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Des lépreux oubliés à Sangmelima

Posted by Admin on Nov 19th, 2010 and filed under Santé. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

Installés depuis les années 60 dans la léproserie Nkolenget, malades et anciens malades sont comme abandonnés de tous.

La pluie de cette nuit a rafraîchi l’atmosphère. L’herbe est encore mouillée. Le sentier, boueux. La terre exhale un parfum fin et doux de kaolin. Pas l’ombre d’un chat aux environs. Les habitations sont calmes.

Des oiseaux gazouillent. Des grenouilles coassent au lointain. Il est déjà 7 heures ce samedi et pourtant les habitants de l’endroit sont encore endormis. Située en pleine forêt équatoriale, la léproserie de Sangmelima est entourée de gros arbres. Au cœur d’un village appelé Nkolenget. Entre le village Mbeli’i et le village Monavebe. Ce sont en réalité des banlieues de la ville de Sangmelima. La léproserie est un camp plutôt banal. Deux bâtiments s’y dressent. Le premier est celui qui vous accueille dès que vous vous y arrivez. Il donne sur la grande cour. L’édifice abrite cinq chambres. Des domiciles pour les malades solitaires. La bâtisse est dans un piteux état. Les murs sont jaunis. Peut-être par la patine des ans. Le sol n’est pas propre. Crasse, moisissure et toiles d’araignée ont élu domicile ici. Le second bâtiment, quant à lui, est constitué de trois studios. Il est plutôt différent. Les appartements sont biens entretenus.

Derrière cette bâtisse, trois cuisines ont été érigées. À la suite de celles-ci, on trouve des toilettes. Les portes de ces pièces ont cédé. Les pots sont sales. Une couche crasseuse les a envahis. Le conduit des Wc n’est plus visible. Des ordures de toutes sortes l’on recouvert. Le carrelage du sol est teinté par des taches gluantes et verdâtres. Et cette odeur nauséeuse ! L’endroit est vraiment dans un état critique. On aurait dit que ces commodités n’ont pas servi depuis belle lurette. Il est clair que les occupants les ont tout simplement abandonnées Allez savoir pourquoi. D’ailleurs, qui oserait s’asseoir sur pareille chose ? A l’arrière des toilettes sous des bananiers, une forte odeur d’urine se dégage. Il est évident que les pensionnaires préfèrent se soulager dans la nature. Sous les bananiers. Non loin des habitations, les pensionnaires ont planté des cultures. Des tubercules et des féculents notamment. Plants de macabo, cultures de manioc et d’ignames. Des cannes à sucre aussi. Tout près du camp, est construite une maison en bois. De hautes herbes l’ont envahie. Un cadenas scelle la porte. Sur le mur, on peut lire : « Association des éleveurs de la léproserie de Sangmelima ». Aucun caquètement de poule, ni de bruit quelconque. Il y règne plutôt un silence de mort. Visiblement, aucune volaille n’a séjourné depuis longtemps.

La famille au secours des malades
Quelques instants après, un vieillard sort de son domicile. Il est vêtu d’un pagne délavé. Ce dernier tient une canne entre ses mais. Son torse nu laisse voir une poitrine recouverte de rides. D’un air curieux, il regarde en direction du nouveau venu. Il hésite d’abord. Puis, aidé de son bâton qu’il tient avec peine, il se dirige vers le visiteur. Détail saisissant, il a les doigts racornis. La lèpre… Sa démarche est nonchalante. Non pas à cause de son âge avancé, mais surtout à cause de son invalidité. En effet, ses pieds ont été, eux aussi, rongés par la maladie. Ses sandales laissent voir des pieds dépourvus en grande partie de leurs orteils. Bref, il ne reste plus que le pousse gauche et deux orteils sur le pied droit. La voix faible, il s’adresse à l’intrus en langue bulu : « Za’ale ? » « Qui va là ? »

