cameroun, à savoir deux territoires sous administration séparée de la France et de la Grande-Bretagne, la partie sous administration britannique n’avait pas acquis son indépendance. La division opérée depuis 1916 n’avait pas encore été abolie. La partie occidentale du Cameroun, jusque-là sous administration britannique, ne va accéder à l’indépendance que le 1er octobre 1961, sous la pression de l’ensemble de la population camerounaise. C’est pourquoi, pendant longtemps, on a célébré deux indépendances au Cameroun, le 1er janvier et le 1er octobre. Compte tenu d’un certain nombre de contraintes, et surtout de pesanteurs politiques qui continuaient de peser sur l’administration du pays, le génie des Camerounais a été tel que, pour réunifier les deux Cameroun indépendants, il fallait en créer une nouvelle. C’est pourquoi la création de l’Etat unitaire, le 20 mai 1972, restera, et c’est mon intime conviction, une date fondatrice de la nation camerounaise que nous avons aujourd’hui. Il s’agissait de réconcilier les Camerounais sur les deux rives du Moungo, avec leur histoire qui était désormais imbriquée, avec leurs destins qui étaient désormais liés. C’est tout à l’honneur de notre pays. C’est pour cela que, et le président de la république l’a dit, même si nous célébrons le cinquantenaire en cette année 2010, il n’est pas superflu de continuer les célébrations l’année prochaine, parce que notre histoire est ainsi écrite. Le Cameroun de 1960 et celui de 1961 se sont entendus pour créer la République unie du Cameroun.

Le cinquantenaire va consacrer la reconnaissance de la nation à l’endroit de quelques-uns de ses enfants. Quel est, pour vous, le profil du héros national?

Le paradoxe du Cameroun réside aussi dans l’incapacité à ne pas restituer les événements dans leur contexte. Le critère de sélection de ceux que nous allons ériger en héros nationaux ne doit pas être dissocié du  contexte. Les actes posés par un individu en 1940 peuvent être contestés en leur époque, mais 50 ans plus tard, les mêmes actes peuvent avoir influencé de façon positive la vie du Cameroun. Si, dans la critériologie de désignation des héros nationaux, on n’intègre pas la donnée temporelle, on aura fait un mauvais casting. La durée permet de revisiter les différentes postures que les hommes ont pu avoir durant leur action publique. Pour reprendre une pensée répandue, « l’homme est divers et ondoyant ». C’est-à-dire que l’homme qui a posé un acte en 1950 peut être taxé de « trahison ». En 1970, le même personnage peut poser  un acte et être érigé en héros.

Quels risques peut-il y avoir de faire des oubliés de l’histoire du Cameroun ?

Il peut y avoir un oubli à un moment donné. L’histoire se crée au fur et à mesure qu’on entre en possession des traces laissées par les acteurs. Elle s’écrit patiemment, en fonction de ces traces. Tant qu’on n’a pas retrouvé toutes les traces qui peuvent plaider pour un personnage donné, on peut avoir des oublis. Mais, ceux qui pensent qu’on peut échapper à l’histoire se trompent. Les oubliés d’aujourd’hui peuvent apparaître au-devant de la scène demain, et être reconnus par leurs pairs. A partir des faits qui seront établis, ils peuvent retrouver leur place dans le panthéon national.

Comment faire reculer les replis identitaires qui menacent le sentiment nationaliste camerounais ?

Notre constitution a quelque chose de formidable, c’est la protection des minorités nationales.  Être minoritaire au Cameroun, d’après notre constitution, n’est pas un élément d’exclusion. Il y a également la méritocratie. Il faut donner à chaque Camerounais selon ses mérites. Dès lors que des Camerounais font la preuve de ce qu’ils savent faire, partout où ils se trouvent, il est normal qu’ils soient récompensés en retour. Dans la même idée, il faut développer le sentiment de solidarité et de générosité. Il n’est pas normal qu’une minorité accapare l’entièreté des privilèges et des avantages de leur position sociale ou professionnelle, au détriment de la majorité.

