Défiance : Les ministres boudent le Premier ministre

Le 2 février 2010, le chef du gouvernement faisait parvenir à 33 ministres sur 36 (hors mis les ministères dits de souveraineté comme la Défense ou les Relations extérieures), le tableau de bord de leurs activités. Le point commun de ces différentes prescriptions intitulées « feuille de route pour l’exercice 2010 » était la gouvernance interne et l’administration générale. Sur ces points, Yang Philémon instruisait un train de mesures à prendre dans le sens de rendre plus efficace l’administration. Aussi prescrivait-il : « La ponctualité et l’assiduité des agents publics en instaurant un système de contrôle électronique ou biométrique des présences susceptibles d’être relié au logiciel de traitement de la solde » ; mais aussi la systématisation des « quotas mensuels du téléphone, conformément à la réglementation en vigueur », l’installation des robinets poussoirs avec interrupteurs avec minuterie dans les espaces communs ; l’inventaire détaillé du parc automobile des services déconcentrés. Tout ceci assorti d’un état d’affectations : l’instauration d’une procédure de suivi informatisé du courrier et des dossiers en traitement ; veiller à ce que les inspecteurs généraux procèdent à l’audit de la « fonction ressources humaines telle que mise en œuvre par chaque département ministériel ». Pour s’assurer que ses ministres respecteraient ses prescriptions, le Premier ministre (Pm) les prévenait que ses « services procéderont à une évaluation des résultats obtenus au terme du premier trimestre ». C’est-à-dire en fin juin 2010.

Rendu sur le terrain près de trois mois après ce délai, le reporter du Messager peut observer que le degré d’application des mesures prescrites par le Pm est faible. Cela, eu égard à l’inspection de celles les plus faciles à vérifier comme l’installation d’un système de contrôle électronique ou biométrique des présences susceptible d’être relié au logiciel de traitement de la solde et l’installation des robinets poussoirs avec interrupteurs et minuterie dans les espaces communs. Seuls quelques ministères sur le 33 comme ceux en charge du Développement urbain et de l’habitat ; de la Jeunesse ; de l’Economie sociale, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises ; des Transports ; du Travail sécurité et de sociale se sont arrimés à la nouvelle donne. Les autres estiment (sous cape) que ces mesures sont quasi inopportunes. Avant d’avancer « la raison officielle de ces manquements » qui résident dans les difficultés budgétaires. « Nous n’avons pas d’argent pour réaliser tout cela», fulmine un directeur des affaires générales (DAG) d’un des ministères logés au complexe ministériel no 2. Si ce fonctionnaire explique cette carence par des questions de trésorerie, des agents à ses services jugent très impopulaires la mesure prise par le Pm.

Sanctions

C’est à peu près l’avis d’un cadre de la cellule de communication du ministère de l’Enseignement supérieur qui pense que le contrôle de l’assiduité des agents publics ne passe forcément pas par des mesures électroniques ou biométriques. « Nous appliquons la vieille méthode des fiches de présence ici et ça fonctionne pas mal », clame-t-il avant de se plaindre qu’il n’y ait pas de régime de sanctions prévues en amont par le Pm. Ailleurs, comme au ministère de la Justice, ce sont les magistrats qui ont refusé de se soumettre à cette exigence.

Pour ce qui est de l’instauration d’une procédure de suivi informatisé du courrier et des dossiers en traitement, rien n’est visible dans les administrations. Là-bas, on semble très attaché au traitement manuel tant décrié par le chef du gouvernement. S’agissant du reste, à savoir l’inventaire détaillé du parc automobile des services déconcentrés, assorti d’un état des affectations, et l’audit par les inspecteurs généraux « de la fonction ressources humaines telle que mise en œuvre par chaque département ministériel », des sources internes relevent de l’échantillon de 15 ministères choisis pour l’enquête (sur cet aspect) se contentent d’affirmer que « les projets sont en cours », comme ils le sont pour le gros des prescriptions du Pm. Contactés, des proches collaborateurs de Yang Philémon qui ont requis l’anonymat ne cachent pas avoir remarqué que le taux de réalisation de la feuille de route 2010 (pour ce qui est de la gestion des ressources) est très faible. Mais préviennent-ils, les ministres seront jugés en fonction du tableau de bord de leurs activités « puisque copie avait été transmise à la présidence de la République ». Pourtant, le sujet de l’exécution de la feuille de route n’avait pas été abordé au cours du conseil de cabinet du mois de juin 2010, période fixée par le Pm pour une première évaluation. Philémon Yang aurait-il choisi la politique de l’autruche pour ne pas perdre la face ?

Rodrigue N. TONGUE|Jeudi 23 septembre 2010 | Le Messager