Lui, c’est Pierre Etoungou, un pensionnaire de la léproserie. Installé ici depuis les années 50, il vit avec sa femme, Anne Ngono. Elle est aussi malade et invalide. Richard Ngane, leur petit-fils, fait aussi partie de l’effectif. Aujourd’hui, ce dernier est leur seule parenté proche. Les parents de Richard sont décédés depuis sa petite enfance. Si on s’en tient aux propos de Pierre Etoungou, c’est lui qui fait la fierté de ses grands-parents. Athlète, il veille sur eux. Il subvient à leurs besoins. Ce, malgré ses maigres revenus. Ce n’est pas tous les jours qu’il y a des compétitions, déplore le jeune homme. Pour nourrir ses grands parents, Richard Ngane est obligé de cultiver des champs et de mettre de côté sa carrière de sportif. « Avec eux sous ma responsabilité, il y a des moments où je ne peux pas m’inscrire à une compétition. Parfois, c’est parce que l’argent que j’ai mis de côté a été épuisé. Souvent, ils tombent malade et je ne peux pas les abandonner. Ce sont mes seuls parents. Qui d’autre va s’occuper d’eux », s’interroge le jeune homme. Anne Ngono, la grand-mère, les pieds dans une décoction, soigne ses plaies. Ces dernières, même cicatrisées, lui font toujours des misères. De temps en temps, les parties autrefois infectées par la lèpre s’écorchent et créent de nouvelles plaies. La vieille femme les soigne en les trempant dans une potion dont elle-même maîtrise la composition. Anne Ngono la juge plus efficace que « les remèdes des Blancs ».

La journée s’annonce difficile pour le trio familial. Les réserves sont épuisées. Il n’y a plus rien à manger. Richard Ngane ira au champ, non loin de la maison chercher quelques cannes à sucre et déterrer des tubercules de manioc. Il pourra ensuite les vendre au marché de la ville. Avec un peu de chance, il obtiendra une somme de 3000 francs Cfa. Voire plus si le « marché n’est pas dur ». Cet argent lui permettra d’acheter du riz, du poisson fumé, du sel, de l’huile et des légumes. Les aliments serviront pour le repas de ce jour. Pour celui du lendemain aussi. Néanmoins, le repas ne sera pas prêt de si tôt. Car, il faudra tout d’abord qu’il rentre du marché. Ce qui ne sera fait qu’aux environs de 16 heures. Ses viocs ne mangeront alors qu’une fois la nuit tombée. Ce qui ne leur pose aucun problème. « Ils sont déjà habitués. Surtout que nous n’avons pas du tout le choix. On va faire comment ? On ne compte sur rien. C’est Dieu qui nous garde », soutient le petit-fils. Dans le champ, Richard Ngane coupe une douzaine de cannes à sucre qu’il vendra 100 francs ou 150 francs Cfa l’une. Il déterre également du manioc qu’il empile dans une hotte. Les tubercules au dos, le fagot de cannes à sucre sur la tête, il revient à la léproserie. Avant de s’en aller. « J’arrive, on se voit le soir », lance-t-il en bulu. Quelques minutes après, le jeune homme prend la route du marché. Il est situé à environ sept kilomètres de son domicile. Une distance qu’il parcoura à pied. Marcher, ce n’est pas à la portée de tous ici. La visite se poursuit en effet chez un pensionnaire encore plus en difficulté.