Que vous inspire la décrépitude de l’Union des populations du Cameroun, un parti politique qui a longtemps incarné le nationalisme camerounais ?

Je crois que l’Union des populations du Cameroun connaît ses problèmes, parce que ceux qui se réclament être ses leaders ont perdu le charisme des pères fondateurs. Ils ont botté en touche l’idéal des premiers Upécistes, qui n’était pas un idéal tribal ou régional, mais plutôt un idéal national, celui d’un pays debout, fier de sa diversité. Les nouveaux leaders de l’Upc n’ont pas cet idéal. C’est pourquoi on entend parler d’Upc-K, Upc-N, etc., qui n’étaient pas les valeurs de l’Upc originelle. Um Nyobé a été un leader charismatique et respecté que chacun d’eux veut incarner, sans en avoir ni la carrure, ni la capacité. En plus de cela, l’Upc subit les effets de l’usure. Le conflit des secrétaires généraux de l’Upc est né immédiatement après la disparition de Um Nyobé, où chacun de ses successeurs a voulu vivre dans la peau de quelqu’un qui n’est plus. Aucun d’eux ne veut vivre l’Upc dans sa création et dans sa tête sans penser à incarner quelqu’un qui est déjà parti et qui a vécu l’Upc à un autre moment de l’histoire. Le jour où les Upécistes vont penser leur parti dans l’actualité, une Upc ancrée dans l’environnement actuel, mais avec les valeurs anciennes de l’Upc, à ce moment et à ce moment seulement, l’Upc sortira de l’ornière.

50 ans pour un Etat, est-ce beaucoup ou peu, pour faire entrer les acteurs dans le panthéon de l’histoire ? Pensez-vous qu’il est judicieux d’ériger des héros nationaux de leur vivant ?
Non, de leur vivant, ce serait une hérésie de faire entrer des gens dans le panthéon. Sinon, tous ceux qui ont une quelconque position de pouvoir pèseraient de leur poids pour imposer leur présence à ces fins-là. Dans aucun pays au monde, on n’a fait des héros vivants. On est presque toujours un héros mort. C’est après vous, après votre mort qu’on peut valablement évaluer votre importance pour votre communauté, que l’on peut valablement juger les actes que vous avez posés. Mais, on peut témoigner à quelqu’un la reconnaissance de l’Etat de son vivant. Et l’Etat le fait à travers les décorations et autres distinctions honorifiques décernées à des citoyens qui ont posé un acte positif. Une performance sportive, une découverte scientifique, un travail bien accompli, un acte de bravoure quelconque pour la communauté, une œuvre sociale pérenne, sont autant de motifs pour décorer un individu de son vivant. Mais pareille reconnaissance ne fait pas de vous un héros national, seulement quelqu’un envers qui la nation manifeste sa reconnaissance. Le héros doit pouvoir être jugé sur la durée, et non sur un acte isolé.

Quelques noms qui vous viennent à l’esprit, et que l’on peut appeler héros nationaux…

C’est une véritable colle. Je vais parler de ceux qui ne sont plus. Je vais, sans hésitation, dire qu’Um Nyobé est un héros national. Il a porté la voix du Cameroun à l’extérieur, pour revendiquer ce que nous célébrons aujourd’hui, le cinquantenaire de l’indépendance. Il en est mort, et il mérite, de mon point de vue, d’être élevé au rang de héros national. Il y a Ahmadou Ahidjo, le premier président de la République a géré le Cameroun pendant 25 ans, à une époque où l’exercice de cette lourde charge n’était pas évident aux lendemains des luttes d’indépendance et autres revendications politiques. Je peux y ajouter tous les autres résistants, Douala Manga Bell, Martin Paul samba, Nguila, Nguelemendouka, etc.

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