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Issa Tchiroma piégé !

Posted by Admin on Aug 17th, 2009 and filed under Politique. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. Both comments and pings are currently closed.

Le Messager

Par Par Alexandre T. DJIMELI

Le ministre de la Communication est dans l’embarras. Dès ses premières communications publiques après son entrée au gouvernement le 30 juin 2009, il s’est montré préoccupé par la situation de la presse qui, dans son ensemble, n’a pas assez de moyens pour remplir correctement sa mission. Il a officiellement promis de redorer le blason des médias et de promouvoir la liberté de la presse. Mais aujourd’hui, des pressions de la présidence de la République, de la Primature, du ministère de l’Administration territoriale, et même de la Délégation générale à la Sûreté nationale lui font prendre des décisions liberticides. Mais en politique on assume ; on souffre souvent et meurt sans parler, comme le loup stoïque d’Alfred de Vigny. M. Tchiroma apprend aujourd’hui à ses dépens que bien de choses ne dépendent pas de lui, surtout pas le fonctionnement d’entreprises audiovisuelles.
Vendredi 07 août, Sky One Radio à Yaoundé n’a pas pu diffuser l’émission « Le Tribunal » en raison d’une injonction du ministre qui demande de mettre fin à l’existence du programme. La semaine écoulée, le même Issa Tchiroma a envoyé aux rédactions deux correspondances. La première est relative à la célébration du premier anniversaire du transfert définitif d’autorité au Cameroun sur la presqu’île de Bakassi le 14 août. Elle demande aux médias de consacrer leur traitement de cette actualité au rapprochement pacifique des peuples camerounais et nigérians. La seconde, quant à elle, a trait au traitement de la campagne présidentielle au Gabon. La correspondance interdit aux médias de poser les questions qui les intéressent de peur, croit savoir le ministre, que l’opinion ait l’impression que le Cameroun a une préférence parmi la vingtaine de candidats.
Ces actes sont l’objet d’un vaste débat dans la République. A Douala le week-end, deux tendances étaient perceptibles : d’une part ceux qui pensent que le ministre a raison, et d’autre part ceux pour qui il n’est qu’un génocidaire de la liberté de presse et, plus généralement, d’expression.
Au sens du décret du 03 avril 2000 fixant les conditions de création et d’exploitation des entreprises privées de communication audiovisuelle, le ministre de la Communication est le régulateur principal de ce secteur. Il délivre des licences (art.8), contrôle le fonctionnement des entreprises – respect des cahiers de charges et des conditions techniques d’exploitation (art. 23, 24), peut suspendre la licence ou la retirer (art.49) et est même compétent pour connaître des différends entre les entreprises de communication audiovisuelle. Il a donc un pouvoir d’autorisation, d’injonction, d’arbitrage et de sanction. Par ailleurs, le ministre de l’Administration territoriale peut lui demander, au regard d’une menace de trouble à l’ordre public, de suspendre ou de fermer une chaîne. Pour ceux qui défendent les actions du ministre, il aurait agi sur la base de ce dispositif réglementaire.
En reconnaissant unanimement que « Le tribunal » de Sky One enfreint gravement la déontologie de production et diffusion de contenus médiatiques, ceux qui ne sont pas d’accord avec M. Tchiroma expliquent que ses actions ne cadrent pas avec la réglementation. Pour eux, c’est le ministre de l’Administration territoriale qui devait inventer un motif de menace de trouble à l’ordre public pour suspendre l’émission ; ou alors le ministre de la Communication devait saisir la justice afin qu’elle agisse.
Au Cameroun, seules quatre entreprises audiovisuelles (Canal 2, STV, Sweet Fm, et TV +) sont à ce jour titulaires d’une licence en bonne et due forme. Les quelque 300 sociétés audiovisuelles fonctionnent encore sous « tolérance administrative ». Au cours d’une réunion à laquelle ont participé plusieurs membres du gouvernement et assimilés – le PM prêtait lui-même une oreille très attentive à cette situation –, il a été démontré à M. Tchiroma que la seule façon de barrer la voie à Sky One sans être en porte-à-faux avec les principes d’égalité de tous devant l’administration (référence à la tolérance administrative acquise aux autres chaînes) et d’inviolabilité de l’indépendance éditoriale c’est de fermer purement et simplement la station. Selon nos informations, la décision de fermeture de cette radio a été prise donc jeudi dernier.
