Des milliers de voyageurs bloqués dans les aéroports du Cameroun

Jules Romuald Nkonlak|Mardi 20 Avril 2010 | Le Jour |

La reprise des vols est toutefois annoncée pour aujourd’hui. Vraisemblablement, le feuilleton de la fermeture des aéroports est en train de s’achever.

Hier déjà, certains aéroports, à l’instar de celui de Lyon en France, avaient prévu leur réouverture. D’autres devraient suivre ce matin. Et, progressivement, les vols vont reprendre dans tout l’espace aérien international, après cinq jours de perturbation.

Dimanche, Air France avait effectué cinq vols d’évaluation pour mieux connaître l’impact du nuage de cendres sur ses avions et n’a relevé aucune anomalie à l’issue de ceux-ci. Ce qui laissait déjà présager une reprise de ses vols, mais surtout la polémique qui n’a pas tardé à se déclencher.

Hier soir, l’Union européenne, à travers sa présidence, a annoncé «la réouverture progressive et coordonnée du trafic dans une partie de l’espace aérien à partir de mardi à 6 heures en temps universel», soit 7h, heure du Cameroun. Cette déclaration a été faite à l’issue d’une réunion par téléconférence des ministres européens des Transports.
«Les ministres ont décidé d’établir trois zones géographiques: l’une proche du centre des émissions de cendre du volcan islandais en éruption, l’Eyjafjöll, dans laquelle les restrictions au trafic demeureront “absolues”, une deuxième où le trafic “serait” sans danger et qui doit être fixée définitivement “dans les prochaines heures”, et une troisième “ne nécessitant aucune restriction d’aucun type” », a indiqué l’Afp.

Le début de décantation de la situation intervient alors que hier, la polémique sur la décision prise de fermer le ciel européen a été particulièrement vive. Les protestations des compagnies aériennes et des entreprises se sont encore fait plus entendre. Elles ont surtout insisté sur les pertes qu’elles subissaient du fait de la fermeture des aéroports.
Hier, Air France a estimé a estimé à 35 millions d’euros les pertes journalières du groupe Air France KLM. Quant à l’association internationale du transport aérien (Iata) elle a indiqué que le manque à gagner pour les compagnies est estimé à plus de 200 millions de dollars (100 milliards de Fcfa environ) par jour. Son président, Giovanni Bisignani, a demandé hier l’ouverture “au moins de quelques couloirs” de navigation.

La perturbation du trafic aérien est survenue après une éruption volcanique en Islande qui a provoqué l’éruption d’un nuage de cendres. C’était la toute première fois qu’arrivait une pareille situation. D’après des informations retrouvées sur Internet, certes, en 1982, un avion de British Airways a perdu la puissance de l’ensemble de ses réacteurs en traversant un nuage de cendres au-dessus de l’Indonésie. A ce jour, pourtant, on ne peut pas dire avec exactitude quand est-ce le nuage disparaîtra.

Aéroport de Douala : Près de 4.000 personnes dans l’attente

Assongmo Necdem

Un avion d’Air France cloué au sol. Les passagers viennent de temps en temps s’informer.

Nous ne pouvons pas rester un jour de plus au Cameroun. Il fait très chaud. Nous devons voyager à tout prix. » Le touriste refuse de croire qu’il n’y a aucun moyen pour lui, sa femme et leur fille d’atteindre Moscou, la capitale de la Russie. Avec un billet d’avion aller et retour, ce 19 avril marque la fin de leur séjour en terre camerounaise. Ils ont choisi de prendre un vol pour le Caire en Egypte. L’homme est convaincu que ce sera possible de gagner ensuite Moscou où, selon lui, il n’y a pas de nuage de cendres volcaniques comme ailleurs en Europe. Pourtant, l’agent de la compagnie Ethiopian Airlines soutient le contraire. « En tout cas, prévient-il, si vous ne trouvez pas de vol au Caire, vous vous prendrez vous-même en charge en attendant de trouver un avion. » Les touristes sont toujours décidés à voyager. Surtout que personne ne prendra en charge les jours supplémentaires à passer au Cameroun. Pas la peine d’aller voir ailleurs ; l’employé d’Ethiopian Airlines garantit que les dispositions sont prises pour faire voyager les passagers qui à défaut de se rendre en Europe souhaitent aller ailleurs.

