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Discours de Jean Michel Nintcheu à l’occasion des obsèques de Pius Njawe

Posted by Admin on Aug 9th, 2010 and filed under Politique. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. Both comments and pings are currently closed.

Je tiens à vous faire part de l’émotion qui m’étreint au moment où nous nous préparons à l’ultime séparation avec Pius.Je pense tout d’abord à l’immense douleur que ressent sa famille et surtout ses enfants auxquels il était si profondément attaché. Je partage leur peine.Je pense également à tous ses collaborateurs du journal Le Messenger qui, sous sa houlette, ont pu durant trente années maintenir le cap tout en ne dévoyant pas le journal de sa ligne éditoriale originelle.Je pense à la corporation des journalistes qu’il quitte à la fleur de l’âge, au moment où ses confrères avaient de plus en plus besoin de son expérience pour aiguiser leurs plumes.

Mon cher Pius,

En ce moment de grandes émotions, les mots me manquent pour exprimer nos aventures communes. Ton engagement pour l’intérêt général, tu l’as épousé depuis longtemps. Tu as été le précurseur de la lutte pour le changement au Cameroun.

En Janvier 1991, tu es arrêté en compagnie de Célestin MONGA, pour avoir publié – comble de courage à l’époque – un pamphlet contre Mr BIYA, qui prétendait avoir apporté la démocratie au Cameroun. Nous créons immédiatement un Comité de libération de Pius NJAWE et Célestin MONGA qui deviendra par la suite Comité pour l’Action Populaire et la Liberté (CAP-LIBERTE). La mobilisation est si forte que le régime néocolonial de Yaoundé se voit contraint, pour la première fois, de capituler à travers la relaxe formulée par le juge. Cet acte héroïque marque le début de la grande période de contestation de la décennie 90.

La même année, l’imprimerie ROTOPRINT qui édite la quasi-totalité des journaux à capitaux privés est régulièrement assiégée par la soldatesque. Etant en possession d’informations capitales, tu décides que le journal doit paraître vaille que vaille. C’est ainsi que nous passons trois nuits ensemble à procéder au tirage clandestin d’une édition du journal qui, faut-il le rappeler, était un hebdomadaire à l’époque des faits. Les travaux de finition tels que le pliage sont extrêmement fastidieux en raison de ce que mon imprimerie ne dispose pas de rotative mais plutôt d’une offset traditionnelle. Nous sommes obligés de travailler uniquement la nuit avec les éléments les plus sûrs parce que la plupart de mes propres employés ont été retournés par le Cener où ils émargent.

A la veille de la présidentielle de 1992, tu me remets le manuscrit d’EBALE ANGOUNOU, convaincu que la sortie de ce livre mettra en difficulté le régime de Yaoundé et facilitera l’élection du candidat du peuple. Je ne parviens pas à m’acquitter de cette exaltante mission par ce que les barbouzes ont décidé de mettre fin par tous les moyens au jeu de cache – cache  qu’on se livre depuis un certain temps en occupant nuit et jour mon imprimerie, m’imposant de ce fait un congé forcé. Tous nos déplacements sont systématiquement épiés par les agents des renseignements généraux. Ton courage et ta témérité légendaires permettent néanmoins la sortie effective de ce livre explosif.

En Décembre 1997, l’évocation par Le Messager du malaise présidentiel au cours de la finale de la coupe du Cameroun conduit à ton déferrement à la prison centrale de New – Bell. Nous créons à cet effet  un Comité dont la première action est une rencontre avec les autorités pour qu’ils te permettent de passer les fêtes de fin d’année avec ta famille. Face à leur refus obstiné, nous initions une marche en direction de ce centre pénitentiaire pour exiger ta libération. Cette initiative téméraire nous vaut de passer la nuit de la Saint Sylvestre dans les cellules du Commissariat du premier arrondissement en compagnie d’autres compagnons d’infortune comme DJEUKAM TCHAMENI et Anicet EKANE.

Comment ne pas évoquer devant ta dépouille les émeutes de Février 2008 où tu m’appelles dans la nuit du 24 au 25 pour me donner des informations stratégiques qui m’ont certainement sauvé la vie.

Mon cher Pius,

Tu étais le symbole du courage et de la détermination.
Combien de fois n’as-tu pas été convoqué au Cener ou à la DGSN ? Combien de fois n’as-tu pas séjourné dans les cellules infectes des commissariats ? Combien de fois n’as-tu pas comparu devant les juges ? Combien de fois n’as-tu pas déjoué les complots dirigés contre toi ?

Tout cela par ce tu as refusé de t’enfermer dans la caverne de la corruption et de la pensée unique. Tout cela parce que tu as choisi d’informer tes compatriotes sur les problèmes et les travers de notre société. Tu as mené de nombreuses enquêtes qui ont conduit à la publication de nombreux articles qui ont permis de démanteler des réseaux mafieux et d’ébruiter des assassinats programmés.

