Écrit par Jacques Bessala Manga| Vendredi, 22 Janvier 2010| Le Jour
Incomprise tant par les praticiens que par le grand public, la médecine d’urgence s’avère pourtant d’une importance capitale dans la chaîne des soins. Enquête sur une spécialité en quête de reconnaissance. Que de fois n’a-t-on été le témoin proche ou éloigné d’un décès qu’on attribue à une négligence médicale ?
Arrivé pour une urgence dans une formation hospitalière, victime d’un accident ou d’une maladie courante, le malade en situation d’intervention d’urgence n’est pas jamais un malade banal. De sa bonne prise en charge peut dépendre sa survie. Mal exécutée, la médecine d’urgence est souvent mise à l’index, soupçonnée d’inefficacité, affublée de tous les noms d’oiseaux, déclarée défaillante, surtout lorsque l’irréparable survient avec la mort du patient.
Une médecine de l’immédiat
Le 1er janvier dernier, alors que les réjouissances populaires de célébration du Nouvel an se poursuivent dans les familles, et ailleurs, Simone T. est au chevet de son fils, victime d’un accident de moto la veille, alors qu’il revenait de Yafe, la fête foraine désormais très courue des habitants de Yaoundé en fin d’année. Elle y fera la rencontre de plusieurs autres personnes, venues, qui avec un accès palustre, qui avec une rage de dents, ou avec une autre affection causée par les nombreux excès de table de ses périodes d’insouciance, et qui les obligeait à se trouver en cette salle d’urgence de l’Hôpital central de Yaoundé. Dans un désordre apparent, les malades sont entassés dans cette salle étroite, sur des brancards, sur des lits de fortune. Cris de détresse, pleurs et gémissements de malades ensanglantés ou agonisants, relayés par la frénésie de parents et autres garde malades de circonstance, comme pour attirer au mieux l’attention des infirmiers et autres médecins, imperturbables et très souvent aussi, débordées, qui s’affairent du mieux qu’ils peuvent autour de cette détresse collective.
La médecine d’urgence est une nouvelle spécialité médicale, qui a la particularité d’embrasser la quasi-totalité des autres domaines de la médecine. Située au début de la chaîne des soins, l’urgence médicale s’avère nécessaire là où la vie est menacée. Elle sert, soit pour rétablir le confort du malade, soit pour soulager sa souffrance de celui-ci. Selon Elysée Yakana, médecin urgentiste et spécialiste des catastrophes, la médecine d’urgence comprend trois grands domaines, à savoir, les détresses vitales, les situations cliniques menaçantes et les problèmes éthiques. «Les détresses vitales sont des situations où la mort est potentielle», déclare le médecin urgentiste. Les détresses vitales concernent donc, par exemple, les cas d’arrêt cardiaque ou les crises d’asthme, pouvant provoquer le décès du patient. Quant aux situations cliniques menaçantes, «elles sont simplement des syndromes, de simples hypothèses, des cas où la mort n’est qu’imminente », poursuit-il. Dans ce cas précis, le malade a simplement l’impression de courir le danger de mort d’un instant à l’autre. Pour le dernier domaine qui concerne la question éthique, «l’urgence médicale n’est pas la même pour tout le monde», tient à préciser Elysée Yakana. « Pour le médecin urgentiste, la prise en charge des patients en situation d’urgence se fait prioritairement pour ceux qui sont effectivement en détresse », poursuit-il. Et c’est précisément à ce niveau que naît la question de la définition de l’urgence médicale. Qui, du patient ou du médecin, la définit ? Pour le patient, son cas semble passer avant celui des autres. Au point où tous les actes médicaux posés par le médecin en situation d’urgence sont suspectés. Face à deux cas, celui d’un enfant de 5 ans qui fait une fièvre de 38°C., et celui d’un adulte de 45 ans qui fait une fièvre de 40°C, lequel des deux patients faut-il recevoir en premier. Pour le Dr Yakana, la question ne se pose pas. Il reçoit en priorité l’enfant de 5 ans, au risque de s’aliéner l’adulte de 45 ans. «Le malade a l’impression, très souvent, que le médecin ne s’occupe pas assez de lui», affirme-t-il. Pour le médecin, «la médecine d’urgence est la médecine de l’immédiat, et dans cette situation particulière, le médecin urgentiste ne s’affaire pas, il pose juste le geste essentiel, en définissant les priorités de l’action médicale», préconise-t-il.
