Enquête sur le phénomène des mariages mixtes

Tu vas repartir dans ton pays avec ma sœur?» Cette question, Eric l’a souvent entendue depuis qu’il est venu rejoindre Esther, sa compagne, à Yaoundé. Il est Français, elle est Camerounaise. Mais aucun d’eux n’a envie de vivre en Europe. Ils préfèrent plutôt fonder une famille au Cameroun. Quitte à se marier sur place.

Pour cela, «il faut fournir les pièces obligatoires comme l’acte de naissance», précise le personnel de l’Etat-civil à l’Hôtel de ville de Yaoundé. «Puis il faut publier les bans dans les deux pays». Le délai est de 10 jours en France, 1 mois au Cameroun. Autre différence : la coutume. Sur leur site Internet, Alain et Sara, un couple franco-camerounais, expliquent que le devoir de “doter” la future épouse peut étonner les Européens. «Par chance, le beau-père d’Alain (…) a fait cadeau de cette dot». Sans quoi «le projet de mariage aurait été difficilement réalisable !».

Lois plus strictes
Le mariage mixte est plus facile s’il se déroule au Cameroun. En effet, depuis 2002, «la législation a fortement bougé et pas du tout en faveur de l’immigration», dénoncent Sara et Alain. «Le visa n’est pour ainsi dire jamais accordé si la demande est faite dans un projet de mariage». Au Consulat français de Yaoundé, où sont délivrés les certificats de capacité à mariage, une source anonyme a d’ailleurs remarqué que «depuis environ 8 ans, les demandes sont en baisse».

Pourtant, parmi les 48 auditions pré-mariage réalisées chaque mois par le service d’Etat-civil du Consulat, «l’avis est positif dans 80% des cas. Le reste, c’est en général parce que l’acte de naissance du conjoint camerounais est faux». Ou que la différence d’âge est trop grande. «Les maris sont souvent âgés. Beaucoup sont divorcés ou vieux garçons». Quasiment tous seraient Français. «Ce sont des Camerounaises, généralement diplômées, qui se marient avec des Européens. Rarement l’inverse. Depuis deux mois, on n’a pas vu un seul homme poser une demande !»

Si certaines Camerounaises semblent encore rêver d’une autre vie en France, les difficultés administratives occidentales pourraient inverser la tendance. Et inciter de plus en plus de Français à venir s’installer en Afrique pour démarrer une nouvelle vie.

Julien Joly (stagiaire)|1er Octobre 2010|Le Jour|

Eric le dréau : Il est Camerounais de cœur

Le Breton veut demander la nationalité du pays de sa compagne.

Eric et Esther se connaissent depuis deux ans. “Depuis le 22 mai 2008, à 17h30 très exactement”, se souvient Eric. Il a bonne mémoire, ce grand Breton aux yeux verts, qui arbore fièrement une moustache poivre et sel en guidon de vélo : “Je me souviens de cette image dans mes livres d’écolier. Un vol d’hirondelles quittait la France en hiver pour s’installer en Afrique, représentée peuplée de petites filles noires au sourire immense”. Une image qui ne l’a jamais quitté et qu’il a retrouvée chez Esther, une Camerounaise “belle, ronde, très têtue, à la mentalité moderne”, rencontrée par l’intermédiaire de la sœur de celle-ci.

Dépressif, séparé de ses trois enfants issus d’un précédent mariage, Eric semble avoir trouvé une nouvelle jeunesse avec cette mère d’un grand garçon de 17 ans. “Il m’adore!” sourit Eric.

Pendant deux ans, ils ont échangé coups de fil et SMS. Le 4 septembre dernier, c’est la consécration : Eric débarque à Yaoundé et rencontre pour la première foi, en chair et en os, celle qu’il appelle “ma femme”, bien qu’ils ne soient pas encore mariés. “Je n’avais pas peur”, assure Esther. “Mais il est tellement bavard ! Je ne m’attendais pas à ça. Il parle aussi beaucoup de sexe, sans tabou. C’est gênant parfois.” Aujourd’hui, Eric a dû repartir en France, son visa ayant expiré. Mais il jure de revenir le plus tôt possible, pour demander la nationalité camerounaise. “Je suis devenu Camerounais de cœur. Et j’ai encore la moitié de ma vie à passer dans ce pays!”

J.J.

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