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Pius N, Njawé : « Ce cinquantenaire n’est pas celui du peuple »

Posted by Admin on Jun 28th, 2010 and filed under Politique. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

Par lemessager | Lundi 28 juin 2010 | Le Messager|

Comment les festivités du cinquantenaire sont-elles perçues par vos compatriotes ?

Cette affaire ne concerne qu’une élite. Ce n’est pas le cinquantenaire du peuple camerounais. L’organisation, bâclée, des célébrations n’est pas de nature à susciter l’adhésion à la base. Pour cela, il aurait fallu des fêtes populaires dans les quartiers. A ces critiques, les autorités rétorquent que les célébrations s’étalent jusqu’en octobre 2011, date du 50è anniversaire de la réunification, censé offrir un point d’orgue fédérateur. J’espère que tel sera le cas, mais il y a lieu d’être sceptique. Au fond, il manque la volonté de profiter d’une telle occasion pour nous réconcilier avec notre histoire et penser notre avenir.

Que vous inspire la conférence internationale Africa 21, réunie en mai à Yaoundé ?

Avant de réfléchir à celui du Cameroun, un pays bénéficiant d’une position très favorable en Afrique centrale et doté d’un potentiel de leader sous-régional. Mais qui continue de traîner le pas, quand il ne court pas après les aides internationales. Le pouvoir devrait saisir cette chance de faire son examen de conscience, de se regarder dans la glace, d’engager une réflexion essentielle sur la gouvernance, le développement ou la lutte contre la pauvreté, enjeux récurrents. Or on se contente d’une journée. Un peu court, à telle enseigne qu’un ministre de la République s’est étonné publiquement qu’on s’abstienne d’esquisser le bilan d’Ahmadou Ahidjo puis de Paul Biya. Ce forum Africa 21 n’a d’ailleurs eu aucune résonance chez l’homme de la rue, même à Yaoundé. Son seul impact : les routes barrées, l’économie paralysée deux semaines durant, et des gens cloîtrés chez eux, donc frustrés. De même, je comprends mal que l’on célèbre l’indépendance sans évoquer ceux qui ont œuvré pour elle. Aucun nom n’est cité. On aurait pu imaginer par exemple un monument en l’honneur de l’un d’entre eux.

A qui pensez-vous ?

Entre autres à Ruben Um Nyobé, à Félix Moumié ou Ossendé Afana. Ceux-là se sont battus, ont posé les jalons, tracé le chemin, et l’ont souvent payé de leur vie. Or aucun livre d’histoire ne parle d’eux.

Pourquoi ?

Il y a comme une espèce de peur chez les ténors du régime actuel. Une volonté de taire, d’effacer cette histoire et ceux qui l’incarnent. Voyez le débat sur le rapatriement de leurs dépouilles, la plupart ayant été enterrés à l’étranger. Mais que craint-on ? Quelle menace ? Sans doute certains, au nom de croyances magiques, redoutent-ils que le retour du corps d’Ahidjo, inhumé au Sénégal, ou d’autres défunts mettent à mal le régime.

Que sait l’écolier camerounais de l’histoire de son pays ?

Pas grand-chose. L’indépendance, proclamée le 1er janvier 1960, la réunification Nord-Sud, le 1er octobre 1961, et la naissance de l’Etat unitaire, en 1972. Point final. On n’explique pas d’où l’on vient. Rien ou presque sur le combat pour l’indépendance et ses leaders, la lutte armée de l’Union des populations du Cameroun (UPC). Rien sur le rôle de l’armée française, Les massacres qu’elle a commis en pays bassas ou Bamiléké en mai 1955. A l’inverse, les programmes scolaires retracent largement l’histoire de la France. C’est un peu ridicule, mais c’est comme ça.

L’intelligentsia juge-t-elle, ici comme ailleurs, que la vraie indépendance reste à conquérir ?

