Campagne : Le Rdpc lance la constitution de son fichier

Jean Francis Belibi | Samedi, 13 Mars 2010| Mutations |

A la veille de la prochaine élection présidentielle, le parti au pouvoir veut faire le compte de ses militants.

A peu près trois heures d’échange hier après midi entre René Emmanuel Sadi et les militants de la section Rdpc du Mfoundi 6, première étape de la tournée que le patron administratif du “parti au pouvoir” et non “proche du pouvoir” comme lui-même a tenu à l’indiquer, a entamé dans les sept sections de la capitale “à la demande du président national”, comme il n’a pas manqué de la faire savoir.

La tâche aurait pu s’apparenter à un exercice de routine, tant René Sadi venait ici, avec sa double casquette de secrétaire général du Rdpc, et de militant résident de la section du Mfoundi 6. Pourtant les choses n’ont pas aussi faciles comme l’ont reconnu les principaux orateurs. “Première visite d’un secrétaire général du Comité central du parti en 14 années d’existence de cette section” qui a vu le jour en 1996 comme l’a relevé le président de la section Rdpc hôte, Jean Claude Adjessa Melingui.

L’hôte du jour a bien fini par reconnaître que l’on peut parfois être “proche du père, mais être l’un des enfants moins bien loti”. Et en la matière, les militants du Mfoundi 6 ont bien fini par avouer qu’ils étaient sans doute les moins bien servis du département.

On a pu le comprendre à la longue liste de doléances qui allaient de l’absence d’une élite propre à ce territoire, à la non participation de celle résidente aux activités organisées localement, en passant par le chômage des jeunes, les casses à répétition de la Communauté urbaine qui laissent dans la rue de nombreuses familles depuis quelques mois.

Pourtant s’il est venu dans le cadre de concertations qui vont permettre entre autres au Rdpc de constituer son fichier de militants en vue de faire face aux prochaines échéances, le secrétaire général du Rdpc a tenu à apporter des éléments de réponse aux différents problèmes posés.

Au final, René Sadi a tenu hier à porter un discours qui est résolument à l’offensive dans les rangs de cette formation politique. S’il a beaucoup été question d’animation, il s’agit désormais d’occuper l’espace car pour le secrétaire général du Rdpc “Un parti qui manque d’animation n’est pas une menace politique”, de même que “L’animation du parti participe de la démonstration de force”, a-t-il tenu à relever.

Constat d’inactivité

S’il est seul aujourd’hui à occuper l’espace politique, le Rdpc comme l’a reconnu son secrétaire général a néanmoins quelques soucis à se faire au niveau du management de ses organes de base “Très peu de sections sur l’ensemble du territoire se soucient de transmettre leurs rapports sur la situation du parti”, ces organes qui ont désormais la tâche d’informer la hiérarchie du Rdpc sur le moral des militants, sur leurs problèmes, sur la situation et les stratégies de l’opposition. Ils ne réunissent plus, ou pas pour certains depuis leur mise sur pied en 2007.

Un constat d’inactivité qui part sans doute de la non maîtrise des textes de base du Rdpc. Des documents que la délégation du comité central met désormais gratuitement à la disposition de ses militants.

Dans un contexte où “la tenue du fichier des militants” est venue remplacer la reconstitution du sommier politique. Le Rdpc veut faire le compte de ses militants. Pour la circonstance, une circulaire du secrétaire général vient d’être commise. Il est question de “lancer une campagne de nouvelles adhésions”, le critère d’évaluation étant désormais selon René Sadi, “le taux d’accroissement des militants”.

Il a en outre été question de la mobilisation des militants autour des attaques de plus en plus croissantes contre le chef de l’Etat et président national du Rdpc, M. Paul Biya. Les militants du Rdpc sont appelés à faire front, et même “à monter au front” dans la campagne médiatique actuelle. Une campagne qui n’est sans doute pas prête de s’arrêter, de l’avis même du secrétaire général du comité central du Rdpc. Des campagnes auxquelles les militants du parti au pouvoir doivent donc apprendre à faire face, et même à apporter leurs réponses.

Où sont les autres ?

La formule n’est pas piratée, mais empruntée à une chanteuse camerounaise qui s’interrogeait plutôt elle : “Où sont les hommes ?” La question que nous posons ici est de savoir où sont les autres formations du paysage politique camerounais. Hier face aux militants de la section du Mfoundi 6, René Emmanuel Sadi, le secrétaire général du Comité central du Rdpc a parlé de plus d’une centaine de partis politiques qui existent au Cameroun. Le fichier du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation (Minatd) indique environ deux cent dix (210) formations politiques qui ont une existence légale au Cameroun. Depuis le 5 décembre dernier, le Rdpc a choisi de lancer son principal responsable administratif sur le terrain pour la mobilisation des “troupes” comme on indique ici. Commencée à Sangmelima, cette descente sur le terrain s’enchaîne cette semaine dans le Mfoundi, après un passage dans les Bamboutos.

La particularité de la tournée commencée hier dans la capitale étant que René Sadi va parcourir toutes les sept sections, au lieu d’un meeting conjoint comme on a pu le voir ailleurs. Notre interrogation du début de ce texte porte sur le mutisme des autres formations politiques camerounaises, là où le secrétaire général du Comité central du Rdpc appelle les siens à une mobilisation sans faille et tous azimuts en “cette année charnière ” qui précède la fatidique année 2011, qui comme on le sait, est celle de l’élection présidentielle. Il ne fait donc point de doute que ” le parti au pouvoir” est plus que jamais en campagne électorale pour cette échéance. Une campagne que le Rdpc mène en ce moment tout seul, occupant progressivement le terrain. Avant le double scrutin législatif et municipal de 2007, l’on avait connu ce que le parti de Paul Biya avait appelé la reconstitution de son sommier politique. A la veille de la présidentielle de 2011, il est désormais question de la “constitution du fichier des militants” qui, comme l’a dit René Sadi, est un complément du sommier politique.

On ne peut que s’étonner aujourd’hui du caractère amorphe de l’opposition camerounaise, face à tous les phénomènes sociaux que vit notre pays. On ne peut que s’étonner du mutisme de celle représentée à l’Assemblée nationale là où il est clairement apparu qu’il y a une violation de la loi sur la question de la vacance des députés décédés. Il a fallu attendre la saisine de la Cour suprême par une formation politique qui n’a apparemment aucun intérêt dans l’affaire pour voir celle-ci refaire surface, alors qu’il y a plus de deux ans que certains de ces élus sont décédés.

On pouvait, et sans doute avec raison comprendre René Sadi demander où se trouvent ces gens qui n’attendront sans doute que les lendemains des élections pour crier à la victoire volée ou aux fraudes électorales massives.
Il sera peut être tard de le faire, quand on aura passivement laissé le champ libre à une formation qui peut aujourd’hui en faire ce qu’elle veut.

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