Affaire Bibi Ngota Sérail: Le rôle trouble d’Etoundi Oyono

Par jean.francois.channon | Lundi 7 juin 2010 | Le Messager|

Il faudra certainement attendre quelques semaines encore pour que Paul Biya tranche l’affaire Bibi Ngota. Le président de la République qui avait instruit l’ouverture d’une enquête judiciaire sur cette scabreuse affaire a déjà reçu, selon des sources bien introduites, les rapports des différents services de sécurité commis à cette tâche. Le chef de l’Etat qui a regagné le pays samedi dernier en fin d’après midi, de retour du sommet Afrique-France est reparti pour Brazzaville au Congo, où doit se tenir un sommet extraordinaire de la Communauté économique et monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC). Logiquement, les différents rapports sur l’affaire Bibi Ngota et les autres dossiers importants de la République déposés sur sa table de travail devront donc attendre. Au sein du sérail politique, on attend, face à toutes les émouvantes polémiques autour de cette affaire, que le président de la République discerne au regard des rapports qui lui sont parvenus, le rôle des personnalités impliquées.

Cité par plusieurs sources comme tant un des « pré-acteurs », notamment dans les différents rapports des services de sécurité, ainsi qu’au sein du sérail, Emmanuel Etoundi Oyono, actuel directeur général de la (Mission d’ménagement et d’équipement des terrains urbains et ruraux), a été entendu à plusieurs reprises par les enquêteurs de la police judiciaire et dans une certaine mesure, indiquent des sources bien introduites par la direction générale à la recherche extérieure (DGRE). Dans l’entourage du concerné, on ne confirme ni n’infirme cette information. « Vous savez, les gens disent beaucoup de choses. Il y a tellement de manipulations dans cette affaire Bibi Ngota qu’il faut faire attention. Mais ce qui est sûr est que si le directeur général venait à être sollicité par les enquêteurs, il saura les éclairer. S’il avait joué un rôle déterminant, j’allais dire blâmable aux yeux de la loi, comme certains veulent absolument le faire croire, certainement qu’il aurait déjà pu être épinglé. Heureusement, ce n’est pas le cas », clame un proche d’Emmanuel Etoundi Oyono joint au téléphone en fin de semaine dernière par Le Messager.

Intrigante affaire

Ce qui est sûr, c’est qu’Emmanuel Etoundi Oyono s’est retrouvé au centre d’une controverse qui a préoccupé les enquêteurs dans cette affaire. Ce qui a effectivement conduit à son audition au milieu du mois de mai 2010. C’est que le Dg de la Maétur a été cité aussi bien à la DGRE qu’à la DGSN par Harris Mintya Meka, le directeur de publication du journal Le Devoir. Les deux hommes semblent du reste assez bien se connaître. Des sources dignes de foi affirment que du temps où Etoundi Oyono était à la tête de la Société de recouvrement des créances du Cameroun (SRC), Harris Mintya et son journal Le Devoir bénéficiaient des faveurs du DG en terme d’insertions publicitaires. Dans sa déposition chez les enquêteurs, Harris Mintya Meka aurait déclaré que le document controversé signé du ministre d’Etat secrétaire général de la présidence de la République, Laurent Esso, instruisant le directeur général de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), Adolphe Moudiki, de payer des commissions faramineuses à certaines personnalités ayant participé à l’acquisition du bateau-hôtel Rio del Rey lui avait été remis par…Emmanuel Etoundi Oyono.

Très vite donc, face à une déclaration aussi grave, les enquêteurs se sont rapprochés de l’actuel DG de la Maetur. Au cours de son audition, Emmanuel Etoundi Oyono aurait confirmé avoir reçu les journalistes Harris Mintya Meka, Bibi Ngota, Serge Sabouang et Hervé Nko’o. Que ceux-ci, (contrairement aux affirmations contenues dans le procès-verbal de Harris Mintya Meka), lui auraient plutôt présenté ce document dont ils étaient en possession. Et qu’après examen dudit document, il leur aurait immédiatement dit qu’il était faux. Par la suite, Emmanuel Etoundi Oyono aurait alors affirmé aux enquêteurs que ses visiteurs lui auraient posé un problème d’impression de leurs journaux respectifs. C’est ainsi qu’Emmanuel Etoundi Oyono aurait donné « généreusement » en espèces 750.000 Fcfa, sur un accord global de 1.500.000 Fcfa (un million cinq cent mille) à titre d’insertions publicitaires de la Maétur et 50.000 Fcfa de bon de carburant, à partager entre les quatre journalistes. Le reste des 750.000Fcfa devant être payé après parution du journal. C’est alors à ce niveau que l’affaire a pris une dimension intrigante pour les enquêteurs.

Indifférence suspecte ?

Notamment par une interrogation essentielle qu’une personnalité du sérail politique camerounais résume : « Comment un haut commis de l’Etat aussi expérimenté qu’Emmanuel Etoundi Oyono peut, après avoir vu le document présenté par les journalistes qu’il a d’ailleurs qualifié de faux, donner de l’argent en espèces à titre d’insertions publicitaires pour que ceux-ci aillent tirer leurs journaux sachant bien qu’ils utiliseraient ce document ? Voila ce qui fait problème. Cela peut bien montrer que le Dg Etoundi Oyono, soit avait un compte à régler avec Laurent Esso ou alors une rancœur contre lui, en participant à la diffusion de cette information qu’il sait pourtant fausse, soit alors il a fait preuve d’une indifférence suspecte fortement regrettable. » En tout cas au sein du gynécée politique camerounais, beaucoup planchent pour la thèse de la rancœur. Même si dans l’entourage du Dg de la Maétur on préfère ne pas faire de commentaire enflammé sur tout ce qui se dit, il se susurre en effet au sein du sérail qu’Emmanuel Etoundi Oyono n’aurait jamais digéré son limogeage du très prestigieux et juteux poste de directeur général du Port autonome de Douala (PAD), une décision dont il aurait attribué la paternité au ministre d’Etat secrétaire général de la présidence de la République Laurent Esso, qui dit-on, aurait voulu y mettre un de ses proches. En tout cas, toute cette affaire trouble avec le jeu précis des uns et des autres, aura certainement un rebondissement au retour de Paul Biya du sommet de Brazzaville, ou alors un peu plus tard.