De quelle indépendance parle-t-on ? Y a-t-il indépendance quand un peuple dépend de l’étranger pour les enjeux vitaux, quand il vend son café ou son cacao à des cours imposés par d’autres ? Rien, semble-t-il, ne se fait au Cameroun ni dans le pré carré sans l’aval de la France. Quand il y a changement de régime, on a encore l’impression que Paris tire les ficelles. Voyez le Gabon l’an dernier, le Togo en 2005 ou la Côte d’Ivoire depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny. De même, on ne peut parler que d’indépendance entre guillemets lorsqu’un pays ne contrôle pas sa monnaie. Quand je vais au Bénin, à une heure d’avion d’ici, je dois acheter avec mes francs Cfa d’Afrique centrale des euros ou des dollars, qu’il me faut convertir à l’arrivée en Cfa ouest-africains.

Le pays est-il réunifié dans les têtes ?

Je ne crois pas qu’il y ait eu réunification véritable. Pour les anglophones, l’unité nationale forgée en 1972 relève d’une tricherie, d’un coup d’Etat constitutionnel conduit par Ahidjo. Le sentiment d’exclusion a perduré. D’où la persistance de velléités sécessionnistes, fussent-elles étouffées. La solution n’est pas dans le retour à deux Etats fédérés l’un et l’autre par des langues – le français et l’anglais – qui ne sont pas les nôtres. Nos valeurs et nos cultures peuvent inspirer un meilleur découpage. Pourquoi ne pas considérer nos 10 régions comme autant d’Etats dotés d’un gouvernement local autonome ? Seuls les dossiers de souveraineté relèveraient de l’échelon national. Cette formule aurait l’avantage de résoudre deux problèmes. D’abord, le centre pourrait appuyer le développement local, collectant par exemple une taxe de solidarité au profit des régions les plus pauvres. Ensuite, un tel scénario contribuerait à lever l’éternelle hypothèque de l’après – Biya, en favorisant l’émergence de nouveaux acteurs, jugés à l’aune de leur performance dans les provinces. Prétendre qu’en dehors de Paul Biya, il n’y a personne, est une insulte à l’intelligence des Camerounais.

Le pays n’a connu que deux présidents en un demi-siècle. Pourquoi une telle longévité, sinon une telle inertie ?

On peut y voir l’héritage du système dictatorial mis en place par Ahidjo. Sous sa férule, une alternance démocratique était inimaginable. Ceux qui ont plaidé en faveur d’élections libres et transparentes ont alors été réduits à l’exil ou internés dans des camps de concertation. Les gens ont souffert lors de la lutte pour l’indépendance, puis sous ce système répressif. Beaucoup craignent de revivre ça. Quant à Paul Biya, il a renforcé considérablement son assise sécuritaire après une tentative de coup d’Etat, déjoué par l’armée, en avril 1984. Lui n’est pas un homme du peuple ; il ne va pas dans les quartiers, s’abstient de visiter le pays profond et sort rarement de son palais-bunker d’Etoundi. On peut compter sur les doigts de la main ses visites à Douala, poumon économique du Cameroun.

La fin du parti unique, en 1990, a-t-elle modifié la donne ?

L’avènement du multipartisme, concédé sous une forte pression populaire, a permis l’éclosion de nombreux partis – on en compte au bas mot 200 aujourd’hui – rarement dotés d’un fondement idéologique solide. La plupart n’ont pas été fondés pour offrir une alternative, mais afin de se donner bonne conscience, de présenter une image acceptable aux yeux de la communauté internationale. Mais le pouvoir a aussi recouru à d’autres stratagèmes. Lors de la présidentielle d’octobre 1992, l’opposant John Fru Ndi a été privé de sa victoire au prix d’un hold-up électoral. Depuis, nous allons de fraude en fraude. Le jeu démocratique est d’autant plus faussé qu’il s’agit d’un scrutin à un seul tour, et que l’organe de contrôle, Elections Cameroun, ou ELECAM, est intégralement composé de membres du RDPC (Ndlr : Rassemblement démocratique du peuple camerounais, le parti au pouvoir). Certains appartiennent même au bureau politique du comité central. Comment dès lors espérer une compétition équitable et une alternance régulière ?

Que reste-t-il de la révolte qui a secoué les centres urbains en 2008 ?

Le pouvoir a réprimé de manière sauvage, aveugle, ces émeutes provoqués par un projet de modification de la constitution permettant à Paul Biya de briguer un troisième septennat. pour une fois, la contestation a gagné jusqu’au cœur de la capitale Yaoundé. Mais la peur est encore là. Il faut y ajouter la duplicité de la classe politique, opposition comprise. Le Sdf (Social democratic front) souffre en son sein de la mal-gouvernance, des maux et du déficit démocratique que l’on reproche au pouvoir. Il y a d’ailleurs fort à parier qu’en cas d’acession à la magistrature suprême en 1992, Fru Ndi aurait perpétué les mêmes travers.