Abandon
Assis à sa véranda, Jean Mvondo scrute l’horizon. C’est un papa de plus de 80 ans. Il est drôlement accoutré. Ses vêtements sont vieux et sales. Son regard,  lointain. Dans ses yeux, se lit une profonde tristesse et surtout du désespoir. Des voisins avouent qu’il passe ses journées ainsi. Il se sent seul. Hélas, depuis plus de cinq ans, date de la dernière visite dont il a bénéficié, Jean Mvondo n’a plus jamais reçu personne. Il a été abandonné par ses proches et sa famille. Il devenait un fardeau pour eux, disent ses voisins. Actuellement vieux et invalide, l’octogénaire ne pratique plus d’activité. Il est même difficile pour lui d’effectuer des mouvements. Ses rhumatismes l’en empêchent. « Ici au camp et depuis longtemps, papa Jean n’est plus demandé. Il n’y a plus personne pour s’occuper de lui. En plus, il est malade », déclare un voisin. Malgré cet état de chose, le vieil homme ne se décourage pas. Dans l’espoir de recevoir de la visite, il est aux aguets. « Chaque fois qu’il se trouve à l’intérieur de sa chambre et qu’il perçoit un bruit, il sort et regarde de qui il s’agit. Il espère que quelqu’un soit venu le chercher », témoigne une voisine. Sa chambre est dans un état lamentable. Sur son lit, un matelas usé et jeté là négligemment. Il n’y a pas de drap. Seule une couette en plastique le garnit. Il n’existe point d’ustensiles de cuisine. Encore moins de meubles. Un vieux sac de voyage est visible dans un coin. La forte odeur d’urine qui se dégage de cette salle est épouvantable.
Le vieillard est l’une des personnes les plus vulnérables de la léproserie. Il s’exprime à peine. Pour cette raison, ses voisins et lui communiquent difficilement. Aujourd’hui, comme depuis deux semaines d’ailleurs, l’infirmière viendra lui faire des pansements. Le malade est victime d’une plaie au niveau du talon, autres dégâts du bacille de Hansen. Lorsque Tamar Essame Ze, l’infirmière, arrive, Jean Mvondo froisse légèrement le visage. Il redoute la douleur que lui procure le nettoyage de sa blessure. La soignante tient un plateau entre ses mains. Il est chargé de coton et d’un flacon de Bétadine. « Papa, je suis arrivée pour te faire tes pansements. Viens ici. Il faut que je te soigne », lance l’infirmière. Selon cette dernière, la plaie de son patient a du mal à cicatriser. Les médicaments ne sont pas très efficaces. Malheureuse, elle avoue que ce sont là les seuls médicaments dont elle dispose. En outre, le patient est têtu. « Il ne respecte pas mes consignes. Je lui ai demandé de ne pas se déplacer et d’éviter de défaire les bandages. Il ne m’écoute pas », accuse l’infirmière qui a quand même vu des malades s’en sortir.

Ici, c’est chez nous
Dans le domicile de Laurent Ngoulou, ancien malade de la lèpre, l’ambiance est joyeuse. Le sol du séjour est propre et bien entretenu. Les meubles sont impeccables. Tout est bien classé. Un lit confortablement dressé se trouve dans la pièce, non loin de quelques fauteuils. Quatre personnes vivent là. Marie Zono, la fille de Laurent et les deux petits-fils de ce dernier. La fille et le garçon sont venus passer du temps en compagnie de leur grand-père. C’est leur maman qui veille sur le papy. Aujourd’hui invalide, Laurent Ngoulou se déplace à l’aide de deux béquilles. Le vieillard a perdu sa jambe droite. La séquelle majeure de plusieurs années de maladie.

Laurent Ngoulou est originaire de la région de l’Est. A la recherche de soins, il est venu à la léproserie de Sangmelima. Il s’y est installé depuis plus de 50 ans. Sa femme l’a rejoint quelques années après. L’homme n’est plus jamais reparti dans son village natal. Aujourd’hui, sa famille et lui vivent à la léproserie. Le village Nkolenget est devenu leur village. « Quand on a passé beaucoup de temps dans un milieu où on a fait ses enfants et sa vie, c’est difficile de s’en aller. Les gens vous ont adopté. Ils ont fait de vous leur frère, votre famille, comment pouvez-vous encore les abandonner ? C’est mon village ici, où vais-je encore aller ? Je ne connais même plus la route qui conduit à mon village. Les gens de ma famille m’ont même déjà oublié. Ma famille, c’est ici depuis bien longtemps », s’épanche le vieillard. Des histoires comme celles-ci, il y en a beaucoup à Nkolenget. Une léproserie devenue terre d’asile et d’adoption pour des gens venus chercher la guérison et qui ne rentreront plus chez eux. Le chez eux, malgré tout, c’est ici.

Jodelle Kayo| Vendredi 19 Novembre 2010| le Jour|
(Stagiaire)


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