En attendant de voir ce qui va se passer avec Sky One, les pourfendeurs du ministre ex-opposant-ami-des-médias estiment qu’il a voulu grossièrement intervenir dans l’orientation des contenus médiatiques, ce qui est inacceptable dans la profession de journaliste. Ces derniers s’appuient notamment sur l’article 10 de la Charte des devoirs et des droits des journalistes adoptée les 24 et 25 novembre 1971 à Munich pour dire que les médias doivent « refuser toute pression et n’accepter de directive rédactionnelle que celle des responsables de la rédaction. » Cette prescription est reprise en d’autres termes dans presque tous les Codes de déontologie dont celui adopté le 19 octobre 1996 à Douala par l’Union des journalistes du Cameroun.
A l’intersection de ces points de vue, se pose la question centrale de la régulation des médias au Cameroun. Même dans une économie libérale, les médias comme entités économiques ne sont pas simplement soumis aux violentes règles du marché. Ils sont nécessairement régulés. La régulation a pour objectif de protéger l’intérêt général, d’assurer un développement économique harmonieux des médias, de consolider la démocratie en promouvant le droit du public à l’information, etc. Pour qu’elle soit efficace, la régulation est souvent confiée à un organisme neutre, ayant une personnalité juridique et une autonomie financière. Cet organisme filtre donc les entrées selon des règles démocratiquement établies, contrôle, sanctionne, …sans toutefois interférer sur les orientations éditoriales d’un média.
Le problème au Cameroun vient de ce que la régulation est assurée par un ministre idéologiquement trop coloré, dont les actions cachent un agenda parfois politique. La fermeture de Freedom Fm est un cas d’école. Refuser d’organiser véritablement les médias devient une stratégie du gouvernement pour faire pression, dans le sens d’imposer à un média ce qu’on veut.
Il est sans doute nécessaire aujourd’hui, pour échapper à l’arbitraire, de créer une structure de régulation neutre et autonome. La meilleure régulation étant celle des pairs, on pourrait ressusciter le Conseil camerounais des médias dont les prouesses ont fait long feu. Et si le gouvernement ne veut pas de régulation par les pairs, il est possible d’autonomiser le Conseil national de la communication en changeant son statut, en faisant voter son budget au Parlement et en lui transférant les pouvoirs de régulation disséminés entre le Minatd et le Mincom. A l’intérieur de ce conseil, on retrouverait, à égale représentativité, l’administration publique, les promoteurs privés, les syndicats, les associations, etc. Il devra ainsi réexaminer massivement les dossiers des médias audiovisuels, attribuer les licences à ceux qui les méritent et veiller à leur développement économique.
L’aide publique aux médias privés devrait être votée au Parlement qui en donnerait immédiatement la clé de répartition. Cette aide servirait à l’équipement, à la formation, et à la diffusion. La structure de régulation ferait pression pour que les Conventions et protocoles relatifs à la réduction des coûts de production de contenus médiatiques soient respectés. La publicité, elle aussi, devrait être réglementée. Le régulateur veillerait à ce que les annonces provenant des institutions publiques soient équitablement réparties en fonction des critères connus de tous. Quant aux annonces de sources privées, on pourrait appliquer des concepts importés, à savoir que certains types de publicités ne pourraient se retrouver que dans certains types de médias. Au Royaume Uni par exemple, les chaînes publiques se nourrissent de redevance, mais ne prennent pas de publicité, celle-ci étant réservée aux médias privés pour leur permettre de vivre et de préserver la pluralité.
Au-delà, les médias au Cameroun méritent, de l’avis des promoteurs privés, une fiscalité spéciale en raison de leur mission de service public et de la nature très aléatoire du marché des produits culturels et médiatiques. Toutes ces mesures garantiraient la survie des médias élus au fonctionnement. Et peut-être que l’on en arriverait à ne plus fermer arbitrairement des stations ou à penser orienter officiellement le traitement d’une information.

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