Les séjours longs et répétés du chef de l’Etat en Europe troublent-ils l’opinion ?

Les citoyens sont comme habitués à ses absences. Mêmes si on ne voit pas très bien ce qu’il fait lorsqu’il est au pays, sinon signer des décrets. Le pouvoir, ici, navigue à vue. On a l’impression qu’il est éclaté en plusieurs morceaux. Chaque ministre s’accroche au fragment que lui octroie le chef de bande, tant qu’il n’apparaît pas comme un danger potentiel. En outre, c’est le règne de l’impunité. Des patrons, des ministres détournent des sommes colossales. La presse dénonce, les gens protestent, mais rien ne se passe. Du moins jusqu’au jour où le président se rend compte que de tels méfaits peuvent affecter son pouvoir. Mais il agit trop tard, quand le mal est fait.

Quelle est la véritable vocation de l’opération Epervier, cette campagne anti-corruption qui a expédié en prison maints barons du régime ?

A l’origine, nous avons salué une initiative louable d’assainissement, d’ailleurs très bien accueillie par les Camerounais. Le Messager avait été le premier média à réclamer qu’il soit mis un terme au pillage et à la corruption, qui gangrènent tout. « Où sont les preuves ? » objectait Biya, avant d’admettre, des années plus tard, que nos griefs étaient fondés. Mais Epervier relève d’une manœuvre à tête chercheuse, qui cible avant tout les individus perçus comme des menaces pour le régime. Tel est le cas du G11 – pour Génération 2011 – petit groupe informel réunissant des partisans d’une alternance à la tête de l’Etat. Il a été démantelé au nom de la lutte anti-corruption. En clair, il s’agit d’une insensibilisation de la justice à des fins de règlements de comptes politiques.

Prenez le cas de Titus Edzoa, ancien secrétaire général de la présidentielle de 1992. Il a été mis hors d’état de nuire. Condamné, tout comme un de ses proches (Ndlr : le Franco-Camerounais Michel Atangana) à quinze ans de prison. Et voilà qu’a deux ans du terme de leur peine, purgée dans un camp militaire, on sort de nouveaux dossiers afin de prolonger leur détention. Au Cameroun, on arrête d’abord, et l’on cherche les preuves après, au risque de brandir des dossiers vides à l’heure du procès. Pendant ce temps, des « détourneurs »notoires continuent de rouler carrosse et de narguer le peuple sans être inquiétés.

Quel est votre diagnostic de l’état de la liberté de la presse ?

De prime abord, on peut avoir l’impression que cette liberté est totale, voire excessive. Nous n’en sommes plus à l’époque où l’armée débarquait dans les salles de rédaction pour les mettre à sac ou tirait à bout portant sur les vendeurs de journaux. Depuis 1996, la censure préalable a disparu. On dénombre une dizaine de chaînes de télévision et une cinquantaine de stations de radio à capitaux »privés », ainsi que de 200 à 300 titres, dont une dizaine à parution régulière, tous plus agressifs les uns que les autres. Voilà pour le décor. Mais pour un journal tel que Le Messager, l’accès à l’information, du côté des sources officielles, demeures difficiles. Et la survie de l’écrit est un challenge. Il existe une discrimination qui ne dit pas son nom. Nous sommes quasiment exclus du marché de la publicité institutionnelle. Les sociétés d’Etat nous boudent ou ne paient pas. Parfois, le ministère des Finances met deux à trois ans pour régler une annonce parue dans nos colonnes. Idem avec celui du Tourisme, qui préfère placer des publiscopies dans des magazines français ou panafricains que d’acquitter des encarts publiés voilà parfois sept ans ? Quant à l’audio-visuel, il reste soumis au régime de la tolérance administrative. Seuls trois médias ont obtenu une licence. L’épée de Damoclés peut tomber à tout moment. Notre radio Freedom-FM a ainsi été fermée… la veille de son inauguration. Nous sommes en libertés surveillée.


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