Coupe du Monde 2010: Et si Tataw se bougeait!

Par Emmanuel Gustave Samnick | 29 juin 2010| Mutations|

Stephen Tataw - ancien capitaine des Lions Indomptables

A Pretoria, le soir glacé du 19 juin 2010, après la piteuse élimination des Lions indomptables de la Coupe du monde, Stephen Tataw était aux larmes. Pendant le repas de la petite communauté camerounaise, il n’a cessé de fiasquer et de se lamenter, expliquant à ceux qui étaient autour de lui qu’il a pleuré parce qu’il ne reconnaît plus l’équipe du Cameroun. Cette équipe dont il a porté le brassard de capitaine pendant l’épopée glorieuse du Mondiale 90, cette équipe qui n’avait peur de personne et ne reculait devant aucune montagne, et qui est devenue aujourd’hui quelconque, amorphe, se laissant battre facilement par des équipes moins armées qu’elle telles que le Japon et le Danemark.

Stephen Tataw a pleuré parce que, comme d’autres anciens Lions indomptables de l’époque glorieuse, il se sent inutile alors qu’il pourrait apporter quelque chose, son expérience, la transmission de certaines valeurs, à l’équipe nationale actuelle. Officiellement directeur administratif adjoint des équipes nationales, lui au moins pourrait se sentir plus intégré que d’autres anciens qui sont tenus très loin des affaires des Lions indomptables. Mais même lui, manifestement, ne se sent pas à l’aise dans le manteau qu’on lui fait porter. Il était en Afrique du Sud comme invité du ministre des Sports et de l’Education physique, autant dire sans mission précise autre que la jouissance du voyage de plaisance qui lui était ainsi offert.

Seulement, le problème avec notre ami Stephen, c’est qu’il ronronne toujours en privé ; ses lamentations, jamais on ne les entend en public, ni au cours des multiples réunions d’évaluation que sait si bien organiser le ministère qui l’emploie, ni surtout dans les médias. A quand remonte la dernière interview de l’ancien capitaine des Lions indomptables? A des temps immémoriaux, sans nul doute ! Jamais, depuis qu’il a arrêté sa carrière, il ne consent à s’exprimer dans les médias, esquivant la moindre interview ou repoussant poliment toutes les demandes. Encore que les journalistes ne s’adressent pas à lui pour lui demander de casser la baraque, mais juste pour donner un avis d’expert sur le football qui se joue et qu’il connaît si bien. «Je ne dis rien, je ne demande rien, je suis là. Il ne faut pas qu’on dise que j’ai dit que…», répond-il parfois quand le journaliste insiste.

Mais qui a donc dit aux anciens internationaux qu’ils ne peuvent s’épanouir que dans l’environnement immédiat des Lions indomptables, au point d’avoir peur de parler et même de leur propre ombre ? Voila une Coupe du monde qui se déroule en Afrique, et la plupart des anciens grands footballeurs africains y officient dans diverses chaînes de télévision et de radio comme consultants, payés rubis sur ongle. Chez les Camerounais, il n’y a que Roger Milla, Patrick Mboma et Joseph Antoine Bell qui sont dans ce cas, mais dans les médias français. Les chaînes d’expression anglaise ont recruté pêle-mêle George Weah, Jay-Jay Okocha, Osei Kuffour, Abedi Pelé, se tournant même vers des anciens de Trinidad ou de Costa Rica ou vers le Français Bernard Lama à l’anglais approximatif, soit chez certains joueurs qui n’ont jamais connu la Coupe du monde. Dites-nous, dans cette galaxie, un ancien capitaine d’expression anglaise d’une équipe quart de finaliste mondiale, ne pouvait-il pas se faire son trou, si tant est que la politique d’inertie de son pays l’a ankylosé ?