Une médecine des catastrophes
Yaoundé, ce 28 août 2009, les populations de la banlieue d’Obobogo se réveillaient dans la peur d’une nouvelle catastrophe. Un train-citerne, transportant dans ses cuves des produits pétroliers venait de «dérailler», provoquant par le même fait un immense incendie. En février 1997, 250 personnes avaient péri dans un incendie semblable à Nsam Efoulan, du fait de l’explosion, puis l’embrasement d’une citerne de carburant. Le samedi 29 août 2009, un jour précisément après le déraillement d’Obobogo, un train-voyageurs se renversait dans un ravin à Etoudi, provoquant la mort de deux personnes et de graves blessures à plus de 250 autres. Plus loin dans le temps, en août 1986, une émanation de gaz toxique avait provoqué, quant à lui, la mort de plus de 1200 personnes dans la localité de Wum, et causé de graves lésions aux rares survivants.
Aussi éloignées dans le temps et l’espace que puissent paraître chacun de ces événements, aussi diversifiées que puissent être les causes de ces situations de détresse, le recours au corps médical est de mise. Les services des médecins et de l’ensemble des personnels médico-sanitaires sont abondamment sollicités, tant sur les sites de survenance de la catastrophe, que dans les formations hospitalières où sont souvent conduites les malades et les victimes de ces accidents. Il faut secourir les blessés, apporter les soins à ceux qui en ont le plus besoin. Ici, peuvent commencer des services de soins, lorsqu’ils n’ont pas été entamés sur le site de la survenance de la catastrophe. Tout doit se faire vite. Il y va parfois de la vie des personnes impliquées. On parle alors de la médecine des catastrophes, un autre vocable entré dans les usages des praticiens, il y a peu, et qui se fraie difficilement son chemin dans un labyrinthe où les spécialités plus courantes sont légion.
Pour Elysée Yakana, «la médecine des catastrophes a des urgences militaires». La médecine des catastrophes est classifiée parmi les urgences collectives. Dans cette situation, il s’agit d’intervenir sur plusieurs patients simultanément, alors même qu’il y a persistance du danger qui est à l’origine de la catastrophe. En situation de catastrophe et d’urgence collective, les besoins sont beaucoup plus importants que les moyens disponibles. Dans ce cas, l’hôpital est simplement un maillon de la chaîne des soins. Mais en aval, sur le site même de la survenance de la catastrophe, une innombrable quantité d’acteurs et de moyens sont mobilisés, pour mieux prendre en charge les urgences. On les distingue parmi les forces de l’ordre, les sapeurs pompiers, le personnel médical, le personnel social et psychiatrique et enfin l’autorité administrative, chargée de la coordination des actions des différents acteurs et de la gestion de l’information de crise. Mais aussi, on doit compter sur la disponibilité des ambulances médicalisées, des trousses d’urgence, des extracteurs d’oxygène, de matériel de perfusion. Bien entendu, le personnel médical, composé outre de l’urgentiste, doit être aidé par les anesthésistes, des réanimateurs ou même de chirurgiens. Ce sont donc de véritables hôpitaux roulants, permettant de « conditionner » le patient, jusqu’au moment de son admission au sein d’une formation hospitalière.
Au-dela, c’est l’absence de médecins spécialistes de cette forme de médecine qui pose le plus de tourments. Désormais formés à la Faculté de médecine et de sciences biomédicales de l’université de Yaoundé I, les médecins urgentistes sont encore beaucoup trop peu nombreux pour couvrir l’ensemble des besoins du Cameroun. En deux promotions sorties de cette faculté, on ne compte que 25 spécialistes. Trop peu pour se déployer sur l’ensemble du territoire national. Au point où les médecins généralistes continuent d’assurer une spécialité qui a pourtant ses contraintes, à l’instar de toutes les autres. Mais c’est aussi l’absence d’équipements qui est la faiblesse de cette spécialité. Dans certaines formations hospitalières majeures, on dénombre souvent un seul extracteur d’oxygène, équipement indispensable dans la réanimation.
Précision : Les petits pas du Samu
Le Service d’aide médicale d’urgence peine à justifier son importance dans le système de santé publique au Cameroun.
C’est avec une certaine joie que les usagers et malades avaient accueilli la création du Service d’aide médicale d’urgence (Samu) au Cameroun par le ministère de la Santé publique en 2004. Les attentes étaient d’autant plus grandes qu’à travers ce déploiement des urgences pré hospitalières, la prévention au sein de l’hôpital prenait véritablement un coup d’accélérateur. Parmi ses missions, le Samu est chargé de transporter non seulement les accidentés, mais aussi les autres malades vers des centres hospitaliers, par le biais des ambulances équipées en matériel médical et en personnel de santé de qualité. A la demande de l’usager, il peut également intervenir pour le transfert du malade d’un hôpital à un autre.