Cette compagnie aérienne africaine est l’une des rares qui effectuent des longs courriers à destination de l’Europe : Paris, Londres, Stockholm, etc. Ses clients passent de sales temps tout comme ceux d’Air France, Brussels Airlines et Swiss international Airlines, considérés comme des majors à l’aéroport international de Douala. Une source ici soutient que près de 4.000 personnes sont bloquées depuis jeudi dernier 15 avril, date à laquelle les aéroports ont fermé en Europe. Un Air 330 d’Air France est également immobilisé sur le tarmac à Douala. «Chacune des grandes compagnies effectue un vol au quotidien. L’avion Air France est arrivé normalement mais n’a pu repartir car la fermeture avait déjà été décrétée en Europe. Les autres ont eu de la chance. Le vol Brussels est arrivé un peu plus tôt et est reparti avant la fermeture en Europe. Il n’y a pas eu du tout de vol Swiss Air international », confie une autre source. Hier matin les compagnies concernées n’ont plus tenu comme prévue leur réunion d’évaluation de la situation.
Les passagers en attente de voyager viennent de moins en moins à l’aéroport de Douala. « Ils préfèrent soit appeler les compagnies pour s’informer soit s’enquérir de la situation via les médias internationaux. Personne ne sait jusqu’à quand durera la fermeture des aéroports européens », confie un employé d’Ethiopian Airlines.

Hier, les vols à destination des pays africains se faisaient normalement. C’est ainsi que les passagers du vol de Air Ivoire en partance pour Abidjan via Cotonou ont effectivement embarqué.

Yaoundé : Les activités en berne à Nsimalen

Beaugas-Orain Djoyum

Les petits commerces autour de l’aéroport ont momentanément disparu du fait du nuage de poussière du volcan islandais qui empêche les avions de décoller ou d’atterrir en Europe.

Joël Edoa, assistant de passagers (porteur) à l’aéroport international de Nsimalen à Yaoundé s’est une fois de plus rendu à son lieu de travail hier, 19 avril 2010. Malheureusement, comme depuis vendredi dernier, il est une fois de plus rentré bredouille. « Quand il n’y a pas de trafic, il n’y a pas de boulot. Lorsqu’il y a des passagers, nous pouvons soit emballer leurs colis soit les aider à transporter leurs bagages. Ce qui fait que par soirée, nous pouvons rentrer avec 3 000 ou 4 000 francs Cfa. Depuis la semaine dernière, nous broyons du noir », raconte –t-il. Ses trois compagnons de fortune observent la même galère. L’un ajoute : « C’est plus que du noir, nous avons nos familles à nourrir ». Joël Edoa a encore du mal à croire que les nuages du volcan qui a fait irruption en Islande, à plus de 5 000 km de Yaoundé, ait une incidence aussi négative sur sa vie.

A l’aéroport de Nsimalen hier à 13h, aucun passager n’est présent. Seuls les employés des Aéroports du Cameroun (Adc) et quelques policiers s’y trouvent. Sur la vitre de la porte de l’entrée principale de l’aéroport, on peut encore lire : « Le vol AF901/15APR est reporté à une date ultérieure pour cause de météo. Pour plus d’informations, appelez le 22 22 93 27 ». A l’intérieur, les boutiques, les bars et les bureaux de change ont fermé leurs portes. Seule une boutique d’alimentation est ouverte. « C’est juste le personnel de l’aéroport qui constitue la clientèle maintenant. C’est vrai qu’à cette heure, l’ambiance est toujours pareille. Mais, le manque à gagner de notre bar est beaucoup plus observé en soirée où il n’y a plus aucun client », confie Gisèle Marie Enyegue, la gérante. Au restaurant de l’aéroport, la situation n’est guère reluisante. « L’activité ici est au ralenti. Depuis mercredi dernier, la clientèle a considérablement baissé. Seuls les passagers qui se rendent dans les pays africains nous rendent visite », affirme la gérante.

Sur le tarmac de l’aéroport, un avion d’Air France est cloué au sol. Et ce, depuis jeudi dernier. Certains techniciens travaillent d’ailleurs au bas de l’avion. Le même jeudi, un vol de Swiss International Airlines est arrivé à Yaoundé et l’avion serait aujourd’hui garé à Douala.

Le manque à gagner provoqué par ce nuage dans le ciel européen sur le fonctionnement des Aéroports du Cameroun (Adc) n’est pas encore évalué. « Nous envisageons de mettre en place une cellule de crise pour faire ce travail. Mais, ce sont les compagnies aériennes qui accusent un sérieux manque à gagner », affirme un cadre des Adc. La mauvaise nouvelle, ajoute notre source, c’est que tous les vols annoncés pour Yaoundé ce 20 avril 2010 en provenance d’Europe sont annulés.

Contrairement aux vols en provenance ou à destination des pays européens, les vols en Afrique se font sans problème. Hier soir, Kenya Airways a effectué un vol, alors que dimanche matin, c’était le tour de Royal Air Maroc avec pour destination leurs pays respectifs. Les vols d’Air Leasing à l’intérieur du Cameroun se poursuivent également. Les responsables des Adc affirment qu’ils ne savent pas encore quand la situation va se normaliser en Europe. Ce qui inquiète tous ceux qui, comme les taximen, les porteurs ou encore des boutiquiers, mènent leurs activités autour de l’aéroport international de Nsimalen à Yaoundé.