Cher ami,

Je garde de toi le souvenir d’un ami particulièrement attachant, à l’intelligence rare, au tempérament chaleureux et entier. Tu as toujours défendu tes idées sans bassesse et sans la moindre compromission. Tu as été un homme de talent, un esprit libre viscéralement pénétré par l’idée de la Nation.

Je retiens aussi de toi l’image d’un ami qui avait foi en la République. Toute ta vie, tu as véhiculé des valeurs et des idéaux républicains. Tu n’avais pas d’ennemis. Tu étais plutôt l’ennemi juré des forces rétrogrades. Ton plus grand ami par contre, c’était la République.

Mon cher Pius,

Nous nous sommes rencontrés pour la dernière fois le Mardi 29 Juin à une réception à l’hôtel des députés en l’honneur de certains fonctionnaires qui faisaient valoir leurs droits à la retraite. Après avoir fait un tour d’horizon des problèmes du pays, nous avons évoqué le forum  de Washington initié par la Camdiac. Rencontre à laquelle nous étions tous les deux conviés. Ton souhait était que nous fassions le voyage ensemble. Je t’ai signifié mon indisponibilité pour cause de session parlementaire et surtout de délai très court imparti entre l’invitation et le début du forum. Quand tu m’as fait part de nombreuses menaces que tu subissais par le biais d’appels téléphoniques anonymes qui s’étaient de plus en plus intensifiés, j’ai essayé autant que faire se peut de te prodiguer des conseils de prudence. Tu m’as répondu avec un grand éclat de rire – dont tu avais seul  le secret – que je devrais faire miens ces conseils. Tu m’as dit : « Jean Michel, est ce que je suis plus imprudent que toi ? La peur est un sentiment dont on doit faire abstraction quand on s’engage pour une cause juste. Il faut résister aux effets paralysants de la peur ».

Pius,

Tu as eu 53 ans cette année. Tu pars à un moment où le peuple camerounais a tant besoin de toi. Est- ce un âge pour mourir pour un symbole comme toi ? Cette question, je me la pose depuis que la triste nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre le Mardi 13 Juillet au petit matin.

L’ostracisme en matière de liberté, la répression des manifestations et l’interdiction des réunions de concertation dans notre pays sont les principales raisons qui t’ont amené à te rendre aux Etats – Unis pour participer à un forum dont l’objectif était de rechercher des voies et moyens pour l’avènement d’un Cameroun nouveau débarrassé de la dictature.

La récurrence des menaces de mort que tu as subies de manière intense quelques jours avant ton départ, renforce ma conviction que ta mort n’est pas un banal accident de circulation. Personne ne me fera croire que tu as quitté le Cameroun pour aller mourir sur une autoroute à huit voies en Virginie. Ta mort porte la signature des forces obscures du régime criminel de Yaoundé. Ton assassinat est manifestement un ballon d’essai lancé par un régime aux abois.

Cher ami,

Tes bourreaux t’ont tué une deuxième fois en organisant une mise en scène ubuesque au cours de laquelle ils ont remis devant les cameras pour le compte de tes obsèques la minable somme de 10 millions de francs CFA. L’objectif inavoué de ce pouvoir diabolique était de salir ta mémoire. Ils ont lamentablement échoué dans leur sale besogne. Cette somme est manifestement le reliquat de l’argent des différents festins organisés dans les salons feutrés depuis l’annonce de ton décès.

De ton vivant, ils t’ont toujours persécuté. Maintenant que tu es mort, ils font semblant de t’encenser en se livrant à une danse macabre autour de ta dépouille. Une fois tes obsèques terminées, ils chercheront à tuer ton journal.

Si ces adeptes du vaudou avaient eu la moindre considération pour tes œuvres et ta personne de ton vivant, ils ne t’auraient pas injustement jeté en prison et en cellule plusieurs fois de suite. Le Messager n’aurait pas fait l’objet de censures et de saisies permanentes et arbitraires. Ils n’auraient pas tué dans l’œuf ta radio Freedom FM.

A tous les commanditaires de ton assassinat
A tous ceux qui, toute honte bue, te décoreront à titre posthume avec de réels talents de comédien.
Je tiens simplement à leur rappeler ceci : tôt ou tard, vous paierez pour vos nombreux crimes qui sont par ailleurs imprescriptibles.

A toi, mon cher ami

Tu n’es plus physiquement parmi nous, mais tes œuvres continueront de nous enseigner ce qu’il faut faire pour notre pays, le Cameroun.
Ton sacrifice sera une source d’inspiration permanente pour tous les combattants de la liberté tant dans notre pays que dans le monde entier.
D’autres sacrifices seront sans doute encore nécessaires avant que ce pays ne soit totalement libéré.

Je fais le serment que je poursuivrai la lutte pour le changement véritable qui était ta raison d’être et pour laquelle tu as fait don de ta vie.

Pius,

Repose en paix. Que la terre du Cameroun en quête de liberté que tu as vaillamment défendue tout au long de ta vie, te soit légère.
ADIEU Combattant.


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