Du temps a passé, sans que le Samu-Cameroun atteigne ses objectifs. L’image peu reluisante des ambulances en panne du Samu-Cameroun aux urgences de l’Hôpital central de Yaoundé a vraiment de quoi inquiéter. Il y a quelques mois, le personnel du Samu s’était mis en grève, en raison de ce qu’ils considéraient comme un certain abandon des services publics. Mais, à la base, le Samu présentait déjà des signes d’un projet mal pensé. Circonscrit à Yaoundé et Douala, du reste des villes à forte concentration humaine, il ne bénéficie pas encore à d’autres régions du pays où son absence continue à causer des pertes en vie humaine. Bien plus, le Samu-Cameroun ne tire l’essentiel de son financement que des centres hospitaliers membres, selon un tarifaire arrêté par le ministère de la Santé publique. Ainsi, les hôpitaux de référence (hôpital Laquintinie de Douala, Hôpitaux généraux, hôpital central de Yaoundé) devraient verser 500.000 FCFA par structure et par mois, 100.000 FCfa pour les hôpitaux de district et 50.000 F.Cfa pour les centres médicaux d’arrondissement. Une circulaire ministérielle fixait les interventions du Samu-Cameroun à 10.000 FCFA pour une intervention dans le périmètre urbain, et à 15.000 f CFA en dehors du périmètre urbain. Les ambulances et le personnel médical de ces hôpitaux sont mis à contribution pour le fonctionnement quotidien de la nouvelle unité.
Au quotidien pourtant, les hôpitaux publics éprouvent d’énormes difficultés financières à subvenir à leur propres besoins, et partant, à ceux du Samu. Leurs gestionnaires qui recourent régulièrement aux pouvoirs publics, rechignent à délier la bourse pour le Samu. Programmant de fait la mort anticipée du Samu. Même si des particuliers font de temps à autre don d’une ambulance, à l’instar de celle offerte par Samuel Eto’o Fils au Samu.
Addenda : Une spécialité en quête de reconnaissance
Les médecins urgentistes font du lobbying au sein d’une association.
Ils auraient pu s’estimer privilégiés. Les premiers étudiants du cycle de spécialisation de la médecine d’urgence avaient décelé un créneau pour exprimer au mieux le serment d’Hippocrate auquel ils ont souscrit. La réalité du terrain est pourtant toute autre. Les deux promotions déployées sur le terrain éprouvent au quotidien de nombreuses difficultés, certes partagées par l’ensemble du personnel médical, mais plus durement ressenties par les médecins urgentistes. En quête de reconnaissance, y compris parmi les autres praticiens, les urgentistes entendent pourtant faire entendre leur voix dans l’univers de la santé publique au Cameroun, réunis au sein de l’association des médecins urgentistes du Cameroun (Amucam).
A domicile, sur la voie publique, au bureau ou à la maison, le risque est partout présent, d’avoir un malaise, un accident, d’être victime d’un accident ou simplement de tomber malade. On parle alors d’une situation d’urgence. La médecine d’urgence regroupe donc les techniques médicales et chirurgicales pour faire face à une situation où le patient, faute de soins, risque de décéder. C’est pour faire mieux connaître cette spécialité médicale que l’Association des médecins urgentistes du Cameroun a organisé du 23 au 25 mai 2007 à Yaoundé, les deuxièmes journées camerounaises de médecine d’urgence et de catastrophes. Les urgentistes du Cameroun regroupés au sein de l’Amucam vont désormais évoluer main dans la main avec le Service d’aide médicale d’urgence (Samu).
Et ainsi coordonner leurs actions avec celles du Samu, et des services de réanimation des hôpitaux. Très préoccupés par l’avenir de la spécialité au Cameroun, l’Amucam a inspiré les autorités académiques de la Faculté de médecine de l’université de Yaoundé, d’augmenter la charge de formation pratique et d’exercices de simulation pendant la formation des futurs urgentistes.
la medecine des urgences n’est pas une nouvelle specialitee medicale contrairement a ce que dit votre reportage.il existe des modules que suivent les medecins generalistes comme Dr Yakana, pour la prise en charge des urgences medicales.il existe des reanimateurs qui eux appartiennent a la specialitee anestesiste /reanimation qui sont les responsables des urgences medicales conventionelles,tout commes les chirurgiens peuvent et doivent faire face aux urgences chirurgicales.mais sont avant tout soit reaninateur/anestesistes, soit chirurgiens.Thanks